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20 février 2006 1 20 /02 /février /2006 02:54

CRIA CUERVOS... 

            Il en est de certains films comme autant d’actes manqués. De certains films dont nous avons déjà raté la sortie en salles parce que… Tiens, pourquoi d’ailleurs ? Cinéma trop éloigné ? Vous ne vous plaignez jamais que la mer est trop loin quand vous partez en vacances. Jour de pluie ? Sortez. Si vous n’allez pas au cinéma, de toute façon il est temps de consulter : vous vous prenez pour une poule, un chat ou un mogwaï. Soir de foot ? Justement. Nuit d’amour ? Dans un cinéma c’est quand même plus excitant (clin d’œil). Pas d’argent ? Vous avez bien des amis juifs… Ils sont déjà tous dans la salle ? Toujours cette manie de s’enfermer ensemble ! Georges Moustaki au générique ? Huez-le, vous brillerez en société. N’allons pas plus loin ! Je vois déjà poindre le courroux de certaines associations qui commencent à regarder cet espace de liberté de travers, et se questionnent sur le racisme des mots précédents. Alors, que ce soit bien clair pour tout le monde : c’est de l’humour ! Bien évidemment ! Qui plus est, Georges Moustaki n’est pas une race.

Vous le voyez bien, il n’existe jamais une seule bonne raison pour manquer la diffusion d’un film en salle. La seule qui pourrait mériter de se poser la question serait que le film en question ne soit projeté qu’en version française. Dans le cas d’un film d’origine française, la réflexion sera de courte durée puisqu’il s’agit ici d’un avantage, même si le film se saborde de lui-même du fait de l’appartenance à cette patrie. Dans le cas d’un film en langue étrangère, le dilemme devient plus épineux vu qu’un doublage son correct cela n’existe plus en France depuis le début des années 90. Oui, mais de quel siècle ? « Dilemme épineux » (j’aime bien citer mes propos) car entre attendre des années ou voir le prochain Tarantino en version française, c’est tout décidé. Je préfère attendre. Malin, le garçon ! Car il sait que l’énoncé de la proposition est absurde puisque nous ne sommes pas sous un gouvernement dirigé par Philippe de Villiers, et qu’il y a encore énormément de cinémas qui diffusent des films en version originale. Donc, il préfère attendre et parcourir plusieurs kilomètres. Ca lui donnera l’impression de partir en vacances. Ce qui est véritablement le plus épineux dans tout cela, c’est ce satané mot « dilemme » dont la définition ne constitue absolument pas ce que sa prononciation semble évoquer. Et ça, c’est moche ! Un bien vilain point pour la langue française !

Vous aurez donc, vous aussi, fait les frais au moins une fois dans votre vie d’un film que vous mourrez d’envie de voir mais le jour de sa diffusion télé votre grand-tante a subitement décidé de délivrer un message politique à travers une opérette humanitaire et vous devez l’accompagner précipitamment à l’aéroport afin de l’aider à porter la parole d’Albert Willemetz au peuple éthiopien. Qu’à cela ne tienne, vous décidez de l’enregistrer. Mais à votre retour de l’aéroport vous découvrez avec stupeur que votre magnétoscope s’est lui aussi pris de passion pour l’opérette puisqu’il vous rend la bande de votre cassette vidéo en accordéon. Fou de rage, vous décidez d’oublier en vous initiant à l’Air Guitar et attendez patiemment sa prochaine diffusion télé des années plus tard. Lorsque celle-ci se confirme vous redoublez de malchance puisque vous apprenez au même moment que le championnat de France d’Air Guitar aura lieu le même soir. Et vous n’avez pas travaillé si dur pendant tout ce temps pour voir vos efforts réduits à néant de la sorte. La bonne nouvelle vient de l’évolution technologique qui vous a fait remplacer votre vieux magnétoscope musical par un enregistreur DVD dernière génération. C’est bien. Dans votre fougue vous avez sélectionné une mauvaise chaîne lors de la programmation de l’enregistrement. C’est bête. Vous vous retrouvez avec un film pornographique faisant l’apologie du nazisme et relatant les mésaventures d’une jeune fille de bonne famille au sein d’un groupuscule néo-nazi qui torture de jeunes vierges pour essayer d’en extraire leur « essence divine » et la redistribuer à des nains satanistes qui ritualisent la résurrection d’Adolf Hitler. C’est mal. Vous vous en apercevez en compagnie de votre fils de sept ans stupéfait, à qui vous aviez promis un chef-d’œuvre cinématographique. C’est pire.

            De nombreuses années se sont écoulées avant que je puisse enfin voir CRIA CUERVOS… de Carlos Saura. Des années à entendre parler de ce film, à écouter la chanson originale interprétée par Jeanette sans pouvoir mettre d’images sur ces notes, des années à rechercher une copie DVD de ce film, des années à attendre une improbable diffusion sur une chaîne hertzienne. Et puis, un jour, on décide de frapper la balle au rebond. Et on se demande comment on a pu passer à travers une telle pièce maîtresse du cinéma espagnol. Soyons fous, allons jusqu’à dire mondial.

