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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 13:29

            Le sablier de nos conciliabules patriotiques déglutit les dernières secondes avant l’autodestruction programmée de ce blog. Chose promise, chose due. Cela aura duré cinq ans. Cinq années au cours desquelles les lumières brillaient au rythme des perles que l’on ajoute à un collier. Il est désormais temps d’en sceller le fermoir.

Lorsque j’ai commencé à écrire, j’envisageais cet espace comme un lieu d’échange et de discussions argumentées. Il n’est devenu que rarement cette représentation souveraine. Mais les règles sont évolutives, et il s’est contenté d’être autre chose. Tant mieux.

Ce point d’arrêt ne signifie pas pour autant point de chute. Le blog reste en ligne et les commentaires restent ouverts. Chaque article fut écrit dans le but de ne pas trop s’ancrer dans l’actualité du moment. Ils peuvent être lus dans le désordre, à n‘importe quel moment, sans forcément avoir besoin d’avoir vu les films chroniqués. Leur caractère foisonnant invite à la lecture-enquête ; ils requièrent la même décontraction que lorsque l’on s’engourdit dans son fauteuil pour déguster un livre. Prendre le temps d’être actif. Ces quelques écrits encore à disposition vous incitent à venir et revenir chiner parmi ces agglomérats d’idées éparses.

            Cette décision planifiée depuis longtemps ne fait pas suite à une lassitude. Elle est avant tout la suite logique d’une évolution mathématique de mes envies et de ma figure sociale. D’où le refus de considérer qu’il s’agit d’un arrêt. Une porte se ferme, une autre s’ouvre. C’est une continuité, un prolongement des actes vivaces nés de cette expérience. Nous nous retrouverons ailleurs, vers d’autres contrées où les mots seront peut-être des images, où toute compréhension se fera en musique, où les corps apaiseront les esprits semble-t-il... Rien n’est encore défini. Quelques pistes semblent s’amorcer, prémices de nos futures communions. Ce qui est sûr c’est qu’il est temps de détourner le regard et de se réinventer sous de nouveaux tropiques. Il n’existe que deux catégories de personnes dans le cercle des passionnés du cinéma. Et si tu sais faire quelque chose tu le fais, sinon tu l'enseignes. Parce qu’on admire des icônes tant qu’on ne les a pas dépassées. Mais la vérité c’est qu’il n’y a pas d’icônes. Il n’y a que des tentatives.

5 ans pour aboutir à cette conclusion, il était temps ! Elle ne sonne pas pour autant comme la grande quête projetée sur ces murs par une lumière qui vient du fond. Non, non. Ma plus grande, ma plus belle victoire, celle dont je suis le plus fier et dont je n’hésite pas à éclabousser ceux qui me côtoient d’un sourire libéré et hautain, c’est qu’à force d’âpres tergiversations et de luttes angoissées, après cinq années de déambulations hésitantes, une chose est sûre et définitive : je n’irai plus au Pathé Wépler. Merci « La lumière vient du fond ».

Ce n’est donc qu’un au revoir, et je ne peux m’empêcher de vous laisser en héritage ce qu’il nous faut absolument retenir pour cimenter le lien qui nous unit :

 

La caméra n’est pas un vibromasseur

L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement

Un film d’horreur se regarde la nuit et dans le noir

La peur du noir

Being weird isn’t enough

Dire des horreurs

Ca, c’est fait. Comme dirait Terry Kevin

I’ve got blisters on my fingers

La raison du plus fort étant toujours la meilleure puisqu’il ne faut jamais dire fontaine

Le talent ne se mesure pas à l’applaudimètre

Un peu d’astuce, d’espièglerie…

Conquérir n’est pas acquérir

Dans un vrai film, tout doit être convaincant (Jacques Becker)

S’il ne suffit plus de crier alors il faut hurler

La cohésion fictive du réalisateur au public

Le rire vient de la rupture

L’œil du spectateur peut s’éduquer

Le bonheur se raconte mal

Ne créons pas du talent là où il n’y en a pas

Contre la loi Gayssot

Le dénouement est moins important que le processus qui y mène

Il n’y a pas que l’innovation qui marque les esprits

Le plaisir que tu en tires dépend de ce que tu mets dedans

Personne ne sait que j’ai tué un homme

La liberté n’est pas sans contraintes

Soyez exigeants, restez vigilants

On ne brade pas le cinéma !

Frapper la balle au rebond

Faites l’amour dans les salles de cinéma !

On ne peut satisfaire un public qui n’a pas de talent

Le livre propose, le réalisateur dispose

Un film évolue au même rythme que les regards que l’on porte sur ce qui nous entoure

Si tu ne fais pas partie de la solution, tu fais partie du précipité

Si la pierre tombe sur l’œuf, attention à l’œuf. Et si l’œuf tombe sur la pierre, attention à l’œuf

Awesome !

Un film se regarde toujours avec un œil rétrospectif

Courir dans les cimetières avec Kirsten Dunst

Il est des expériences qui restent unique la vie durant

L’accord de la tête et du pied !

C’est dans ce dont personne ne parle que réside le mystère de la vie

Il n’y a rien de plus bête qu’un calembour

Quand on sait ce qui s’est passé en 1924…

La peur ne réside que très peu dans la surprise

Les choses rares sont des démons insouciants

Aryika !

La théorie de la propagation de l’écho est différente du bouche à oreille

Personne ne choisit sa réputation, ce sont les autres qui vous la fabriquent

La cape du Mal revêt toujours plus de classe que l’uniforme de travail du taciturne

Les vis serrent nos viscères et la vie sert de vice à notre ère

Le talent ne s’achète pas

Une révolution tire son nom du fait qu’elle vous revient toujours en pleine gueule

C’est beau, c’est commerçant et il y a l’amour du geste

Ce qui est important ce n’est pas ce que nous savons mais ce dont tout le monde se fout

Il faut croire que les adultes n’aiment pas que certains puissent posséder ce à quoi ils ne veulent pas prétendre

Un grand avantage passe pour un inconvénient majeur pour ceux qui n’ont aucune imagination

La raison du plus fort étant toujours l’avis de référence puisqu’il ne faut jamais dire Jean de la Fontaine

Le résultat parle toujours plus que la petite histoire

La théorie a cela de magnifique qu’elle peut mener à tout et son contraire

On maîtrise les choses jusqu’à ce qu’elles nous maîtrisent

On cherche tous quelqu’un qui vienne nous chercher

Nos vies sont des chemins d'espérance qui mènent du total au particulier

Les gravures sur table de marbre ne jouissent d’aucun crédit

La malhonnêteté ce n’est ni plus ni moins que de la mauvaise herbe qui dépasse

Un bon comédien n’a pas besoin de texte

L’unité de la vie est de faire cohabiter les axes contraires

Synthétiser la totalité et se comporter comme un phénix…

 

THE END

19 avril 2010 1 19 /04 /avril /2010 10:52

CLOSER

            Quoi que puisse dire Bernard-Henri Lévy et toute la philosophie, PRETE-MOI TA MAIN n’est pas une histoire d’amour entre deux lépreux.

            Ma vie sentimentale est un désastre. C’est un désastre parce que je recherche une femme intelligente. Et une femme intelligente, cela n’existe pas. Ca n’existe pas sinon elles n’auraient pas besoin des hommes. Alors, bien sûr, vous me direz, qu’il existe bien des femmes qui vivent seules parce qu’elles n’ont pas besoin d’homme. C’est bien là mon problème : je ne peux pas les avoir.

            LOVE STORY n’est pas devenu ringard. Il l’était déjà à sa sortie.

            C’est quand vous commencez à voir les limites de vos maîtres que vous devenez un artiste important.

            Dans EL AURA vous trouverez une petite curiosité exotique qui répond à un théorème extrêmement concis du cinéma mondial : si vous tirez sur un homme dans une forêt vous toucherez toujours les troncs des arbres en bois et jamais à côté !

- Il ne faut jamais dire à une femme qu’on l’aimera pour toute la vie.

- Pourquoi ?

- LE CHAT !

            A la fin de CLOSER Natalie Portman n’aime plus Jude Law. Comme ça, d’un instant à l’autre. Juste, précis, cinglant. Les femmes. La psyché féminine. Une seconde avant c’était les feux d’artifices, et puis un peu de fumée magique et tout a disparu. Tout est fini. Aucune explication. Jamais. Evidemment, ceux qui l’ont vécu comprendront, les autres trouveront qu’ont n’y croit pas une seconde. Lisez les journaux, ce que l’on y trouve est bien plus incroyable que ce que nous racontent les films. Après vous irez parcourir les critiques spectateurs de MESRINE : L’INSTINCT DE MORT sur Allociné, vous verrez comme ils sont drôles ceux qui ne trouvent pas le scénario très crédible !

            J’aime bien les hôpitaux. Ils mettent la télévision en hauteur. Vous levez la tête et hop ! Vous avez l’impression d’être au cinéma.

            Louis Garrel a un physique de cinéma muet. Malheureusement, dans les films qu’il tourne, il parle.

            Dans WHO’S AFRAID OF VIRGINIA WOOLF ? il y a des flous qui pourraient nous faire croire que la mise au point est un peu lâche. C’est pour emmerder ceux qui n’aiment pas les mises en scène littérales. Vapeurs d’alcool. J’avais lu un jour que Mike Nichols serait très vite oublié. C’est triste parce que je crois que cette personne a eu raison pour la seule fois de sa vie. Et pourtant on n’a jamais dit que ce fut un grand metteur en scène. Trop inconstant pour que son œuvre subsiste à ses films.

            Le mec qui a inventé le sifflet est quand même le plus sadique que j’ai jamais rencontré. Le mien, si je siffle dedans, c’est quand même super car on peut m’entendre à cinq kilomètres à la ronde, mais ce faisant il m’explose les tympans. Ce devait être un mec qui n’aimait pas les arbitres…

J’en ai plein ma chaussure du dernier film de Ridley Scott ! Que du dernier ?

C’est au moment des saluts que l’on reconnaît un bon comédien de théâtre.

Dans DU JOUR AU LENDEMAIN de Philippe Le Guay, Rufus est une erreur de casting. Pas pour ses compétences professionnelles, qui ne sont plus à prouver, mais pour l’importance de son rôle. Sa première apparition est complètement anecdotique, puisque le réalisateur le présente comme un personnage lambda que Benoît Poelvoorde croise. Or, comme il s’agit d’un acteur connu, tout laisse à penser qu’il va devenir par la suite un personnage important du film. Ce qui ne manque pas d’arriver !

            Harpo Marx est un animal de compagnie.

            Nous sommes passés d’un cinéma global à un cinéma particulier.

            Au top ten des choses qui m’énervent le plus chez les critiques, arriverait sûrement en pole position leur soumission à leur propre jugement. Lorsque les meilleurs se donnent la peine d’argumenter leur propos, il est souvent très enrichissant de les entendre discourir et théoriser sur l’idée qu’ils se font du cinéma. Le pire critique est celui qui impose des affirmations arbitraires et définitives. « Ce n’est film pas bon. » « Les cadres sont laids. » « Les dialogues sont mauvais. » Le fond est atteint lorsqu’ils abordent l’interprétation des comédiens. Encenser ou conspuer un comédien n’a aucune valeur si cela n’est accompagné de preuves. Vous n’avez pas aimé un acteur ? Prouvez-le ! Tel autre joue comme un balai à chiottes ? Prouvez-le. Jusqu’à présent, la meilleure méthode pour déceler les bons critiques des mauvais reste encore de s’attarder sur ce que chacun dit des interprètes d’un film. Il est un peu trop facile de dire : « Ce comédien est absolument fabuleux » ou encore : « Cette comédienne en fait des tonnes ». Nous voulons un développement qui explique ce ressenti, peu importe qu’ils aient raison ou tort.

            Un critique qui n’est pas capable de parler de lui n’est pas un critique, il ne fait que de la théorie.

            Les éléphants sont les seuls animaux qui ne peuvent pas sauter.

            Le Vin Diesel français s’appelle Didier Super.

            Lorsque j’étais enfant, mes grands-parents avaient une platine tourne-disques qui faisait aussi radio et lecteur-enregistreur de cassettes. A travers le gros bouton qu’il suffisait de tourner pour chercher les bonnes stations de radio, une forte lumière scintillante me faisait croire que les musiques que nous écoutions provenaient de l’intérieur de la platine où les chanteurs se trouvaient forcément. Mon grand jeu consistait alors à faire tourner en boucle un 45 tours de Georges Moustaki en essayant de laisser le moins de temps possible entre la fin du morceau et le moment où je remettais le disque au début, afin que le chanteur ne puisse pas souffler. Evidemment c’était peine perdue. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que les mauvais chanteurs ne s’épuisent jamais.

            Isabelle Carré a un physique de télé.

            Tiens, j’ai revu A BOUT DE SOUFFLE. C’est pas du tout avec Grégory Lemarchal !!!

CLOSER

            Le débat entre deux personnalités prétendant au poste de président de la République devrait être réalisé dans les conditions du direct mais diffusé en différé d’un ou deux jours. Cela permettrait de mettre fin à toutes ces querelles chiffrées puisqu’après vérification, un message défilerait à l’antenne au moment voulu, énumérant les vrais chiffres sur lesquels ces deux personnes se bagarrent, décrédibilisant tout à coup celui ou celle qui a voulu prendre l’ascendant par son mensonge.

            Reconnaître une bonne actrice. Ce n’est pas uniquement par le talent. Exemple : Margot Kidder dans les bonus castings de SUPERMAN.

            LA MOUCHE c’est une tapette.

            C’est dans KLUTE qu’il y a la seule vision d’une psychanalyse sans clichés. Dans ce même film, remarquez le travelling arrière quand le téléphone sonne. C’est de l’anti film d’horreur.

            L’orgasme est psychologique.

            Le gamin le plus intéressant qu’il m’ait été donné de voir depuis longtemps s’appelle Jackson Bond et joue aux côtés de Nicole Kidman dans le film d’Olivier Hirschbiegel : THE INVASION.

            J’ai remarqué qu’après un chewing-gum à la cannelle, si tu manges une pomme, ça te donne le goût de cerise dans la bouche !

            MILLE MILLIARDS DE DOLLARS est encore très d’actualité. A la différence qu’avant on dénonçait la mondialisation en espérant y venir à bout alors que maintenant on sait qu’on n’y pourra rien.

            Vu Dario Argento faire des transitions croisées dans IL GATTO A NOVE CODE. Vu la même chose dans le BLUEBEARD d’Edward Dmytryk. Ce sont les deux seuls depuis EASY RIDER.

            J'espère que Renny Harlin va bientôt mourir pour qu'ils fassent un beau coffret de DVD.

            En 2008, Louise Szpindel n’a pas été nominée pour le César du meilleur jeune espoir féminin. C’est un scandale. Non seulement elle aurait dû l’être mais, en plus, elle aurait dû le gagner. C’est l’éternel problème des films qui ne sont pas vus par les votants. C’est la même chose qu’un film qui sort avec 1000 copies. C’est mathématique. C’est joué d’avance.