Carlos Saura n’est à priori pas un cinéaste qui me passionne. Nous avions récemment parlé de son dernier film (EL SEPTIMO DIA) qui ne nous avait pas particulièrement emballés, mais qui recélait cependant des scènes très prenantes. BUNUEL Y LA MESA DEL REY SALOMON était lui aussi très intéressant dans ses diverses approches, mais presque ennuyeux. Objectif atteint avec le transalpin DEPRISA, DEPRISA qui atteignait des sommets. Et si l’on y ajoute EL DORADO et CARMEN qui ne sont pas des univers que j’affectionne particulièrement, ma connaissance en Saura est plutôt limitée. Il n’empêche que je le considère comme un réalisateur exigeant et honnête, qui a œuvré pour le développement artistique du cinéma dans son pays. Il en est même l’un des pères fondateurs. Son influence est donc certaine, notamment grâce à CRIA CUERVOS… nous le verrons, et il continue à officier en Espagne en étant toujours aussi pertinent dans sa démarche quoique légèrement dépassé. Ce qui est, à mon avis, aussi le cas d’un cinéaste comme Pedro Almodovar.

CRIA CUERVOS… est un film magnifique. Ultra sensible dans la résolution et porté par l’interprétation envoûtante de la jeune Ana Torrent. Elle irradie véritablement le film du haut de ses dix printemps, et cristallise toute l’émotion nostalgique qui s’y développe. Car Saura travaille ici sur le temps. Un temps qu’il décline jusqu’à perdre son spectateur dans le repère chronologique qui le situe. Il navigue entre passé, présent et futur en développant l’idée que le présent compte moins que par ce que nous avons vécu et par les futurs objectifs de nos vies. C’est en cela que le choix de situer son propos durant l’enfance de cette jeune fille s’avère particulièrement intelligent. La jeune Ana Torrent réalise par la mort de ses parents, et l’éclatement de sa structure familiale, le fragile équilibre qui la constituait. Son passé construisait sa vie et bâtissait son futur par le rôle que ces éléments y avaient à jouer. Dès lors que tout cela n’existe plus, le présent est comme suspendu, et Ana Torrent semble errer dans un statu quo inébranlable voire régressif. N’avoue-t-elle pas qu’elle souhaite mourir, avec tout ce désappointement qui serre sa gorge et étouffe chacun de ses mots ? C’est triste et douloureux. Le fait d’avoir placé l’action pendant une période de vacances scolaires légitime d’autant le choix du temps figé. Les vacances scolaires sont des parenthèses pour les enfants. Pour Ana Torrent elles enserrent l’apprentissage de la mort. Elément présent tout au long du film et qui conditionne l’état de la jeune fille. La mort est le point central de CRIA CUERVOS… Elle rôde, frappe la mère d’Ana, son père, son animal de compagnie, puis semble tisser des liens avec Ana lorsque celle-ci offre à sa grand-mère la possibilité d’abréger son existence, ou encore lorsqu’elle tente d’empoisonner sa tante avec ce qu’elle prend pour du poison mais qui n’est en réalité que du bicarbonate. La mort ne compte pas tellement parce que nos proches ne sont plus là mais parce que nous cessons de vivre avec eux. Affreuse réalité où l’être découvre que ses jours son comptés et que les trois temps sont étroitement liés. Le passé comme dictateur de qui nous construit, le présent comme conséquence douloureuse du passé et le futur comme établissement inéluctable de ce qui sera passé un jour ou l’autre et que nous ne souhaitons pas changeant. Tout se mélange comme la narration de Carlos Saura qui fait naviguer le spectateur entre ces trois univers sans aucune date précise. Petit bijou de mécanique actantielle. Et le réalisateur en rajoute une couche en mélangeant les rôles et les comédiens, où tout se perd en amalgame savoureux.

Il est assez étonnant de voir comment le grand thème de la mort est abordé chez Saura. D’abord parce qu’étrangement peu de réalisateurs ont pu développer une réflexion aussi poussée sur ce sujet. Seul DET SJUNDE INSEGLET faisait figure de précurseur en la matière. Encore que la mort y était abordée sous un angle métaphysique, ce dont se défend le réalisateur espagnol. Chez Bergman, la mort se réfléchit. Chez Saura, elle se vit. C’est l’expérience qui définit la mort et son rapport qui interagit sur nos vies.

Et elle est bouleversante, ici, car impitoyable. Par une mise en scène très simplifiée et qui s’attache aux états d’esprits du moment des différents personnages, Carlos Saura arrive à donner corps à une ambiance chargée de remords, d’impuissance à retrouver les joies passées ou encore d’attachement délicat que crée l’amour entre une mère et sa petite fille. Tendresse avouée, mais terriblement déchirante car vécue sous le sceau de ce qui ne sera plus jamais.