            Une fois je suis sorti avec une fille qui m’a dit qu’elle n’allait pas au cinéma pour voir des corps se faire déchiqueter. Je l’ai plaquée aussitôt.

Bravo les traducteurs du titre français d’ABSENCE OF MALICE de Sydney Pollack ! « Malice » se traduit par « méchanceté » ou « malveillance » ! Décidément il faut tout faire !!!

            Ce n’est pas un peu bizarre toutes ces jolies filles au premier rang du concert dans SHINE A LIGHT ?

            On est amateur de cinéma fantastique ou on n‘est pas cinéphile.

            Petite blague raciste dans FROST/NIXON : Michael Sheen dit à Rebecca Hall que Vienne c’est comme Paris mais sans les français. Les deux éclatent d’un rire arrogant. Il existe donc un rire à deux vitesses. Celui qui est jugé de bon goût, et celui qui n’est pas de l’humour pour les bien pensants, qui le considèrent plus comme l’expression distinguée d’une idéologie nauséabonde. Vous imaginez le premier rôle du prochain Ron Howard dire : « Brasilia c’est comme Abidjan sans les noirs » ? Deux fois deux mesures. Ce n’est pas la blague à incriminer. Nous ne sommes tributaires que de nos propres goûts face à cela. Si elle ne m’a pas fait rire, je ne la trouve pas malvenue et aucunement dérangeante. En tout cas, elle a au moins le mérite de prouver que l’humour raciste n’est pas une idéologie (même si certains peuvent le récupérer), et que l’on peut encore en rire sans pour autant être raciste.

            Dire du mal d’ERIN BROCKOVICH.

            Il faut toujours trier ses oreillers avant leur mort parce que les taies meurent triées.

            Paradoxe de ma vie : le cinéma m’enferme et me soulage de mon enfermement.

            La plaie du film d’action : dans BABYLON A.D. Vin Diesel se trouve juste à côté d’un véhicule qui explose. Les flammes sont magistrales. Il est impossible que quiconque réchappe d’une telle déflagration. La mise en scène s’échine alors à nous faire croire qu’il a sûrement succombé. L’action se déporte un temps sur Mélanie Thierry pour nous faire oublier le grotesque d’une telle situation. Puis… Vin Diesel se relève en un rien de temps, même pas choqué, même pas le blouson rongé par le feu, et grosse contre-plongée à la gloire du héros surhumain. C’est ce qui s’appelle de l’esbroufe. Nous avions déjà vu un peu la même chose dans PANIC ROOM et sa risible explosion de gaz (mais THE HILLS HAVE EYES d’Alexandre Aja ne vaut guère mieux). La surenchère nous prend pour des cons. Mais le plus triste c’est de voir à quel point Mathieu Kassovitz dans sa période française (et toujours dans ses propos !) a clairement milité contre cette paupérisation du cinéma.

Si les réalisateurs faisaient des films avec rien sur la pellicule, ils auraient quand même des critiques différentes.

Télérama c’est Yann Moix.

Le 05 mai prochain sortira EL SECRETO DE SUS OJOS, qui s’appellera chez nous DANS SES YEUX. Comme ce dernier titre ne le laisse pas présager, précisons que ce film n’est absolument pas une ode à l’éjaculation faciale.

Les infirmières sont régressives. Tout comme le verbe « confisquer ».

Hier j’ai vu LE JOUR D’APRES.

J’aime bien l’actrice Juliette Arnaud. Elle semble être constamment à la recherche de son sourire.

Dans FAISONS UN REVE, Sacha Guitry fait des fautes de français même en parlant.

Lu dans « Conversation avec Sergio Leone » de Noël Simsolo, mot pour mot ce que je pense de Michelangelo Antonioni. Voici les paroles du génial metteur en scène : « Un jour, on découvrira qu’Antonioni et son incommunicabilité produisent une œuvre qui prête à rire. Soyons bien clairs. Je pense que c’est un grand metteur en scène. Mais en tant qu’auteur, cela ne va pas du tout. Quand on revoit Le Désert rouge, on rigole en entendant le dialogue. C’est la banalité de la banalité. On ne peut pas affirmer : « Moi, je fais la banalité parce que, dans la vie, il y a la banalité. » C’est un peu trop facile comme justification. Mais je le répète : Antonioni est un metteur en scène extraordinaire. Avant que l’on ne glose sur l’incommunicabilité, il faisait des chefs-d’œuvre comme Femmes entre elles. Mais déjà, il valait mieux voir le film sans le son ! »

            La musique révèle ce que crie ton âme.

            La théorie de la propagation de l’écho est différente du bouche à oreille.

CLOSER

19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 19:02

ALICE IN WONDERLAND            Et si le chemin de la connaissance était longiligne, lumineux et se présentait fièrement devant nous ? Comme si nous dévions de l’évidence pour explorer les allées de traverse, obscures et sinueuses. En preuves matérielles irréfutables, la réalité se terre dans les panneaux indicateurs. Elle n’est qu’apparence. Signes annonciateurs et néons parfumés. Droit devant : la désolation d’une route non balisée. N’est pas réel ce qui se voit. Ne le sont pas non plus ceux qui vous disent de quoi demain sera fait. Il n’y a que les catéchistes et les rédacteurs d’évangiles qui écrivent les vies avant qu’elles ne soient vécues. A la croisée des chemins, le dépouillement, la nudité, le jansénisme recèleront toujours plus de réalité que ces directions pointées par tous ces indexs. La réalité ne s’impose pas. Elle s’acquiert. Tel un diplôme que seul l’élève est habilité à se décerner.

Avant d’approfondir cette dialectique-berceuse qui fit naître notre vocation, détournons le regard et prenons le temps de rentrer dans le vif du sujet sans vulgarité. L’attaque frontale est d’un commun ! Notre absence de présomption sonnera la noblesse de notre conclusion. Il sera alors temps de déguster nos After Eight entre gens de bonnes familles et cravates à rayures. Pour l’instant, contentons-nous d’un morceau d’Etorki et passons aux choses sérieuses.

            Pour la première fois depuis la dernière fois, nous allons parler de Tim Burton. Mercredi prochain sortira son ALICE IN WONDERLAND. Il était grand temps de s’enquérir, et de savoir comment ça va avec la douleur, les monstres aux plantes, tout ça tout ça. Il faut dire qu’il nous avait laissés avec son plus mauvais film (SWEENEY TODD : THE DEMON BARBER OF FLEET STREET), même si nous pensions que ce serait difficile de faire pire que PLANET OF THE APES ! En fait, nous n’avons jamais considéré Tim Burton comme ce génie illuminé, créatif hors normes ou grand fou morbide. Son nom se réduit au sublime ED WOOD et, ensuite, à son BIG FISH qui est la seule vraie pincée de complexité dans toute sa filmographie. Tout le reste me semble laborieux ou raté, fonctionne péniblement et se meut dans une iconographie rigide et pimbèche. Nous allons y revenir d’ici quelques cailloux blancs semés de manière éparse.

Eh bien malgré tout cela, il est quasiment impossible de lui en vouloir, au bon Tim. Sûrement parce qu’il possède son propre univers, ce qui suffit à le distinguer de tous ces cinéastes qui filment comme ils vivent (rapport à ces auteurs qui écrivent comme ils parlent). Bon, autant vous le révéler tout de go : Tim Burton se la joue à nouveau cinéaste de brasserie.

Pour son retour, il s’en prend à l’Alice de Lewis Carroll. « Quelle originalité ! » me direz-vous avec cette pointe d’ironie que je ne me lasse pas de déceler dans votre intonation. Subtilité qui ne sied pas forcément à merveille car le réalisateur ne choisit pas de livrer une nouvelle version du conte. Pas précisément. A vrai dire, ses véritables motivations sont plus troubles.

Une brève introduction nous permet de retrouver Alice à l’âge de cette excursion si souvent adaptée. La pauvre petite ne dort pas bien. Elle fait cauchemar sur cauchemar. Ce qui n’a rien d’étonnant pour qui connaît l’histoire. Et cela va la poursuivre pendant des années. Grosse ellipse dans votre tronche avec inscription en bas à gauche pour vous signaler que 13 années ont passées, au cas où vous penseriez qu’on s’endort petite fille et que l’on se réveille adolescente frisée. Cette phrase a aussi l’air ironique. Elle n’est pourtant qu’une remarque habile, intelligente et perspicace destinée à attirer votre attention sur le fait qu’il existe une controverse lorsqu’Alice revient au pays des merveilles. Certains pensent que le lapin blanc s’est trompé et qu’il a choisi une autre Alice. Outre le fait de flatter votre intelligence en enlevant cette inscription des 13 années, Tim Burton a manqué l’occasion de créer un réel état de doute chez son spectateur. Brasserie, chemin fléché et petits cailloux blancs. Tout cela laisse très vite suspecter un spectacle condamné.

LEWIS CARROLLDonc, Alice ne va pas bien. Prends un Dany, ça ira mieux ! Nous la sentons terriblement perturbée. Elle est hantée et tentée. Visiblement, son envie première serait de pouvoir revivre son expérience. Il faut croire qu’elle se prépare de grosses années de psychanalyse. D’autant que cette dernière n’est pas encore inventée ! Alors que faire de cette gamine ? Elle veut y aller ? Eh bien qu’elle y retourne ! Ni une ni deux ni trois ni quatre ni vingt-sept, Tim fait débarquer un lapin blanc avec une montre gousset en guise de moutarde, et ce qui devait arriver arriva. Début des aventures. « Relie les points entre eux et tu verras apparaître une jolie surprise. »

Bizarrement, il ne se passe pas grand-chose. Nous avons tous en mémoire la version de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske de 1951, et outre ses accents de mièvrerie, elle avait surtout la qualité d’être hautement divertissante, s’abandonnant dans le loufoque, l’absurde, la folie, le délire et parfois même la cruauté. Si le livre de Lewis Carroll a cela d’extraordinaire qu’il peut mener à une multitude d’interprétations, le dessin animé avait choisi sa voie, n’hésitant pas à mettre de côté certains aspects de l’œuvre pour mieux s’axer sur ceux qu’il voulait cultiver. Mais Tim Burton ne s’intéresse pas beaucoup au livre. Il s’en sert surtout pour étoffer son défilé de mode. La preuve en est la fin du film lorsqu’Alice peut enfin dire à chacun ce qu’elle pense. Les épreuves lui ont permis d’être enfin elle-même et il valait mieux y retourner parce que la première fois ça n’avait pas super bien marché. Une morale de brasserie destinée à clore le film sur une note consensuelle. Le film manque de surprise, d’extraordinaire. Et cela n’a rien à voir avec le fait de connaître l’histoire. C’est parce que toute l’interprétation possible du conte n’intéresse pas Tim Burton que tous ses messages paraissent simplistes et démonstratifs. Jamais il n’utilise les codes de jeu de Lewis Carroll. Pas de travail sur les mots, sur l’absurdité, sur les non-sens, sur la logique voire l’illogisme de la logique. Etait-ce si compliqué de nous parler au sens figuré ? Alice rencontre les mêmes personnes, repasse les mêmes tests sans que tout cela ne véhicule la moindre once de signifiant. Parce que Tim Burton a conçu son film comme un parc d’attraction. Wonderland est un lieu où Alice déambule de personnages en personnages, chaque manège apporte son lot d’énigmes à résoudre et d’individus à affronter. Une fois le numéro achevé, elle s’éloigne vers une nouvelle attraction. Les points qu’elle relie sont les petits cailloux blancs précités. Finalement, elle sort du parc en ayant passé un moment très agréable, fort en péripéties et vecteur d’une énergie follement régénérante. En fait, il y a dans la version de Burton un vrai mélange entre « Alice au pays des merveilles » et sa suite « De l’autre côté du miroir ». Ce dernier était beaucoup plus axé sur un parcours sans quête initiatrice ; Alice flottant et s’enivrant de l’étrangeté de ce monde.

Si l’on sort d’ALICE IN WONDERLAND comme l’on sort d’un parc à thème, c’est avant tout parce que le crédo de Tim Burton, son truc en plumes, c’est l’imagerie. Tout l’intérêt se base sur la fantaisie visuelle. Nous qui blâmons continuellement 95,3 % des réalisateurs de ne rien faire pour rendre leur film tout simplement beau à regarder, reconnaissons au moins ce mérite qui évite au film de nous faire sombrer dans l’ennui le plus loquace. De là à dire que le film est beau, je dirais plutôt que ce n’est pas ma came. J’aime bien l’esthétisme du Jabberwocky, j’aime aussi l’univers dans lequel baigne Anne Hathaway (même si je déteste cette comédienne dont on ne sait jamais si les yeux et la bouche ont été disproportionnellement photoshopés), mais le maquillage de Johnny Depp est laid. Ce qui me permet de dire à quel point il est ici sous-employé, tout comme Crispin Glover. Voici deux comédiens absolument géniaux qui semblent bridés et emprisonnés dans une vision étriquée de leur personnage. Par contre, je n’ai vraiment pas été convaincu par la jeune Mia Wasikowska, qui peine à laisser lire sur son visage la palette d’émotions qu’elle traverse.

CRISPIN GLOVERCe qui reste le plus étonnant dans tout cela, c’est qu’en tant que cinéaste spécialiste de la féerie optique, Tim Burton n’exploite a aucun moment le procédé 3D qui va avec le film. Vous pourrez faire l’économie de 3 euros de lunettes et aller voir le film en version plate, vous ne manquerez rien. La 3D est ici une marque de plus-value marketing, synonyme de mode qui passera plus vite que prévue. Dans ALICE IN WONDERLAND quelques objets vous sont lancés au visage pour vous rappeler de vous extasier en sortant de la salle, et puis c’est tout. Je vous promets que ça vous fait mal à la mise en scène ! Notez d’ailleurs que nos réticences évoquées lors d’AVATAR se confirment ici, dans le désespoir le plus total. Je veux parler du mouvement et de la 3D qui ne font pas bon ménage. Dès qu’une action ou qu’un mouvement de caméra se fait trop rapide, la 3D se dérobe à vos yeux et laisse place à une marée gluante et bouillonnante qui nécessite expressément les réglages les plus fins. C’est laid, laid, laid ! Et pour 3 euros en plus, je le répète : c’est de l’arnaque en bande organisée et c’est puni par la loi (normalement).

ALICE IN WONDERLAND est aussi l’occasion de s’apercevoir que la 3D est au cinéma ce que la lessive est aux vêtements. Les lessives lavent plus blanc que blanc ; avec la 3D on y voit mieux que quand on y voyait bien. Et c’est sûrement parce que l’on y voit plus que les réalisateurs se sentent obligés de rajouter des couleurs façon « Kevin, 4 ans, découvre les tubes de gouache ». Loin d’être un atout indéniable, cet étalage surcharge ces films qui deviennent des enseignes clignotantes qui n’attirent que les papillons de nuit (moins connus sous le nom savant de « groconus popcornus »). Ou comment la 3D participe à l’enlaidissement d’ALICE IN WONDERLAND (puisque l’univers d’Anne Hathaway prouve bien qu’il n’est pas besoin de couleurs saturées pour créer l’émerveillement).

N’oublions jamais que Tim Burton a vendu son âme à Disney. Ceci explique souvent le déguisement sous lequel il prétend se cacher, idéologie funèbre, immoralité, incorrection politique etc. Or, comme vous le savez maintenant, la réalité ne se trouve pas dans l’apparence. Aujourd’hui les dessins animés nous montrent ogres qui rotent, enfants mal élevés, ragondins qui pètent, crottes de nez, poux, références grivoises, Marc Lavoine etc. pour dissiper les soupçons de mièvrerie et de ringardise. Et Tim Burton nous vend la même idéologie. Rien n’est sombre chez lui. Rien n’est immoral. Rien n’est irrespectueux. Il y a aura toujours une morale qui viendra mettre les malfaisants au pilori et expliquer la bonne voie à adopter. Il s’agit d’un produit et d’un concept original pour le vendre. Par extension, c’est la même chose que Marilyn Manson. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un produit. Il s’écoule parce qu’il donne l’apparence de s’encanailler, de pouvoir être le bad boy que l’on ne sera jamais. D’être couleur locale, en quelque sorte. Tout cela est terriblement bourgeois. Marilyn Manson fait de la musique bourgeoise. Tim Burton fait du cinéma bourgeois. Pendant que les vrais truands ouvrent des fabriques de papiers cadeaux. Car ils pensent qu’avec un papier cadeau différent, on aura l’impression que le cadeau sera toujours différent. Ils ont souvent raison et cela me désole.

9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 11:49

            On rigole, on rigole, mais le temps file et dehors la vie n’est tendre pour personne. On se lève tôt pour aller bosser, on courbe l’échine, on essaie de ne pas trop penser à son cancer, on boit pour oublier la misère dans le Nord-Pas-de-Calais, le chômage, les retraites, le réchauffement climatique, Diam’s qui sort un nouvel album… Heureusement qu’il y a la tempête Xynthia pour nous faire patienter jusqu’à la canicule du prochain été. Avec tout cela, « La lumière vient du fond » en irait jusqu’à oublier sa mission d’utilité publique. Que nenni.

Félicitons-nous du temps libre que nous offrit le mois de février 2010 ! Heures propices à l’application pratique de notre devise si souvent assénée (« L’œil du spectateur peut s’éduquer ») et aujourd’hui renommée en : « The Lumière Vient Du Fond Way Of Life ». Il nous fallait donc un petit Candide prêt à jouer le jeu. Les règles en étaient ridiculement simples. L’emmener voir un certain nombre de films et lui expliquer scientifiquement qu’en penser.

Depuis le temps que je lui parlais de ce blog, la personne à laquelle je songeais me semblait toute désignée. Il était temps qu’elle se rende compte de notre philosophie de jeu et de ses préceptes capables de tracer des lignes de vie adaptables à tous. Je passai donc chercher ma mère-grand. Sans faire de détour par le Bois Joli. Je l’attendais en bas de son immeuble lorsque je la vis sortir en vitupérant :

- …nnard avec son clebs à moitié aveugle qui pisse partout ! En plein devant la porte d’entrée, faut vraiment être mononeuronal !!! Enfoiré de niakwé ! Chinois du Japon, va !... Ah, t’es là, toi !

Bises.

- Oui, ça fait une demi-heure que je t’attends. Tu réponds pas quand…

- Il aurait manqué plus que j’attende, aussi !!! Comment tu parles à ta mère-grand ?! Tu féliciteras ta mère pour ton éducation. Elle aurait mieux fait de s’exciser ce jour-là ! Saleté de génération de consanguins ! Bon, allez, on y va. On va pas rester devant cette porte qui pue la pisse de chien véreux. Moi aussi, j’ai pissé devant celle du niakwé. Laisse tomber la neige, on fera les boules demain. Vaut mieux qu’on dégage, on sait jamais s’il convoque le F.B.I. et qu’ils font des analyses d’urine…

- C’est aux Etats-Unis, ça, mamie !

- M’appelle pas comme ça, foutredieu ! Je sais quand même de quoi je parle, j’ai la télé ! Je suis pas encore sénile. Ah, ça, vous aimeriez tous que ça m’arrive mais va falloir attendre encore un peu. Bande de chacaux !

- On ne dit pas « des chacals » ?

- Non, ça c’est quand il y en a plusieurs, inculte ! Allez, donne-moi le bras. Donne-moi le bras, j’te dis. C’est qu’il me laisserait crever sur le pavement, ce résidu de fausse couche ! Il m’achèverait, même ! Si c’est pas malheureux de voir ça !

Ah oui ! C’est vrai… Je m’aperçois que je ne vous ai jamais parlé de ma mère-grand. Ni de l’évêque clélien Hyacinthe Marvendé, d’ailleurs. Je crois que son langage suffit à vous donner une idée du personnage, mais, comment vous dire… Ma mère-grand est une créature mythique mi-poils mi-rides, dont la seule faculté de paroles est une atteinte à l’intégrité morale du genre humain. Pour des raisons évidentes de respect de la vie privée, je ne mentionnerai pas son nom, mais je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de Roselyne Bachelot. Cette parenthèse étant faite, reprenons le fil de notre conversation.

- Alors, anus de poulpe, raconte-moi. Qu’est-ce qu’on va faire ?

- Comme je te l’avais expliqué mère-grand, notre but est de prouver qu’il est possible de faire un cinéphile averti de toute personne ne connaissant rien au vocabulaire cinématographique. Et cela en seulement un mois.

- Qu’est-ce que tu parles à la première personne du pluriel ? Vous êtes nombreux dans ta secte ? Et puis je m’y connais sûrement plus que toi en cinéma, outre à pisse. J’ai la télé quand même !

- On va juste regarder des films, mère-grand. Et après on en discutera.

- Qu’est-ce que tu veux discuter des films ? Tu discutes pendant des heures des chansons que tu aimes ?

- Et pourquoi pas ?

- Tu dois bien t’emmerder dans la vie ! Tu t’es marié depuis la dernière fois qu’on s’est vus ?

- J’ai déjà du mal à m’engager pour un an chez Numéricâble…

- Ah ! C’est bien ça : t’as pas de vie privée, hein ? Tu baises pas ?… Vas-y, réponds à ta mère-grand. Tu fais mousser ton vermicelle de contrebande ?

- C’est personnel ça, mère-grand !

- Ah, c’est ça !… C’est important de faire l’amour, à ton âge !

- Mais j’ai une vie sexuelle, enfin !

- Avec un animal ou un .avi, ça ne compte pas ! Regarde-toi, déjà que t’es vilain comme une couvée de singes, si tu continues tu finiras avec une bosse et des verrues partout ! Ecoute ta mère-grand, espèce de quadrizomique !

- Bon, on parle de cinéma, oui ?

- Vas-y, vas-y, gras du bide, fais comme tu le sens. Tu viendras pas te plaindre quand tu seras sourd et que tu auras une haleine de supporter ! Je me demande pourquoi je te donne des conseils, autant pisser dans du Viandox !… Alors, c’est quoi le film que tu m’emmènes voir ?

- C’est un film français…

- Ah non ! Pas un truc fait par un merdaillon en culottes courtes, où les gens chuchotent et courent derrière des voitures ! La semaine dernière, je me suis tapé NON MA FILLE TU N’IRAS PAS DANSER avec Chiara Mastroianni, tu sais, celle qui ne jouait pas dans LA BOUM, eh bien je ne dirai plus jamais de mal de YAMAKASI ! Ca prend deux ans pour apprendre à parler mais ce qui est sûr c’est que Christophe Honoré a besoin de toute une vie pour apprendre à la fermer ! Ca repompe tout sur le cinéma des années 60 et ça prétexte ensuite un hommage à la Nouvelle Vague, toutes ces conneries qui ne veulent rien dire. Tout ça c’est du Bénabar cinématographique !

- Non mais là, ça risque d’être un peu différent. C’est le premier film réalisé par Pascal Elbé.

- Pascal Elbé ?… C’est pas cette gueule de raie qui ne jouait pas dans AUSTRALIA ?

- Voilà, c’est lui.

- Ah oui, je l’avais bien aimé pas là-dedans, ce dipterosodomite.

- Et ce qui est intéressant c’est qu’il aborde un genre complètement différent de celui dans lequel on a l’habitude de le voir en tant que comédien. Peut-être aurons-nous une bonne surprise…

Première leçon : ne jamais croire ou faire croire au possible chef-d’œuvre. Plus vous grossissez la carotte au bout du bâton, plus elle vous fera mal si elle rentre par le mauvais orifice. Mal m’en pris, vu la réaction de ma mère-grand à la sortie de la salle :

- L’enfoiré de fonctionnaire de la Poste de Guy Môquet ! Dégénéré chromosomique ! Un film français, je le savais ! Ca commence bien ! S’ils sont tous comme ça tes films, faut que je me prépare à avoir les litchees qui collent au plastique avant la fin du mois ! J’ai compris dès le début ! Avec sa façon de filmer au vibromasseur la scène d’action ! C’est à la mode, ça ! On trimballe sa caméra dans tous les sens pour créer du mouvement et pour s’empêcher de faire de la mise en scène. C’est à pleurer des lames de rasoir par le bout des seins ! On n’y voit pas ce qu’il se passe, on a une vague impression d’agression, tout ça pour nous chier une pendule en caravelle. Et en plus, ces têtes de quiches ils enlèvent des images pour créer un côté saccadé comme dans le débarquement d’IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN. C’était déjà laid à l’époque, cette diarrhée mentale, alors maintenant…

- Je te trouve dure…

- Comme disait la jeune mariée.

- Oui, enfin, je voulais dire qu’il y a quand même un soin technique qui le différencie un peu des autres productions françaises actuelles, non ?

TETE DE TURC- C’est du branlage de mammouth, je te dis ! T’as compris pourquoi le titre du film c’est TETE DE TURC ? Parce qu’ils n’avaient rien d’évident, cervelle d’huître ! Le film emprunte autant de chemins que ta mère s’est tapé de clients. Ils se sont dits que ça serait pas trop mal comme titre, comme il y a une communauté turque, comme l’expression est courante, comme ça se retient bien, comme ça colle bien au derrière d’une loutre en chaleur…Mais ça t’évoque vraiment le film, ce titre ? Parce que ce n’est pas du tout son sujet, bordel à queue ! Ca donne à penser qu’il cache une réflexion plus profonde, comme 21 GRAMMES et tous ces films « mon cul et tarte aux fraises », comme s’il y avait un argument philosophique à déceler. Mais ils sont juste complexés de ne pas parvenir à ce qu’ils voudraient être. En fait, ils ne s’appuient sur rien. C’est du dégueulis de ragondin strip-teaseur. Leur seul fait d’armes est d’avoir réussi à faire croire à cet arsouille de spectateur qu’il venait de comprendre quelque chose d’intelligent qui n’existe pas dans le film. Ce sont des moulins à vent ! Et je reste polie. Et le titre « Tête de turc » est à l’image de ce film décamerdique. Regarde comment sont définis visuellement ces enflures de personnages. Elbé leur a attribué une couleur à chacun. Par exemple, leurs appartements ont chacun une ambiance respective. C’est une putain de bonne idée, en soi. Mais comment tout cela s’inscrit dans une logique de mise en scène ? C’est le vide, le néant, de la pisse de foetus. Le réalisateur ne peut répondre à cette question parce qu’il n’a pas eu de réflexion sur l’interaction de la photographie avec sa propre mise en scène. Ce n’est qu’un accessoire de plus, pour lui. Une note décorative. Comme Jean-Claude Van Damme (qui ne jouait pas dans BOUDU SAUVE DES EAUX) aurait voulu rajouter de la musique classique sur LE GRAND TOURNOI, le premier film qu’il a réalisé, « pour que ça fasse plus intello ». C’est du même ordre et ça me les beurre gentiment. Tout ça leur donne l’impression de faire de la mise en scène, mais ils ne font que de l’idéologie, du catéchisme. Un vrai crachat de cartomancienne bubonique ! J’en veux pour preuve qu’il n’y a rien de plus inutile que ça dans TETE DE TURC. En fait, ça aurait dû s’appeler TETE DE CON. A contrario, tu as vu L’EFFET PAPILLON avec Ashton Kutcher, celui qui ne jouait dans LA BALANCE ? Eh bien dans ce film, regarde comment est employée la couleur rouge. Toutes ses apparitions annoncent une mort imminente. Ce n’est pas essentiel au film, peut-être que beaucoup ne le verront jamais, mais cette idée à une énorme qualité, c’est qu’elle est intégrée à l’histoire et à la mise en scène, foutredieu ! Ce n’est pas seulement un décorum.

- Mais il y a plein d’idées pourtant, dans ce film.

- Bien sûr qu’il y en a, sac à viande !

- Alors qu’est-ce qu’il lui a manqué ?

- Si tu veux, cette pine d’opossum de Pascal Elbé est tombée dans le piège de l’expérimentation du mécanisme cinématographique. On sent qu’il est très heureux de pouvoir passer à la réalisation et qu’il a envie de toucher à tout ce que lui offre ce médium. Il ferait mieux de toucher à des couilles de lépreux ! Parce qu’il a plein d’idées sur tout, mais il oublie de se recentrer sur une question primordiale : « Qu’est-ce que je veux raconter ? » Il développe alors toute une série d’enjeux et de sous-enjeux qui l’éloignent de son véritable sujet : la prise de conscience de Samir Makhlouf de son geste, et sa lente introspection. Mais il s’en contrefout comme de ses premières cartes de France ! Or, pour justifier son papillonnage, Pascal Elbé va définir son film comme un film choral, truc pisse-froid et fourre-tout qui permet de mettre toutes ses idées en vrac sous une appellation qui est tout sauf un genre. Mais comme tout cela n’est que du patronage d’employé de La Poste de Guy Môquet, il rate même le film choral, et dévie vers ce que l’on appelle un film-tapisserie, genre où l’on peut ajouter personnages et intrigues jusqu’à plus soif. En témoigne le personnage de Simon Abkarian (qui ne jouait pas dans LES ARISTOCHATS), totalement étranger à toute la quête cul-terreuse du film, qui n’est là que parce que Pascal Elbé ne pouvait pas envisager de faire le film sans lui, c’est lui-même qui l’avoue. Ananin ami !!!

- Tu parles le turc, maintenant ?

- Eh oui, qu’est-ce que tu crois ! Y’a pas que des cheveux !

- En tout cas, c’est une bonne analyse, ça, mère-grand. Moi, j’avais pas vu ça comme ça.

- Si réfléchir est de la masturbation intellectuelle, je comprends pourquoi t’as pas eu beaucoup d’orgasmes !