Ana Torrent (qui poursuivra avec talent sa carrière de comédienne, c’était elle dans TESIS) est absolument prodigieuse. Pas au niveau du travail d’actrice (on ne le répètera jamais assez les enfants sont naturellement justes), mais alliée à sa présence et à la troublante innocence qu’elle colporte, elle crée une magie enfantine que Saura compose avec tous les déchirements connus de cette période. Un peu d’astuce et d’espièglerie. Malicieuse. Rarement une aussi belle place aura été laissée à un enfant dans toute son appréhension du monde. Une émotion presque palpable lorsque la jeune Ana écoute sur son tourne-disque la merveilleuse chanson « Porque te vas » interprétée par Jeanette. Tube indissociable du film qui renferme une énorme tristesse, et pourtant une chaleur humaine symbolisée par des cuivres merveilleusement harmonieux. C’est ce qui permet l’identification à la petite fille. Vous connaissez sûrement, vous aussi, des chansons qui vous ramènent directement à des souvenirs précieux. Celle de Jeanette fait sûrement écho au passé familial d’Ana. Dernier reste d’une époque avec laquelle elle cherche à rester en contact, à preuve les paroles qu’elle murmure et qui créent le malaise nostalgique. Les réalisateurs qui savent parler et retranscrire l’univers de l’enfance de la sorte ne sont pas légion. On compte Truffaut et Cassavetes, et puis après…

CRIA CUERVOS… est un film extrêmement touchant, qui nous ramène aux sensations de notre enfance, et nous heurte face à la brutalité émotionnelle et notre lutte intérieure devant l’irrémédiable.

Un film qui peut aussi se lire comme une critique très virulente envers le gouvernement franquiste et post-franquiste. CRIA CUERVOS… correspond étrangement avec la fin de règne du général Franco. Celui-là même qui avait aseptisé le cinéma espagnol, le censurant de manière démesurée jusqu’à en faire un art mièvre et sans intérêt. Avec ce film, Carlos Saura s’en prend à cette société repliée sur elle-même qui se retrouve annihilée par l’éducation religieuse et le pouvoir machiste présent jusque dans les cellules familiales. C’est ce qu’évoque la relation du père d’Ana avec la bonne mais aussi avec beaucoup d’autres femmes. Le réalisateur la caractérise par l’épouse délaissée, insatisfaite et frustrée qu’incarne Géraldine Chaplin, et qui trouve un exutoire dans l’amour qu’elle porte à ses enfants et plus particulièrement à Ana. Ce qui rendra d'autant plus insupportable le vide créé par son absence post-mortem.

C’est aussi un très beau film sur la condition féminine au sein de cette société espagnole qui ne lui accorde qu’un rôle très secondaire. La place de la femme dépréciée. La place de l’enfant déconsidéré.

Et puis, il y a l’espoir au sortir des vacances, au sortir de la maison pour aller à l’école, l’espoir né de tant d’imagination chez la jeune Ana, l’espoir qui va enfin faire avancer la société espagnole et donner plus d’importance à son peuple.

Carlos Saura a signé un film éblouissant par sa structure formelle, par une mise en scène étonnante de sobriété, par une direction d’acteurs qui privilégie l’émotion dissimulée et par un message convaincant et particulièrement proche de vécus personnels. Afin de toucher au plus près l’identification du spectateur, il a opté pour une photographie pâle, presque sans relief, mais qui a l’avantage d’éviter une mise en scène asséchée par le réalisme. C’est assurément son film le plus beau, le plus fin, le plus intelligent, bref, le plus maîtrisé.

Note à l’attention de nos professeurs de l’Education Nationale. « Porque te vas » est une chanson absolument exquise, un diamant musical qui s’écoute et se réécoute avec beaucoup d’émotion et toujours la même petite larme au coin de l’œil. Alors, s’il vous plaît, cessez de l’apprendre à vos élèves en cours d’espagnol. Vous les traumatisez pour le restant de leur vie et les empêchez de jouir d’une des chansons les plus belles mais aussi les plus tristes qu’il ait été donné d’écouter. Combien de générations d’élèves subissent aujourd’hui une réaction épidermique aux seules premières notes de cette chanson ?! En voulant faire partager le patrimoine culturel espagnol vous avez écoeuré plus que vous n’avez enjoué. Jamais le titre du film n’aura trouvé de meilleur exemple.

La semaine prochaine nous reviendrons sur les effets tout aussi déplorables de l’apprentissage des textes de Molière et nous militerons pour qu’ils ne soient plus jamais étudiés en classe.

commentaires

M
ALAN SMITHEE ---> FAUTE QUI AVAIT ECHAPPE A MES RELECTURES. JE DECIDE DE LA CORRIGER IMMEDIATEMENT.LES REFERENCES DU FILM A CARACTERE PEDAGOGIQUE : "MEIN CAMP" ET JE CROIS QUE C'EST PRODUIT PAR GESTAPROD.
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A
Tu as les références du film porno il m'a l'air bougrement intéressant  ;-)    ?<br /> "vous décidez de l'enregistrer "
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