            Après cette première expérience, nous avons décidé de remettre le couvert pour une seconde séance à quelques jours d’intervalles. J’étais assez étonné de la manière dont ma mère-grand avait réussi à lire entre les lignes et avec quel aplomb elle s’érigeait face à la vacuité de nos réalisateurs actuels. Avant, on ne pouvait pas se tromper, les réalisateurs avaient une culture littéraire ou une culture de la peinture, voire une culture musicale. Aujourd’hui, il faut désormais faire avec une nouvelle catégorie, celle qui a la culture du cinéma. Tarantino en est le digne représentant. Cela, c’est quand nous parlons de cinéma. Sinon, vous pouvez regrouper dans le même cartable tous ceux qui n’ont aucune culture, ceux qui ont la culture du caméscope et ceux qui ont la culture du milieu (c’est-à-dire qu’ils gravitent dans le cinéma depuis un bon moment, à des postes aussi divers que comédiens, critiques, directeurs de la photographie etc. et qui se décident, un jour, à occuper le fauteuil du réalisateur). Et c’est vrai que nous avons souvent l’impression qu’avec nombre de faux-semblants et d’artifices, le spectateur lambda peut se laisser berner par l’exercice de la facilité scintillante. Ce fut le cas récemment avec AVATAR ou même ENSEMBLE, C’EST TROP de Léa Fazer (qui n’est pas un plaidoyer contre la double pénétration, comme dirait ma mère-grand), ce dernier film validant l’éternel précepte qu’on peut être très sympathique et cependant complètement con !

Avec TETE DE TURC, ma mère-grand venait de me chuchoter avec une délicatesse insoupçonnable chez elle, qu’on ne peut satisfaire un public qui n’a pas de talent. Mais cela, nous le savions déjà.

            Comme je venais de me faire prendre au petit jeu du malin et demi, je décidai de revoir tout mon programme. Il allait donc de soi qu’il fallait que je me fasse encore plus malin pour ce deuxième film. Aller là où elle ne m’attendait pas. Allez, hop ! Quelques glutamates et hydrates de carbone dès le réveil, et j’abordai la suite avec la plus grande témérité. Je réitérai quasiment la même proposition avec un film français dont le titre recélait l’effet humoristique le plus ringard au monde, à savoir le calembour. Avec Vanessa Paradis (qui ne jouait pas dans QU’IL EST JOLI GARCON L’ASSASSIN DE PAPA) et Romain Duris (qui ne jouait pas dans LE PEUPLE SINGE, quoique…), L’ARNACOEUR pouvait nous permettre de monter au filet…

C’est son pitch qui me mit sur la voie. L’histoire d’un homme capable de séduire n’importe quelle femme par des stratagèmes savamment mis au point et orchestrés avec deux complices (François Damiens, qui ne jouait pas dans MAX MON AMOUR, et Julie Ferrier, qui ne jouait pas dans AUX ENFANTS DE LA CHANCE, puisque de toute façon ce n’est pas un film mais une chanson). Si bien qu’ils ont fondé une agence pour rentabiliser leur concept. Et voici notre Romain Duris chargé de séduire notre Vanessa Paradis parce qu’en fait elle va se marier avec un sale type et déjà là, nous n’avons pas trop envie d’aller jusqu’au bout vu la fumée que ça dégage. Je vous raconte la fin puisque Romain va bien évidemment tomber amoureux de la belle, mais un soupçon de moralité va venir l’empêcher de mener sa mission à bien, et voilà que Vanessa aussi craque pour lui et finalement Romain va réussir à s’emballer son cadeau prémarital, meilleurs vœux, beaucoup d’enfants, boules de neige et jour de l’an. Alors, comme ça, je vous comprends, ça fait très peur. Suite à un pari, le séducteur tombe vraiment amoureux de la jeune femme et tout ce à quoi vous pouvez vous attendre arrive. L’ARNACOEUR ne déroge pas à la règle, c’est téléphoné de bout en bout comme me le fit remarquer ma mère-grand :

- Tu te rends compte jusqu’où ils vont, ces manches à couilles ? Ils nous resservent des scénarii qu’ont déjà servi à se torcher pour toute une génération de producteurs qui torchent encore leurs gamins avec les mêmes pages ! C’est une question de lignée. Ce sont des singes, ces gens-là. Ni plus ni moins. Et comme dit le proverbe : « L’homme descend du singe, et le singe descend de l’arbre ». Vu la gueule du scénario, tu peux être sûr qu’il a dû louper quelques branches. Il m’a pas fallu plus d’un dixième de pico-seconde pour savoir à quelle fête on était conviés.

- Oui, c’est vrai que le début est assez raté. On se croirait dans un mauvais boulevard. Tout tombe à plat…

- Comme disait le vieux marié !

- Oui… Ca démarre comme une comédie vieillotte à l’humour éculé…

- Ah, fais attention à ce que tu dis, vipère lubrique ! Pas de grossièreté en ma présence ! Déchet des reins de ton père ! Jurer en public et à côté d’une dame âgée, en plus ! Y’a plus de respect, je vous jure ! Y’a plus que des erreurs de la nature et des nécropédophiles ! Qu’est-ce que tu crois m’apprendre ? C’est pas ce film qui va relever le niveau de la comédie française ! Ca a sûrement été écrit par ce yéti baveux de rédacteur des « Confessions » de Cosmopolitain.

PASCAL CHAUMEIL- Tu vois, mère-grand, je ne suis pas si sûr de tout cela. C’est vrai qu’avec une telle histoire et un réalisateur de télévision, L’ARNACOEUR ne part pas avec tous les atouts en poche. Mais je crois au contraire que la comédie à la française est en train de renaître et d’apprendre un nouveau langage. Elle apprend à se réinventer, se modernise, même si c’est en s’inspirant de l’exemple américain, découvre de nouvelles formes d’humour… Pour moi, elle n’a jamais été aussi vivace depuis longtemps. Il n’est qu’à voir l’année dernière OSS 117 : RIO NE REPOND PLUS et LES BEAUX GOSSES qui figuraient de belle manière dans les meilleurs films de l’année. L’ARNACOEUR n’est pas aussi réussi, je te l’accorde, mais il mérite mieux qu’un jugement à l’apparence. Sur fond d’intrigue délavée, Pascal Chaumeil parvient pourtant à retenir notre attention et à nous faire oublier un postulat lourdaud. D’abord parce qu’il y a le sens du rythme. Et ça c’est essentiel dans une comédie. Si l’on ne sait aujourd’hui plus écrire de comédies en France c’est parce que tous les effets sont déliés, rallongés, noyés. Et Pascal Chaumeil use beaucoup du montage pour donner tout l’impact aux gags, qu’ils soient visuels ou écrits. Ce montage est parfois utilisé jusqu’à la malhonnêteté lorsque Romain Duris vole un vélo à un jeune. Evidemment, fait de cette manière, c’est très facile ! (Je vous laisse découvrir cela, chers lecteurs, c’est très drôle mais pas joli-joli !) C’est en grande partie parce que tout est cinglant que le film arrive à imposer son style humoristique. Et deuxièmement, L’ARNACOEUR doit énormément à ses interprètes. Pour ce qui est de Vanessa Paradis (qui ne jouait pas dans SUR LA ROUTE DE MADISON), ce n’est pas elle la plaque tournante du rire, mais lorsqu’elle se doit d’être présente, elle est là, comme à son habitude, sans montrer de nature comique profonde, mais précise et savoureuse. Les deux comiques de l’histoire, ce sont Julie Ferrier et François Damiens (qui ne jouaient ni dans GREASE ni dans GREASE 2). C’est eux qui nous apprennent comment l’humour est asséné et de quelle manière il atteint son but. Ce qu’a très bien vu Pascal Chaumeil, c’est l’inutilité de jouer les gags. Il dirige donc ses acteurs en leur demandant de gommer au maximum les effets faciaux et les tics d’intonation, qui sont comme des clins d’œil au spectateur pour lui indiquer que c’est ici qu’il faut rire. Chose qui marche très bien chez François Damiens et un peu moins chez Julie Ferrier, one-woman-show oblige. C’est cette distance qui permet la rupture nécessaire entre une manière de filmer réaliste et des situations qui le sont beaucoup moins. C’est notamment ce petit pétillement qui rend la chorégraphie de Romain Duris si drôle et si saugrenue. A mon sens, ce n’est pas le film que l’on suit mais les différents sketches qui le font avancer. Une recette qui marchait déjà dans les films de Pierre Richard (qui ne jouait pas dans AUTANT EN EMPORTE LE VENT) ou de Louis de Funès (qui ne jouait pas dans ASCENSEUR POUR L’ECHAFAUD). Me voilà bien avancé, moi qui venais justement de dire que la comédie française était en pleine modernité !

- Encore les apparences, boule de pus ! Car le classicisme c’est la modernité. Dixit Godard dans je ne sais plus quel spermatozoïde avarié qu'il avait éjaculé.

- Tout à fait, et c’est pour cela que je pense que L’ARNACOEUR est un film destiné à rencontrer un succès populaire.

- Oui… Enfin, le talent ne se mesure pas à l’applaudimètre !

C’est en détournant le problème de cette manière, et aussi par l’absence d’obscénités que je compris que j’avais atteint mon cœur de cible. Le débat pouvait s’engager. Il fut alors à la hauteur de mes espérances, n’attendant pas mère-grand sur certaines théories, me déstabilisant sur d’autres, mais déterrant toujours les thèses enfouies sans jamais refuser la surenchère, garante de l’esprit sous-jacent de chaque film.

Notre plus grande opposition séjourna chez Scorsese, dont le retour avec SHUTTER ISLAND marqua une joute verbale particulièrement euphorique. Extrait :

- Il est temps qu’il s’arrête, ce carburateur à Beaujolais !

- Mais LES INFILTRES c’est un de ses grands films, pourtant !

- M.P.E.R !!! T’es démuni ou quoi ? Ne me dis pas que tu fais partie de tous ces bigleux qui croient qu’on peut encore apporter quelque chose au cinéma ! Là, il n’y a vraiment pas de quoi faire une banderole en tout cas. Si la nullité était une tranche de pain, ce serait un paquet de Harry’s familial. C’est quoi ce plan sur ces tafioles de prisonniers qui se font fusiller ? C’est un travelling latéral, les nazis tirent en même temps mais les prisonniers ne s’effondrent que quand ils sont dans le cadre ? Même un schtroumpf à varices aurait fait mieux !

SHUTTER ISLAND- Mais c’est tout à fait normal, mère-grand ! Ce n’est pas un flashback qui rend compte d’une réalité. Ca fait partie de l’imaginaire de Leonardo DiCaprio (qui ne jouait pas dans TRON). Evidemment que ça ne peut pas se passer de la sorte dans la réalité ! Mais pourquoi est-ce que tu acceptes la scène où il prend sa femme entre ses bras, la seconde d’après elle n’est plus que cendres et la seconde encore après de l’eau, et que tu n’acceptes pas celle-là ? C’est exactement le même procédé ! Et puis, le film ne se limite pas qu’à cela. Regarde les points de montage employés pour des ellipses. C’est gourmand. Il y a l’amour du geste.

- D’accord, je veux bien t’accorder que le trou du cul du monde est moins poilu que je pensais, mais ça sent trop le scénario de petit malin pour être honnête !

- Quel scénario de petit malin ? C’est tout le contraire ! Les films comme SIXIEME SENS ne reposent que sur leur twist final. Mais SHUTTER ISLAND c’est le contre-pied de tout cela. Si tu regardes bien, dès le début, Scorsese nous donne des indices. Il nous dit que quelque chose se cache derrière toute l’histoire qu’il ne nous a pas encore racontée. Et il continue à distribuer ces éléments tout au long du film. Si bien qu’on peut trouver le dénouement très vite, comme cela ne peut être qu’à la fin. Mais là où il est brillant c’est que, même si l’on a trouvé, il construit son film de manière à ce qu’une deuxième nécessité vienne se greffer, celle de comprendre comment tous ces composants font le lien pour ne plus former qu’une seule histoire cohérente. Parce que le dénouement est moins important que le processus qui y mène. Seulement, un grand avantage passe pour un inconvénient majeur pour ceux qui n’ont pas d’imagination…

- Ouais, c’est ça ! Et si les abeilles étaient des moustiques elles ramèneraient du sang à la ruche et la reine ferait du boudin. Eh bien, moi, j’ai horreur de ces nains de jardin qui me vendent des cachous pour du caviar. C’est comme tous ces crétins goitreux qui nous vendent Emmanuelle Devos pour une star de luxe, la nouvelle Ava Gardner, alors que c’est juste un boudin. S’ils ouvraient les yeux, ils verraient que cette fille est comme une image 4:3 qu’on aurait passée en 16:9. Si les femmes doivent souffrir pour être belle, elle n’a pas beaucoup souffert jusque-là ! Ce qui est sûr c’est que son meilleur moyen de contraception, c’est sa personnalité.

A cette nouvelle manière de détourner le propos, j’ai bien senti qu’elle était divisée comme la Côte d’Ivoire. Je me suis donc permis de rentrer dans son jeu.

- Mais qu’est-ce que t’as contre Emmanuelle Devos aujourd’hui ?

- Je l’ai vue hier soir dans un film avec l’autre face de cul qui chante comme une soupière, là… Tu sais, celle qui ne jouait pas dans LAWRENCE D’ARABIE.

- Salma Hayek ?

- Mais non ! T’es vraiment con ou on t’a marché dessus ?

- Jeanne Balibar !

- Voilà ! Jeanne Balibar ! Elle ne jouait pas non plus dans WOLFEN. Ni dans LAUREL ET HARDY AU FAR-WEST.

- Ouah ! Tu connais vachement bien sa filmographie !!!

- Je sais. Enfin, tout ça ne vaut pas l'infâme brêle à tête de goret anémique, l'espèce de caricature de fesses de mouettes à Q.I. de saucisse, la sorte de chose, de couille de moule, de polype de poulpe lépreux au regard bovin et flasque, et dont l'allure de miasme de pourceau d’Epicure m'évoque invariablement l'hypothèse que sa mère ait fauté avec un rat mort…

- Louis Garrel ?

- Exactement ! Celui qui ne jouait pas dans LA FRONTIERE DE L’AUBE. Enfin, si. Il y était, mais il ne jouait pas.

Le bon sens et la lucidité l’enivraient de jour en jour.

- Ca te dit quelque chose Lee Daniels ? Cette infâme raclure de bidet qu’a signé PRECIOUS, tu sais le film avec la grosse truie violette sur l’affiche ! C’est tout ce que je déteste ! La vie c’est dur ! Au secours, mon père me viole ! Ca te colle une image à vomir des glaires et ça s’éternise sur les gens qui chialent sur leur condition de caprinophiles. Qu’ils aillent tous crever, ces chiens galeux ! Si je pouvais, je ferais s’abattre sur eux une malédiction qui perdurerait jusqu’à la dix-huitième génération, et je retracerais leur vie dans des films burlesques, rien que pour me foutre de leur gueule. Et le pire c’est que le public va s’apitoyer sur leur sort ! C’est vraiment que des serpillières à foutre ! Comme ces coprophages qui ont interdit le svastika sur l’affiche d’INGLOURIOUS BASTERDS. Paraît que la législation, tout ça, mon cul et tarte aux fraises. C’est juste que la loi n’est pas la même pour tous et puis voilà ! T’as vu l’affiche de LA RAFLE, en plein Paris ? Une belle croix gammée qui fait la moitié de l’image alors que celle d’INGLOURIOUS BASTERDS était minuscule ! Quand on sait ce qu’il s’est passé en 1924… On ne mange pas les mêmes rillettes, c’est certain. Et après ils interdisent une femme à poil dans un caddie, ces pompes à merde, pour une question de morale ! Me faire ça, à mon âge ! J’aurai tout eu ! Et toi regarde où tu marches, peine à jouir !

Il faut dire qu’à ce moment-là, nous déambulations dans un magasin de décoration et, par inadvertance, je venais de faire tomber une sorte de bibelot en verre, qui s’est complètement désintégré sous l’effet de la gravité.

- Voilà, c’est malin, espèce de crevard démagnétisé ! Ca t’apprendra à rêver à mes couilles en ski au Zénith ! T’as bien fait de le casser ! C’était d’une laideur ! Ca à dû être fait par une saloperie de mexicain de 9 ans qui pue de la gueule et qui travaille dans un workshop de Manille. Je me demande qui peut bien acheter ça ! Certainement pas moi. J’ai des principes ! J’achète jamais ce qui a été fabriqué par des enfants du Tiers-Monde. Tout le monde sait que ça se casse tout de suite. La preuve !... Bon, c’est pas tout mais maintenant il va falloir casquer. Moi, c’est comme ça que j’ai été élevée : quand je casse quelque chose, je le paie.

- Et tu pourrais me payer une nouvelle paire de couilles, mère-grand ? est ce que j’aurais pu lui dire, mais j’ai rétorqué :

- Mère-grand ! T’en as pas marre de ragnagnasser après tout ce que je t’ai appris depuis un mois ?

- Tout ce que tu m’as appris ??? Faudrait voir à pas inverser les rôles, cloporte vérolé ! C’est toi qui devrais apprendre le respect, gros Judas miteux ! Tu serais bon à quoi, hein, dis-moi, toi qu’as toujours une paille au cul qui t’étrangle ?! Toujours à se donner le beau rôle, ce demi-sel qui sent le Canard W.C. Ce que tu serais pas, sans moi ! Allez, va, va remplir ton blog moisi avec mes idées d’avant-garde. Saloperie de vampire ! Tu m’auras bien sucée jusqu’à la moelle !!! T’es comme la hache de Hawaï, tu sers à rien !

- La hache ?

- Oui, il dit ça dans BRICE DE NICE. Alors, qui c’est qui fait la leçon ?

- Heu… Je crois plutôt que c’est le « h » de Hawaï, mère-grand.

- Ouais… Bon… Allez, on rentre… J’ai 2 grammes d’alcool dans le sang tellement tu me saoules !

DAMIEN SAEZ - J'ACCUSE

21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 13:20

ROMAN POLANSKI

            Quelle vie éprouvante et improbable aura été celle de Roman Polanski ! Typiquement le genre de biopic qu’Hollywood se verrait bien porter à l’écran. Un bref calcul en probabilités nous laisse dubitatif quant à l’achèvement d’un tel projet à court ou moyen terme. A la question : « Verrons-nous de notre vivant un film sur Roman Polanski ? », une autre interrogation sous-tend cette problématique, à savoir : « Comment le réalisateur traiterait l’affaire Polanski ? » Ou, plus précisément : « Que choisirait-il de montrer sur ce qu’il s’est passé le 10 mars 1977 entre ce dernier et Samantha Gailey ? »

Ce réflexe est conditionné par l’orientation qu’a prise petit à petit cette affaire, depuis la fin de l’année 2009. Une déviation rondement menée par la perverse entreprise Internet, dont l’origine peut se trouver dans les divers mélanges et raccourcis relayés par quelques journalistes.

 

Le 13 février 2010.

 

            Récemment, c’est Yann Moix qui s’intéresse au fait divers. Paru chez Grasset, son livre « La meute » expose les grandes lignes de son soutien au cinéaste franco-polonais. Il était le 13 février dernier sur le plateau de l’émission « On n’est pas couchés » pour en faire la promotion. Par-là même, son égopromo. Oui, j’ai le droit ! Car chacune de ses interventions, qu’elle soit littéraire, télévisuelle, musicale ou cinématographique, est avant tout une occasion de parler de lui.

Belle preuve de cette recherche constante d’une légitimité à penser, à être original, à être à hauteur d’homme ! Un complexe d’infériorité d’autant plus net qu’il avait Eric Zemmour et Eric Naulleau face à lui.

            Je ne connais Yann Moix que par PODIUM et différentes parenthèses télévisées. Son premier long métrage m’avait agréablement surpris. C’était travaillé et rigoureux. Peut-être pas forcément un parangon de délicatesse, mais PODIUM avait l’avantage d’être un film plein. Et les rares fois où je l’avais entendu s’exprimer, je retrouvais ce libre penseur, souvent intéressant mais incapable de faire dans la demi-mesure. Un volontarisme trop porté par la soif de reconnaissance. L’impossible recours à l’humilité. Une propension effrénée à vouloir s’imposer comme le fondateur du nouvel intellectualisme, à chercher l’idée ultime. Une arrogance hypocoristique qui prétend éclairer la meute bercée d’ignorance crasse. Bref, Yann Moix est en avance sur son temps. Seul contre tous. Forcément. Et ce soir-là, il était très en avance...

 

Heckle et Jeckle ont la partie facile.

 

            Très souvent, les idées de nos deux drôles d’oiseaux sont sacrifiées sur l’autel de la démagogie populaire. Ils doivent alors batailler sec pour imposer un point de vue original voire novateur, en tout cas différent. Il était donc étonnant de voir à quel point ils étaient calmes et sereins lorsque Yann Moix passa l’examen.

« La meute » c’est du pain béni pour eux. Je n’ai pas lu le livre, je n’en ferai donc pas une analyse, et je me réfèrerai à chaque réponse que Yann Moix fit sur le plateau. Force est de constater qu’il était bien mal à l’aise face à ses écrits injustifiables et à sa provocation mal à propos. Il alla même jusqu’à employer plusieurs fois la technique de la flatterie, pensant adoucir nos deux joyeux corbeaux. Vil procédé inefficace. De même qu’il est éprouvant pour le spectateur de voir un comique continuer son spectacle face à un parterre qui ne rit pas, il était douloureux de suivre Yann Moix s’enfoncer dans sa prise au sérieux et ses justifications ridicules.

Donc, Yann Moix est du côté de Roman Polanski. Le déferlement d’une vague de haine populaire l’a décidé à aller regarder plus profondément du côté de cette affaire et plus précisément de cet homme. Il en revient polanskiste, et non pas polanskard. C’est une nuance importante car elle est l’objet de l’objection d’Eric Naulleau, précisant à juste titre qu’on ne peut pas se dire polanskiste comme certains se disaient dreyfusards. Ces deux affaires sont différentes sur un point fondamental : l’un est innocent, l’autre pas. Par contre, il est tout à fait possible de rapprocher polanskistes et dreyfusistes, désignations qui pourraient recouper ceux qui ont analysé ces affaires comme des conséquences directes d’un besoin de redéfinition et de remodelage de certains organes (la justice, en ce qui concerne la partie qui nous intéresse). C’est exactement ce que tentait de retracer le film de Marina Zenovich (ROMAN POLANSKI : WANTED AND DESIRED), sorti bien avant la capture du fugitif. Je me souviens du film moins attaché à l’artiste et à son acte qu’à l’exposition d’une justice écoeurante, inefficace, incohérente, absurde, prise par elle-même dans un engrenage fou.

 

Du côté de l’élan populaire.

 

            Pour en revenir à cette confusion entre -ards et -istes, elle est symptomatique de ce qui rend difficile et confuse la lecture d’une affaire qui l’est déjà de prime abord. Car c’est ainsi que nous avons vu fleurir un peu partout sur Internet, les avis de tout un chacun. Se sont succédées diverses informations erronées, des faits déformés, des amalgames de toutes sortes, des conclusions hâtives pour tout exercice mental, des points de vue cyniques et malsains, une pulsion de mort déplacée, une envie de lyncher qui rappelle de sombres épisodes, et une haine dont il n’y a vraiment pas de quoi être fier. C’est ce que l’on appelle une campagne de désinformation. La plus scandaleuse et celle sur laquelle je m’empresse de rebondir est l’accusation de pédophilie.

Voilà un terme qui sonne comme une insulte suprême ; le dernier rempart au-delà duquel la surenchère n’est plus possible. Pédophile et terroriste même combat. Car s’il y a bien un terme qui a sensiblement évolué entre 1977 et 2010, et dont l’acceptation n’est plus la même dans l’opinion publique, c’est bien « pédophile ». Je le concède à Yann Moix. Ce qui est bien triste, c’est de constater qu’il devient l’adjectif adjacent le plus récurrent à Roman Polanski. Tous ces internautes qui réclament sa condamnation en tombant eux-mêmes sous le coup de la loi pour diffamation ! C’est très révélateur. Ah ! Cet appel du sang fait plaisir. Le voir couler, assister à la douleur, en être à l’origine est encore plus jouissif. Voilà une vérité brutale, ancienne et pourtant élémentaire de notre condition humaine.

Non, Roman Polanski n’est pas un pédophile. Il n’a jamais été condamné pour cela et absolument aucune preuve ne peut l’affirmer. En tout cas, aucune de celles avancées par ces détracteurs. Il existe une différence très nette entre des adultes qui regardent des cassettes pornographiques ou de jeunes enfants sont soumis à des jeux sexuels, et des adultes qui ont des affinités pour les jeunes filles. J’affirme que je défendrai toujours cette seconde catégorie car elle s’oppose par définition à la pédophilie.

Parce que l’affaire Polanski a été réduite à un cinéaste qui a violé une jeune fille de 13 ans après l’avoir droguée, une voix collective s’est élevée pour réclamer que justice soit faite et qu’il n’ait que ce qu’il mérite. Evidemment. Il faudrait être la dernière des ordures pour ne pas considérer comme abject un tel crime et ne pas demander réparation. Présenté de la sorte, il est malaisé d’aller à l’encontre de cet élan populaire qui exhorte à l’extradition de l’infâme réalisateur, et qui s’encolère devant les propos de Frédéric Mitterand, de Bernard Kouchner ou d’une pétition de soutien signée par plusieurs grands noms. Pourtant, ce que l’on croit n’est pas tout à fait ce qui est.

 

La vérité.

 

            Roman Polanski est-il coupable ? Oui, nous pouvons le garantir et par-là même envoyer balader la présomption d’innocence. Roman Polanski l’a avoué, il a plaidé en ce sens. Mais de quoi est-il vraiment coupable ? D’avoir eu une relation sexuelle avec une fille de 13 ans. De détournement de mineure, si vous préférez. Voilà encore une précision qui a son importance. Parce que la plainte originelle est une plainte pour viol. Roman Polanski a toujours prétendu que Samantha Gailey était consentante. Propos évidemment démentis par la victime et, en lisant les minutes du procès, les détails qu’elle fournit sont accablants. Voilà d’ailleurs un exercice intéressant qui permet de se mettre dans la peau d’un juré et d’expérimenter la difficulté à déchiffrer la vérité entre deux discours contradictoires. Chacun se fait son jugement selon ses propres critères de recevabilité. Lorsque je lis ces documents, je suis bouleversé par les accents de vérité de Samantha Gailey et écoeuré par le sordide des événements. Roman Polanski a violé cette adolescente. Je n’ai plus aucun doute. S’il n’est pas coupable de viol pour la loi, il l’est à mes yeux. Voilà la première erreur judiciaire commise en 1977. Et 32 ans plus tard, ce salaud de Costa-Gavras vient nous dire à l’antenne d’Europe 1 qu’il n’y a pas de viol !!! Et il rajoute que la jeune fille avait 13 ans, certes, mais qu’elle en paraissait 25 sur les photos. C’est ignoble. C’est lui qui devrait se retrouver devant la justice pour tant d’incorrection.

A propos de ces photos, il serait bon aussi de savoir desquelles parle Costa-Gavras. Car il est essentiellement une photo de Samantha Gailey que la presse a mis en avant, celle où elle est de dos, légèrement retournée, et où elle tient des livres en main. Eh bien cette photographie qui la présente telle quelle a 13 ans, a été prise quelques années plus tard ! Et quand bien même aurait-elle paru le double de son âge, un « non » garde la même valeur quand une personne ne souhaite pas être contrainte.

Il a aussi été dit que Roman Polanski a été victime d’un traquenard. Or, c’est entièrement faux. Le festival dans lequel il se rendait n’a jamais coopéré pour monter ce coup de filet. Comment peut-on reprocher à la police d’élaborer un piège pour prendre un criminel dans ses filets alors qu’il s’agit d’une méthode travail qu’elle élabore constamment ? Puisque ça ne marche pas en demandant gentiment… Cette faculté à se scandaliser serait-elle la même si Oussama Ben Laden était capturé de la sorte ?

Notez aussi une information que nous n’avons pas entendue en France, mais qui provient de la presse suisse. Roman Polanski se serait jeté lui-même dans la gueule du loup en demandant une escorte policière pour se rendre au festival.

En fait, les Etats-Unis n’ont jamais cessé de traquer Roman Polanski. Ils ont constamment mis en marche des procédures d’extraditions, dont les mises en place ont parfois été gourmandes en temps. Or, Polanski s’étant réfugié en France, il ne pouvait pas être inquiété pendant toutes ces années passées ici puisque la France n’extrade pas ses ressortissants (en tout cas, pas hors de la Communauté Européenne).

Nous voyons donc bien que cette affaire ne peut se résumer à une ligne mentionnant le viol d‘une fille de 13 ans par un homme de 43 ans. Sans compter nombre d’éléments très importants comme l’attitude trouble de la mère de Samantha Gailey, le fait que ce soit la jeune fille qui ait volontairement pris de la drogue que Roman Polanski lui offrait, qu’elle avait déjà eu des relations sexuelles auparavant et qu’elle en avait informé Roman Polanski, qu’un accord fut passé entre les deux parties au début des années 90 selon lequel le réalisateur s’engageait à verser une somme d’argent en échange de quoi la victime retirait sa plainte, dédommagement que le cinéaste n’aurait pas intégralement versé à l’heure actuelle, sans oublier les jours de prison passés en Suisse alors que sa condamnation n’est toujours pas prononcée. Alors, bien sûr, la plainte est officiellement retirée mais si Roman Polanski continue à être inquiété par la justice américaine c’est qu’elle fonctionne différemment de la nôtre. Là-bas, le parquet est indépendant. C’est ce qui lui permet de continuer la procédure bien que Samantha Gailey (devenue Samantha Geimer) demande officiellement l’arrêt des poursuites.

Mais n’oublions pas qu’aussi importants que puissent être tous ces éléments annexes, ils peuvent nous éclairer sur la compréhension de cette affaire sans rien retirer aux faits originels. Ce sont surtout eux qu’une grande majorité retient pour justifier le lynchage qui s’organise. Allant même jusqu’à vilipender le cinéaste pour autre chose que les faits qui lui sont reprochés. Tout devient élément à charge. Tout s’interprète comme un acte malfaisant de la part de Polanski. Ce dernier devient l’un des pires cinéastes que le monde artistique ait portés. Malsain, racoleur, sataniste, pervers, laid etc. Les accusations viennent toujours du même camp. Comme si l’on ne pouvait pas aimer le cinéaste indépendamment de sa vie privée. Tout cela n’est qu’une occasion d’apposer un jugement subjectif censé renforcer son ignominie. [Polanski reste pourtant un cinéaste reconnu par ses pairs, les critiques et bon nombre de spectateurs. Personnellement, je n’ai jamais trop aimé ROSEMARY’S BABY. Mes affinités avec son cinéma commencent avec LE LOCATAIRE, sublime chef-d’œuvre oppressant et anxiogène. TESS est aussi un film absolument sublime. BITTER MOON vient enfin compléter ce que je préfère dans sa filmographie. Depuis ce film, il ne retrouvera jamais son niveau, ratant la plupart de ses oeuvres.]

C’est aussi par ce biais que nous apprenons que Samantha Geimer est sortie deux fois de son silence. La première fois en adressant une lettre à l’Académie des oscars pour leur demander de juger le film (THE PIANIST) et non l’homme. Et ensuite pour demander que l’on cesse les poursuites, que l’on laisse Polanski tranquille et elle-même par la même occasion. Laisser les faits au passé, pardonner et domestiquer les conséquences, seule trajectoire possible pour pouvoir vivre pleinement, se construire et gagner l’estime de soi. Précisons tout de même que ce ne sont pas les seules fois où Samantha a attiré sur elle les feux des projecteurs. Elle a participé à ROMAN POLANSKI : WANTED AND DESIRED, des photos la montrent à une avant-première du film et elle a participé à différentes émissions télévisées. Il devient un peu facile d’utiliser ce genre d’arguments, en présentant la victime dans toute sa bonté et sa magnanimité face à l’affreux prédateur qui n’a même pas daigné la remercier. Oui. Peut-être qu’éviter toute forme de remerciement peut s’apparenter à de l’impolitesse. Peut-être aussi que ne pas raviver sa présence à sa victime cela s’appelle du tact.

Polanski est diabolisé. Il devient l’autre bout de l’axe du mal médiatique, amorcé depuis quelques années par Dieudonné. Retour de vieux relents d’inhumanité que l’aseptisation de la société avait masqués. Avec Internet, nous pouvons constater que rien de cela n’avait disparu. Ces pulsions ne sont jamais apprivoisées et la prise de parole la plus débridée permet de voir surgir les idées les plus infâmes. C’est en tentant de les cacher que notre société croit qu’elle les atténue. Mais il n’en est rien. Il y a quelques temps, les émeutes en banlieue prouvèrent que les problèmes sont sous-jacents car non affrontés. C’est parce qu’une société ne sait pas écouter ses peurs qu’elle les attise.

 

Le cas de la France.

 

            Cette affaire est d’autant plus intéressante qu’elle implique plusieurs pays et particulièrement la France. Ce sont les réactions de ses citoyens qui sont les plus intrigantes.

Si Roman Polanski avait été capturé sur le sol américain, il tomberait sous le coup de la loi et une condamnation aurait à être prononcée. Le fait qu’il ait la double nationalité nous interpelle car, chez nous, il existe une prescription de 30 ans pour ce genre de crime. Si l’affaire avait eut lieu en France, à l’heure actuelle Polanski ne serait pas redevable de son chef d’accusation. Seuls subsisteraient ceux qui s’opposent à la prescription pour élever leur voix. Mais ceux qui sonnent l’hallali aujourd’hui n’auraient plus aucun argument valable à faire valoir. Le fonctionnement de la justice américaine n’est qu'une faille qu’ils agrandissent pour exposer leur furieuse animosité.

Aux Etats-Unis, il existe aussi une prescription. Elle est de 10 ans, je crois. Mais 10 années sans que la justice ne relance la procédure. C’est bel et bien parce que les Etats-Unis ont toujours essayé de piéger Polanski, de mettre en place des procédures d’extradition, que ce vide a toujours été rempli. Par la même occasion, cela prouve que cette affaire n’arrive pas maintenant comme un cheveu sur la soupe, qu’il n’y a pas de grand complot. S’il devait rester quelques soupçons sur la politique menée conjointement entre la Suisse et les Etats-Unis, ou sur l’action des juges (différente parce qu’ils sont élus), encore une fois, cela permettrait de mieux comprendre les tenants et les aboutissants, mais ce ne seraient que des éléments extérieurs aux faits et à l’application de la loi.

 

La loi n’est pas la même pour tous. La justice non plus.

 

            Alors, maintenant qu’il a été arrêté et assigné à résidence, que faire de Roman Polanski ? Que faire de ce coupable ? Un premier élan logique voudrait que nous lui fassions répondre de ses actes. Surtout parce que l’on nous brandit l’étendard de l'égalité, l’un des fondements de notre devise française. En ce sens, la loi est édictée pour tous. Idéologie superbement approuvée car il s’agit avant tout d’une donnée théorique. Sauf qu’elle est hypocrite et fausse. A commencer par le plus bel exemple, celui de notre Président de la République, qui jouit d’un statut pénal qui fait de lui un être humain à part. C’est ici que commence l’affaire Polanski. En acceptant de supprimer l’immunité présidentielle, qui affirme bien haut l’injustice d’un Etat et son caractère inique et archaïque, on accepterait de donner un signe fort montrant la voie de la régulation d’une loi enfin édictée pour tous.

La justice non plus n’est pas en reste, puisqu’il n’est plus à démontrer que l’échelle sociale règle en partie votre sort. En substance, le pouvoir et l’argent sont deux unités qui ont souvent permis de fausser les verdicts. Pour exemple, citons une affaire qui date d’environ 1 an, dans laquelle des juges ont été payés pour remplir des centres de jeunes délinquants (jolie dérive de la privatisation du système pénitentiaire américain).

Sans essayer de refaire le match, il est vrai que Roman Polanski aurait dû recevoir une peine pour ce qu’il a commis. Qu’elle soit sévère ou indulgente relève d’un autre problème, disons de l’essence même de la justice des hommes qui est, rappelons-le, l’un des rares termes à englober son opposé dans sa définition. Au moins, Polanski aurait été condamné. Or, presque 33 années se sont maintenant écoulées. Et aucun de ses opposants ne le mentionne comme un élément prépondérant dans l’impossibilité de le juger comme s’il avait commis son crime la veille. Il faut obligatoirement tenir compte de cette notion parce que c’est elle qui fait de cette affaire un cas spécial. Et comme il est spécial, sa résolution doit revêtir un caractère exceptionnel, c’est-à-dire qu’il ne doit être sujet à aucune jurisprudence. Il n’est plus temps de sonder les lois, seule l’humanité qui réside en chacun de nous doit être évaluée. Celle-là même dont le grand défi est d’organiser la cohabitation entre tous, de la manière la plus évoluée qui soit.

Pour cela, une sentence telle une peine de prison permet de remettre une personne dans le droit chemin. Le but n’est pas forcément atteint à chaque tentative, mais c’est l’ambition qu’elle se donne. Montrer à une personne qu’elle a commis une faute, qu’elle doit la payer car la victime demande réclamation et la société ne veut pas de ces agissements. C’est le sens de cette privation de liberté. Aujourd’hui, nous devons nous poser la question de savoir si Roman Polanski a assez payé. Est-il un danger pour son prochain ? Force est de constater qu’il n’a jamais récidivé pas plus qu’il n’a été pris dans un quelconque engrenage pédophile.

Samantha Geimer a pardonné à Roman Polanski. Je crois qu’il est temps que la société lui pardonne aussi. Cela n’a rien à voir avec la bonté. Car pardonner est une marque de cruauté, mais refuser de le faire l’est tout autant.

 

Dépassionnons le débat.

 

            Le film ROMAN POLANSKI : WANTED AND DESIRED s’achevait sur ce constat implacable : le cas Polanski ne fut jamais conclu. Si nous n’arrivons pas à résoudre un problème, arrêtons d’en suivre les règles. L’émotion devant un viol n’est pas ce qui doit dicter la justice. Ce n’est pas parce qu’une population s’émeut devant cette affaire qu’elle indique l’attitude à adopter. En 1981, la majorité des français était favorable à la peine de mort. Probablement qu’un référendum donnerait aujourd’hui le même résultat…

Ce que je demande pour Roman Polanski est un acte de clémence. L’ampleur de la tâche qui s’offre à nous est gigantesque. Elle nous demande de laisser nos pulsions de côté et de mesurer combien grande est notre âme. Si nous voulons devenir justes, il nous faut apprendre à être sages. L’occasion est toute trouvée pour Barack Obama de nous montrer enfin s’il est de cette étoffe qui forme les grands hommes.

Oui, selon certaines circonstances, ce n’est pas les approuver que de laisser certains crimes impunis. C’est simplement l’indicateur d’un pouvoir solide ainsi que d’une grandeur d’âme phénoménale. Parce que les exhortations des différents individus et leur haine vengeresse sont excusables, il ne peut en être de même du châtiment énoncé par celui qui rend la justice, en vertu même du pouvoir qu’il possède. Rendre la justice c’est aussi la possibilité de soustraire les coupables à leur peine. Dans ce cas présent, l’intransigeance ne résoudrait rien. Elle ne provoquerait, comme toujours, qu’une rébellion insensée. Nous le savons très bien, nous qui vivons la répression policière comme un vecteur de haine et d’insubordination.

L’affaire Polanski s’offre maintenant à nous comme une occasion d’affirmer notre valeur, d’établir que nous pouvons croire en l’homme, ce que Roman Polanski nous a déjà prouvé sans que sa condamnation ne soit prononcée. La justice s’appuie sur ces fortes assises que sont le respect et la droiture de notre conduite sociale. C’est la leçon que nous pouvons tirer de celle de Roman Polanski.

Cette clémence, c’est une preuve d’amour. Une preuve d’amour de l’humanité et de l’abjuration des pulsions bestiales, non dignes d’une société civilisée.

29 janvier 2010 5 29 /01 /janvier /2010 02:15

            L’Etat n’est pas fait pour diriger l’art mais pour le servir. Comme disait André Malraux (rien à voir avec Claude Berri) avant de mourir.

* 17 décembre 2009 : Adil Rami, joueur de balle au pied de l’équipe de Lille, est interviewé à la fin du match opposant son équipe au Slavia Prague (3-1) :

Le journaliste : Alors Lille n’en finit plus de gagner et avec panache en plus…

Adil Rami : T’as dit quoi, là ?

Le journaliste : Oui, des buts, des victoires… Vous gagnez avec panache !

Adil Rami : Panache ? Ah, OK ! Je connaissais pas.

 

(Soupir)…

 

Tout cela ne vaut pas Matt Moussilou qui déclarait « avoir bien joué dans les intervalles… Euh, pardon ! Dans les intervaux. » 

Citer les grands hommes permet d’aller plus vite. A cette occasion, ressortons notre « Dictionnaire des phrases toutes faites à l’usage des jeunes générations en général et des sportifs de haut niveau* en particulier », et gratifions-nous d’un sagace « C’est plus que jamais d’actualité ». Regards intransigeants vers les fomenteurs acides. Les répliques fusent. Elles reviennent comme des rêves en apesanteur, des bulles légères qui viennent rafraîchir le souvenir des grandes étapes de l’Histoire. Des bulles de savon dans lesquelles vous pourriez lire l’avenir. Tel est le legs de ceux doués pour traverser les années après leur mort. Toujours se référer à l’ancien temps lorsque l’actuel figure une plante qui lance ses épines à l’attaque de ces flotteurs précaires.

Le devoir de mémoire ne sert à rien puisque l’Histoire est un éternel recommencement. Rien n’est inéluctable. A part la mort et les impôts. Les réponses sont chez Voltaire (rien à voir avec Harry Houdini) et Rousseau (rien à voir avec Rafael Benitez). Ignorez ceux qui élaborent les règles élémentaires pour faire une bonne critique de film. S’ils vous disent qu’il est inutile de faire de la littérature ou de discerner les obsessions de tel cinéaste film après film, c’est tout simplement parce qu’ils ne savent pas le faire. Selon eux, le talent qui va au-delà de leurs propres limites n’est plus du talent. On peut aussi rire de leur propension à se prendre pour les doctes tenants du savoir-faire universel. D’autres se terrent au sein de la F.E.M.I.S, institution composée de maîtres à penser qui imposent une vision rigide, qui établit les codes à respecter. On en arrivera à ce que ces Tables des Commandements s’appelleront Cahiers des Charges. Ils remplaceront l’imagination de la même manière que la pornographie s’est substituée à l’érotisme. Jeanne Labrune (rien à voir avec Rachida Dati) réalisera des films et Joey Starr (rien à voir avec Jean-Paul Bertrand-Demanes) sera nommé aux César. « Le mal est entré… » comme disait la poétesse mon cul (rien à voir avec Jean-Marie Bigard) !

Vous suivez. C’est bien. Je sens poindre l’excellence zygomatique sur vos visages. Heureux que vous êtes d’avoir appris que les gravures sur tables de marbre ne jouissent d’aucun crédit. Retour à la citation d’André Malraux**.

** Citations d’André Malraux :

« A « Qu’est-ce que l’art ? », nous sommes portés à répondre : « Ce par quoi les formes deviennent style » »

« Etre roi est idiot, ce qui compte c’est de faire un royaume »

« Ce n’est pas la passion qui détruit l’œuvre d’art, c’est la volonté de prouver »

« La culture est faite de tout ce qui permet à l’homme de maintenir, d’enrichir ou de transformer sans l’affaiblir, l’image de lui-même qu’il a héritée »

« On ne ressemble pas à ceux qu’on admire en imitant leurs œuvres »

« Le chef-d’œuvre est garant du génie, le génie n’est pas garant du chef-d’œuvre »

« L’artiste naît prisonnier du style, qui lui a permis de ne plus l’être du monde »

« La Joconde sourit parce que tous ceux qui lui ont dessiné des moustaches sont morts »

« Juger c’est de toute évidence ne pas comprendre puisque, si l’on comprenait, on ne pourrait pas juger »

« L’art est un anti-destin »

« Les hommes les plus humains ne font pas la révolution, ils font les bibliothèques ou les cimetières »

« La vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache »

« Beaucoup moins de femmes se coucheraient si elles pouvaient obtenir verticalement les compliments qu’elles obtiennent allongées ».

            Est amenée de la sorte la problématique du cliché. Le rapport entre l’ingénierie colportée et le réflexe avéré. Autrement dit, les faits réels peuvent-ils disculper tout cliché de sa propre définition, du fait même de leur authenticité ?

Pour tenter de répondre à cette délicate équation et avant de résoudre le problème du chômage extérieur, j’ai demandé à trois inconnues spécialistes du phénomène, de bien vouloir m’épauler dans cette tâche ardue. Inconnues absentes pour l’instant, mais qui ne devraient pas tarder, sans doute retenues dans des embouteillages à connotation sexuelle***, nous allons commencer sans elles si vous le voulez bien.

Pour mener à bien cette expérience, nous avons besoin d’un film avec affiche à dominante jaunâtre, d’un kilt, d’un peu de pâte à modeler, d’un Stabilo Boss, d’un pot de Nutella, d’un anti-spam vraiment efficace, d’une coupe de champagne et d’un préservatif.

*** C’est bien connu : le sexe c’est comme les équations, c’est à partir de 3 inconnues que cela devient intéressant.

Le film sortira le 10 février 2010. Il est réalisé par Glenn Ficarra et John Requa (rien à voir avec Tom et Jerry), dont c’est le premier long métrage. Son affiche française témoigne de la couleur idoine et d’un mauvais goût en signe d’avertissement. Ne jamais laisser son enfant de 4 ans utiliser Photoshop CS. Surtout s’il est trisomique. Surtout s’il est homophobe. Au-delà d’être l’une des pires affiches de cinéma, elle témoigne d’une grande difficulté du distributeur à vendre le film pour ce qu’il est. Le poster américain, lui, même s’il garde cette couleur « cocu bon chic bon genre », présente un Jim Carrey (rien à voir avec Aimé Césaire) avec attaché-case, fraîchement sorti du bureau. Point de référence particulière à son homosexualité. Quoique l’attaché-case… Eternel recommencement du distributeur face à un film qu’il ne sait pas étiqueter. Qu’il s’agisse de films décalés, bizarres, avant-gardistes ou complexes, l’écrin velouté des films mal vendus regorge de DONNIE DARKO, INNOCENCE, IDIOCRACY et autres SYNECDOCHE, NEW YORK. Ne cautionnons pas ceux qui brandissent l’excuse d’une sortie dans un nombre réduit de salles car ce public est restreint. David Lynch a suffisamment démontré qu’il peut se déplacer en nombre et aimer un film sans pour autant le comprendre. Pour en revenir à notre affiche, si elle nous interroge c’est tout simplement parce que le film n’est rien de tout ce que nous venons de décrire. C’est une comédie affirmée. A mon sens, cela est tout bonnement une erreur (pour ne pas dire une malhonnêteté) d’avoir mis en avant la pédésexualité des personnages. Si elle est l’influx nerveux du long métrage, celui-ci n’en parle que très peu. Ce n’est tout bonnement pas son sujet. L’affiche annonce une comédie un peu poussive, un peu moins finaude qu’elle ne l’est réellement. En tout cas, un public est clairement déçu. Déceptions sur liste d’attente. Je crois qu’il était judicieux de remettre les pendules à l’heure place.

Logo d’introduction. Une production Europacorp. Epitaphe souvent effrayante. Il vaut mieux s’en méfier lorsqu’il s’agit de films d’action. Les mauvais films de cette maison de production ont établi sa réputation. Elle produit pourtant quelques films plus risqués, grâce à ces bénéfices montrés du doigt. I LOVE YOU PHILLIP MORRIS est l’un d’entre eux. Rien d’iconoclaste ne subsistera véritablement du projet original (concessions, je chéris votre nom), mais le film réussira à devenir un vrai divertissement et c’est déjà beaucoup. D’abord, il a fallu deux grandes stars. Très bon choix concernant Ewan McGregor (rien à voir avec Papy Brossard), écossais plus que sympathique qui dissimule habilement son kilt. En tout cas, je n’ai rien vu. Acteur souvent étonnant, très subtil, jouant régulièrement sur la corde fragile et le maladroit touchant. Il crée un personnage à la sensibilité exacerbée, légèrement victime de lui-même. Rôle pas facile car moins démonstratif que celui de Jim Carrey, il cadenasse son personnage par la voie du charme qui se mérite. En face de lui : Jim Carrey, poupée en pâte à modeler qui est tombée dans une cuve de peyotl quand elle était petite. Là aussi, casting payant. Si nous aimons ce comédien c’est avant tout par l’ambivalence de son jeu dans des films tels qu’ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND, MAN ON THE MOON et THE TRUMAN SHOW. Si son surjeu est devenu une marque de fabrique, souvent ciselée dans de belles proportions (BRUCE ALMIGHTY), la contrepartie est une surenchère qui s’expatrie au-delà des personnages, là où le comédien se fait plaisir lorsqu’il n’est pas ou plus dirigé par le metteur en scène (c’était le cas chez les pitoyables frères Farrelly (rien à voir avec Placido Domingo), ou dernièrement dans YES MAN). Dans le film qui nous intéresse, il franchit quelquefois la ligne séparatrice, mais la plupart du temps les réalisateurs ont réussi à le canaliser (rien à voir avec l’esprit Canal). C’est clair, net et précis, le trait est forcé, les traces de pneus indiquent la direction à suivre et le morphing se fait sans effets spéciaux. Pour l’anecdote, notons aussi la présence de Leslie Mann (rien à voir avec Pie XII), habituée des productions Judd Apatow (rien à voir avec les frères Karamazov), ce qui se comprend puisque c’est son mari, et rarement distribuée par ailleurs.

Elle reflète bien le caractère bancal du film. Très présente dès le début, elle joue la femme de Jim Carrey puis disparaît dès l’accident de ce dernier. Elle n’apparaîtra de nouveau que bien plus tard, pour une apparition téléphonique brève et inutile. Dès le départ, elle n’était donc placée qu’en faire valoir d’exposition pour le personnage de Jim Carrey. Lorsqu’elle surgit à nouveau, l’apparition sonne comme un rappel en guise de révérence à la comédienne. Annexe mémorielle, histoire de lui offrir un peu plus****.

**** La longueur ne fait rien à l’affaire. Dans THE ROAD de John Hillcoat, Charlize Theron, Guy Pearce et Molly Parker sont cantonnés à de subreptices apparitions, ils sont néanmoins sublimes.

Parce qu’une nouvelle fois, le film est au service du scénario et le résultat importe plus que la manière d’y parvenir.

Le film est tiré d’une histoire vraie, incroyablement mise en œuvre par le personnage interprété par Jim Carrey : Steven Russell (rien à voir avec Vincent Lagaf’), manipulateur hors pair. C’est lui le sujet en or. Being weird isn’t enough !!! Malheureusement, les scénaristes (Tom et Jerry) ne se sont focalisés que sur tout ce que l’histoire a d’original, d’incroyable, de sensationnel. Bref, ils s’en tiennent aux actions sans s’attarder sur la psychologie des personnages, pourtant le vrai siège de l’extraordinaire. Le film se terminera sans que nous ne connaissions véritablement Steven Russell. C’est exactement le même problème duquel Jean-François Richet (rien à voir avec René Coty) n’avait pas su se relever pour son diptyque MESRINE. Le devoir de mémoire n’a donc pas eu lieu. C.Q.F.D. Ce qui nous permet de continuer à nous interroger sur la pertinence des parti pris de mise en scène. Face à une histoire pas assez aseptisée pour les américains, nous pouvons nous apercevoir que, petit à petit, tout élément heurtant est irrémédiablement éliminé. Comment faire pour éviter que la relation homosexuelle entre Jim Carrey et Ewan McGregor ne choque l’Amérique puritaine ? Il serait bien difficile de la passer sous silence ! Cependant, les réalisateurs la rendent aussi chaste que possible.

***** Du cul, du cul, du cul : cette éradication imposée de la nudité est moins contraignante que dans tous ces films qui veulent conquérir les publics les plus jeunes. Pour une excellente raison qui est que les metteurs en scène ont choisi de remplacer la nudité par des effets de mise en scène, en général comiques. Ils jouent sur la composition du cadre et particulièrement sur ce qui est hors champ. C’est ainsi que la scène de sexe lorsque Jim Carrey nous apprend qu’il est homosexuel devient régalicieusement drôle lorsqu’il se met à faire du rodéo dans les fesses de son petit ami, alors qu’une vue générale aurait brisé tout le comique de la scène.

Toute nudité est châtiée*****, ils essaient d’éviter au maximum tout acte d’amour entre les deux personnages, n’en rajoutent pas dans ce que l’affiche française Stabilo Bosse, et bannissent toute provocation. Promenons-nous donc dans ces contrées où hétérosexuels et homosexuels ne forment aucune différence. Rions à gorge dévoyée devant cette fraternité retrouvée. Mais n’oublions pas de regarder en bas ce qui est inscrit en tout petit, oui, là où quelques gags appuyés font parler les regards de quelques anonymes, visiblement choqués par l’exubérance de nos amis qui en sont. La part du ghetto passe du simple au double selon qui fait le partage ! Cela trahit plus que tout les véritables intentions de Tom et Jerry. Cela dit, il ne s’agit que d’un bref passage du film, et les auteurs auront par la suite la délicatesse de nous épargner la laideur et la vulgarité qui auraient pu coller à la panoplie de la comédie gay à la française tels POLTERGAY et LA CAGE AUX FOLLES, pour exemples.

L’imagerie gay nous est présentée par petites touches. Les américains ont au moins cette décence, là où nous ne sommes capables que d’affubler nos personnages de paillettes, talons compensés et gestes de grandes folles, le tout sur une musique de Boy George (rien à voir avec Björn Borg). De ce point de vue, Jim Carrey, Ewan McGregor et Rodrigo Santoro (rien à voir avec Manolo Manolete) s’en tirent à merveille, toujours en équilibre sur la ligne terminatrice. Il est évident qu’ils n’ont pas cherché à faire du mimétisme en cherchant la justesse la plus gratifiante, mais se sont vraiment investis dans les principales préoccupations des gays de leur milieu social, de leurs aspirations, de leur quotidien amoureux etc. Rien de la posture artificielle ou de l’intellectualisation des personnages ne sera favorisée. L’accord de la tête et du pied, bien évidemment ! Bien vu. Cependant, la conception pédéraste du film n’est pas toujours au diapason et sombre subrepticement dans le cliché, nous allons y revenir.

Le début du film est assez haletant. La présentation « Steven Russell, sa vie, son œuvre » est menée sur un rythme soutenu. C’est plutôt pas mal découpé, toujours un bel effort sur la photo sans rien d’ostentatoire, et les cadres prennent parfois quelques risques. Un peu d’astuce, d’espièglerie, et le film apprend à aller vers l’essentiel. Pas de quoi faire une banderole mais nous sentons une belle envie de faire du beau et du bien, de spatialiser le discours, de jouer ensemble. Ce n’est pas le grand soir de l’amour du geste, mais nous nous amusons franchement par moments.

Très vite, les réalisateurs nous font comprendre qu’ils ont opté pour le mode comique. Choix assez curieux car toute cette histoire d’amour superficielle, mensongère, vécue en prison, impossible, est pathétique et plus tragique que glorieuse (rien à voir avec Nicolas Sarkozy. Et pourtant…). Ce sont les actes de Steven Russell qui sont à marquer du sceau du surprenant, de l’extravagant et donc du comique. Nous comprenons parfaitement pourquoi les scénaristes ont plus développé ces faits de vie. Ils laissent donc le pathos de côté et s’engagent sur la voie plus difficile de la comédie. C’est tout à leur honneur, même si leur talent est prosaïque et sans déliés.

****** La cohésion fictive du réalisateur au public. Comme le cinéma n’est pas une affaire de crédibilité (a-t-on besoin d’être persuadé que les vampires existent pour considérer DRACULA comme crédible ?), le réalisateur a le devoir sinon l’obligation de prouver qu’une situation est convaincante s’il veut que le public le suive dans son imagination la plus insolite soit-elle. S’il part sur un principe improbable dans la vie réelle, il devra détailler avec forces précisions ce que serait cette situation si elle survenait. Tout est possible à condition qu’il ait réponse à toutes les questions du public. Ce dernier est prêt à tout accepter, il a juste besoin d’être convaincu. A ce moment-là, et uniquement à ce moment-là, il pourra croire à l’incroyable. Allez voir le prochain Peter Jackson (rien à voir avec Bambi) : LOVELY BONES (sortie le même jour qu’I LOVE YOU PHILLIP MORRIS) pour avoir un exemple concret de réussite de ce concept.

I LOVE YOU PHILLIP MORRIS va subir un énorme problème de rythme du fait de sa structure. Comme il retrace une grande partie de la vie de Steven Russell, il s’attarde sur les grandes époques de sa vie (forcément amoureuse), celles qui vont se montrer décisives pour lui. Il devient donc nécessaire de s’embarquer dans des épiphénomènes qui vont nous détailler ces épisodes en nous expliquant comment Steven Russell a pu manipuler certaines personnes. Passage obligatoire pour établir la cohésion fictive des réalisateurs au public******. Le film se construit donc comme une alternance de petites histoires (pas de sketches !) qui nécessitent à chaque fois de se replonger dans une nouvelle aventure. I LOVE YOU PHILLIP MORRIS se va donc staccato selon un mode disparate d’agencement des scènes. Comme un hoquet qui s’éternise. C’est moins insupportable, mais cela empêche le film de s’envoler vers une dimension plus ambitieuse, vers des contrées plus dionysiaques. Il privilégie le côté ludique de la narration sans chercher les 40 ans d’expérience qui feront toujours la différence*******. Au lieu de varier les plaisirs, les réalisateurs vont tirer sur ce ressort, l’exploiter au maximum, en découvrir les limites et dépasser les bornes.

******* Chocolat. Si, pour vous, la firme Nutella est irrémédiablement rattachée au slogan : « 25 ans d’expérience feront toujours la différence », il est temps de vous apercevoir que vous avez pris un sacré coup de vieux.

Preuves :

► Au début du film, pour celui qui ne saura pas ce qu’il va voir (attitude qui devrait être universelle), Jim Carrey fait les présentations. Vie bien rangée. Enfants bien élevés. Pas un cheveu qui ne dépasse. Dis bonjour à la dame. Sortie en famille le samedi soir. Michel Drucker (rien à voir avec Jacques Martin) le lendemain. Chien à la con qui ne rapporte même pas la baballe. Spams pour agrandir son pénis. Et tout à coup, surprise : il est pédé ! Cet effet qui pourrait passer pour une pirouette de scénaristes qui jouent aux petits malins, est en fait totalement coordonné par la mise en scène et son caractère surprenant. Les réalisateurs se plaisent à jouer avec nous. Ils répondent au ludique recherché et trouvent une belle idée qui s’oppose à ce qui précède. Car ce n’est pas simplement un procédé, voire un effet de style, c’est surtout du signifiant ! Le dispositif revient plusieurs fois dans le film et il faut bien avouer que cela marche à chaque fois. Il est cependant un endroit qui ne répond absolument plus à tous ces critères et où l’effet tombe à plat, il s’agit précisément de la dernière fois qu’il est utilisé. Lorsque Steven Russell réalise ce que le film considère comme son plus gros coup d’éclat (il est amené tel quel) et que je vais spoiler******** en disant qu’il s’agit du moment où il fait croire qu’il a le S.I.D.A.

******** Spoiler. Du verbe spoiler : être dégoûté de la vie lorsqu’un de vos amis vous apprend que Keyzer Soze dans THE USUAL SUSPECTS c’est Kevin Spacey. Se précipiter alors sur le DVD de CITIZEN KANE avant qu’un autre imbécile ne vous dise que Rosebud est le nom de la luge.

Ici, l’idée est de faire croire que Steven Russell meurt petit à petit de cette maladie. Et alors qu’Ewan McGregor le croit mort, ce dernier a rendez-vous avec son avocat qui se révèle être… Stupéfaction. Yeux exorbités. Semi-érection. Il est évident que le spectateur cherche à être placé dans les souliers d’Ewan McGregor. C’est en voulant expliquer ce tour de force de Steven Russell que les réalisateurs vont détruire tous leurs efforts. Parce que le principe fonctionne à fond depuis le début du film, il n’était absolument pas nécessaire de faire un flashback qui nous explique ce que nous venions de comprendre. Pour le coup, nous entendons très nettement les voix des complices qui nous crient : « On vous a bien eus ! » Nous ne sommes plus dans le signifiant. D’autant plus que le flashback est assez court. Les responsables s’étant dit devant leur table de montage qu’il fallait raccourcir ce passage qui intervient en fin de film. Or, pour qu’il fonctionne il fallait bien évidemment remettre en place le principe de la cohésion fictive des réalisateurs au public, et décrire avec minutie toutes les étapes qui ont pu amener tout un personnel hospitalier et pénitentiaire à croire à la maladie puis à la mort. Et là, il subsiste encore trop de questions pour que cet épisode soit totalement convaincant. Comment cela s’est-il passé concrètement le jour où Steven Russell décida de mourir ? Comment la paperasserie a-t-elle pu entériner cette mort ? Bref, c’est raté. Comme disait la mère de Margaret Thatcher le jour de la naissance de sa fille.

► Nous l’avons dit précédemment, le film baigne dans une atmosphère très gay friendly, avec pour souci d’éviter les clichés inhérents à. Et ce n’est pas toujours réussi même si volonté de bien faire il y a. Ainsi, lorsque Jim Carrey décide de vivre son homorastie, il a une aventure avec Rodrigo Santoro. C’est là qu’il s’aperçoit de la débauche à fournir, et c’est ce qui lui fera dire qu’être pédé, ça coûte cher. Et c’est parti pour le couple homo qui arpente les boutiques de luxe, fréquente les endroits tendance et s’achète des montres-qu’importe-le-prix-pourvu-qu’elles-soient-grosses. Ci cela ce n’est pas du cliché ! Les réalisateurs sacrifient au ludique leurs bonnes intentions. Non, être pédé ne coûte pas cher ! Ce sont ces pédés-là qui ont la vie chère (et qui ne connaissent pas Auchan). Jim Carrey aurait tout à fait le même style de vie s’il voulait impressionner une femme. C’est parce qu’il raconte à son amant qu’il est méchamment thuné qu’il choisit de vivre au-dessus de ses moyens. Voilà bien la preuve que c’est parce qu’ils oublient de s’attarder sur les personnages que les scénaristes ont conclu au raccourci facile et au cliché éhonté.

On peut aussi se dire que ce n’est pas important et préférer s’esclaffer devant l’histoire de cet homosexuel que l’on punit en le mettant… en prison !

Il est désormais temps d’ouvrir cette bouteille de champagne, d’en verser le nectar dans cette magnifique coupe en cristal, et de le boire en savourant la relecture de ces quelques mots agencés de manière à susciter le respect et la déférence. « Et le préservatif, dans tout cela ? » me direz-vous. A quoi sert-il ? Eh bien, c’est très simple : il est pour vous. Comme cela, si ma démonstration ne vous a pas plu, vous pourrez toujours aller vous faire enculer.

30 décembre 2009 3 30 /12 /décembre /2009 01:43

            Bonjour. Ou bonsoir, si vous êtes à table.

Voilà. Ca, c’est fait. Comme dirait Terry Kevin. Petit passement de jambes. Clin d’œil complice à la compagne qui fait mes nuits plus belles que mes jours. Et notre majordome vient nous annoncer avec un sourire non feint la suite de notre programme dès que Margaret Thatcher sera décédée dans des souffrances scolastiques.

L’attente est longue…

2009 touche à sa fin…

« Non, je n’irai pas passer le réveillon au Bus Palladium ! Avec toi qui plus est. Aller en boîte avec sa femme c'est comme aller à la boulangerie avec son pain. » Comment peut-elle ne pas s’en remettre à cette évidence toute latine ? Les femmes sont vraiment invincibles dans l’art de se voiler la face. Surtout dans les pays musulmans !

            Le Bus Palladium… C’est quand même bizarre ce nom. On a comme l’impression d’aller se trémousser dans une chaussure géante…

            Le Bus Palladium va-t-il revenir à la mode grâce au film de Christopher Thompson ? On dirait qu’on serait copains. Et comme on s’aimerait bien je ferais de ton dancing le titre de mon film et alors tout le monde voudrait y revenir parce que c’était pas mal quand même dans les années 80 quand on y allait tous, qu’on pouvait encore danser sur du rock, se faire des rails de coke et se taper des prostiputes dans le carré V.I.P. Oui, on dirait qu’on ferait comme cela parce que sinon je ne verrais pas trop l’intérêt de ce titre.

L’intérêt c’est évidemment l’ambiance sweat-shirt et brushing « Tout doux Dinky ». Genre c’était le symbole de cette époque et que si vous ne l’avez pas vécu vous ne pouvez comprendre que les histoires de la Comtesse de Ségur. A part cela, le Bus Palladium n’y est pour rien, mais absolument pour rien dans ce grand capharnaüm, tant son importance est anecdotique et ne préfigure en rien le film. Publicité déguisée ? Imagination déficiente ? Preuve d’amour aveugle ? Retard à l’allumage ? Faut-il faire vivre les langues mortes ?

BUS PALLADIUMNon, BUS PALLADIUM ne retrace pas l’historique de cette agence de rencontres sur fond vaguement musical. Il s’agit juste de ce même lieu où avait l’habitude de se rendre un groupe d’amis lorsqu’ils avaient envie d’assaisonner le public avec leur musique éthyliquement composée. C’est plutôt mince, jeune homme. Comme disait la jeune mariée. Parce qu’il va falloir trouver de l’enjeu pour votre film, et du thérapeutique. Cela tombien, nos quatre garçons au cheveu tout fluffy, vont tomber entre les mains de Géraldine Pailhas (preuve d’amour aveugle ?) qui se croyait malheureusement à Liverpool. Début des aventures de nos cow-boys parisiens, à la recherche de la fée des accords musicaux…

Dès les premières secondes de projection, la première chose qui marque est le choix du numérique. Retravaillée sans excès, l’image balbutie une sorte de document souvenir filmé par votre demi-oncle inscrit au Club Vidéo local. Passé cet effet « film de vacances à la Grande Motte », il reste un piqué d’image particulièrement affûté. Une précision chirurgicale. Paraît qu’avec le numérique nous pouvons voir tous les détails. Un peu comme la lessive qui lave plus blanc que blanc. Sauf que là nous voyons mieux que mieux. Et comme notre histoire concerne une bonne tripotée d’ados acnéiques, je vous entends déjà répliquer de tout votre air nauséeux. Allons, allons ! Pas de mauvais esprit. Ne me faites pas dire ce que j’ai pensé. Allons, allons… Chut !... Mais chut !... Silence, ou je fais éjaculer la salle !!!...

Bien. Reprenons où je vous avais laissés pantelants.

Le gros défaut de cette image c’est qu’elle est lisse. Elle n’a donc pas de « poids ». Tout semble éthéré, sans plus d’importance que cela. Quasiment tout se retrouve sur le même plan puisque Christopher Thompson n’use d’aucun jeu sur les focales. Tant et si bien que le rendu est plat, sans envergure. Il y manque un peu de grain, un peu de « saleté », quelque chose qui donne du corps à l’image, qui lui donne de la profondeur et de la texture.

Et à l’intérieur ? Y a-t-il un film ? A dire vrai, il y en a plusieurs mais aucun n’est signé Christopher Thompson.

Pour ce qui est du plus évident, le film s’ouvre et se referme à la manière du PERIL JEUNE, c’est-à-dire sur une bande de potes qui viennent de perdre l’un des leurs, mais pas genre ils l’ont perdu pouf-pouf il n’est plus là, non, genre il est mort et nos amis font du calcaire car ils n’ont plus du tout l’esprit Canal. Le film ne sera qu’un énorme flashback s’engluant dans cette bonne vieille comédie nostalgique du film entre potes qui passeront le reste de leur vie à dire que ce n’était pas si mal avant. Reconstitution de l’époque ad hoc. Défilé de mode et mise en vitrine de toute la panoplie. Cela sent très nettement le film calibré, qui coche les cases au fur et à mesure et fait ses devoirs avant de regarder la télévision. Et déjà nous nous éloignons du chef-d’œuvre de Klapisch, qui ne cloisonnait jamais ses personnages dans des représentations schématiques, mais permettait une dérive importante de l’acteur. C’est ainsi qu’il capte par moments ce que Klapisch et ses scénaristes n’auraient jamais pensé coucher sur le papier. Et BUS PALLADIUM semble s’en écarter d’autant plus que tout sonne faux. Il est particulièrement difficile de se repérer chronologiquement par toutes les erreurs que le film cumule. Les costumes sont complètement à côté de la plaque, mélange aléatoire des années 70 et 80, le cheveu florescent n’aidant pas à l’identification. Certes, l’exercice est toujours difficile, surtout en France où les films d’époque ne sont qu’une immense brocante où chacun étale ses apparats. Mais avec un peu d’astuce et d’espièglerie, d’autres s’en sortent de manière tout à fait régalicieuse. Je pense particulièrement à TONY MANERO de Pablo Larrain, film chilien sorti par nos instances le 11 février dernier. L’un des rares films dont l’histoire se déroule 30 ans avant sa réalisation, et dont il est impossible (outre la réalisation version docu-fiction à la THE WRESTLER) de savoir s’il ne daterait pas réellement de 1978. Les costumes marquent l’époque, bien entendu, mais ce sont surtout les décors et les attitudes des personnages qui l’entérinent dans un passé artificiel qui semble bien vivace. Un travail sublime qui n’a jamais été aussi poussé au cinéma. Et ce n’est pas BUS PALLADIUM ou le diptyque MESRINE qui prouveront le contraire.

Aviez-vous remarqué comme les années 80 sont marquées par l’intrusion du saxophone dans les campagnes musicales menées par le cinéma de ces années fric ? BUS PALLADIUM en est complètement dépourvu. Je dis bravo. Malheureusement, il est tout aussi pauvre en rock (aussi bien musicalement qu’en esprit), ce qui est dommage pour un film dont c’est l’univers principal. Figure dépitée de l’actionnaire voyant chuter le cours de ses stock-options. Pour BUS PALLADIUM, cela se résume à exhiber Philippe Manœuvre en guest. Tout Eddy. Autant Dick. Seule l’interprétation d’Arthur Dupont arrive à s’extraire de ces images d’Epinal.

Sur la même ligne de conduite chronologique, il convient de signaler que le film s’offre quelques anachronismes rendant sa lecture toujours plus alambiquée. Par exemple, dès le début des années 80, le « buzz » fait son apparition dans le vocabulaire de nos experts en louche crochetée. En soi, l’anachronisme peut être fort intéressant s’il est utilisé comme un élément à part entière qui intervient sur la mise en scène (comme dans DEUX HEURES MOINS LE QUART AVANT JESUS-CHRIST ou MONTY PYTHON AND THE HOLY GRAIL, pour exemples). Or, ici, il ne fait son apparition qu’à de rares occasions si bien qu’il semble figurer malgré lui, comme si personne ne s’était aperçu de ces incohérences. Qui paie qui ?

Bizarrement, dans ce genre d’entreprise (premier film mené par plusieurs jeunes non médiatiques) c’est souvent le jeu des comédiens qui en prend un coup, tous en roue libre, certains ayant parfois perdu une roue ou deux dans la descente. Dans le film de Christopher Thompson, ce n’est pas le plus infamant. Certes, nous sentons bien que le réalisateur ne fait pas de folie et tant que la phrase sonne juste cela lui convient. Géraldine Pailhas est toujours à la limite d’en faire plus avec les mains qu’avec les yeux. Marc-André Gondrin que nous aimons beaucoup par ici, est très loin de ce qu’il aurait de mieux à proposer et parfois même très en dessous dans les scènes d’émotion. Faisons tout de même une place de choix à Noémie Lvovsky qui n’a qu’une courte apparition, mais qui est irrésistiblement impeccable comme à son habitude (la seule bonne raison d’aller voir ce film !). Quant à Elisa Sednaoui, elle symbolise à elle toute seule toute l’expédition brinquebalante que représente BUS PALLADIUM, et que nous allons maintenant tenter de décortiquer.

Dès qu’elle apparaît à l’écran, Elisa Sednaoui représente une sous-espèce de femme fatale qui manipule les hommes. A grands coups de eye acting elle prétend entretenir l’ambiguïté entre les deux personnages masculins principaux. Finalement, les promesses ne seront pas tenues puisqu’elle n’interviendra que comme un élément du scénario parmi tant d’autres, même s’il est vrai qu’il figure le ressort de la discorde entre les deux amis. Exit l’ambiguïté. Juste une resucée maligne d’un personnage dont l’image est plus mystérieuse que la charactérisation. Et tout est à peu près du même acabit dans BUS PALLADIUM. Diagnostic : le film souffre du syndrome de la vérité externe.

Dans un souci de représenter l’histoire à raconter, il existe deux manières d’obtenir un résultat. Dans le cas de la vérité externe, elle se bornera à rendre compte de toute l’authenticité qui entoure le récit. C’est exactement ce qui caractérise BUS PALLADIUM. Tout y est envisagé sous l’angle de la reproduction : reproduire le style musical, reproduire les modes vestimentaires, reproduire les voitures de l’époque, reproduire de jeunes rockers, reproduire des groupies, reproduire des amours futiles, reproduire le Bus Palladium tel quel etc. Si tout cela sonne juste, l’inconvénient de la reproduction est donc qu’elle ne mène qu’à la copie, qu’à l’imitation. Parce que tout cela manque de vie organique, de ressenti, de vision, d’univers. Un réalisateur aura beau figurer un monde le plus proche possible de celui qui existe, il aura beau multiplier les documentations, discuter avec des personnes qui ont bien connu l’époque ou l’événement à resituer, il aura beau parer ses comédiens des uniformes nécessaires aux corps de métiers concernés, des accessoires d’époque, du langage approprié, s’il ne transpose pas son ouvrage il sombrera dans une représentation rigide, une réplique, ce qui a déjà été vu et revu et qui porte le nom d’académisme. Sans la patte de l’artiste, l’imitation est nulle. C’est une règle d’or. Les Guignols de l’Info n’auraient aucun intérêt s’ils ne faisaient de caricature.

A l’opposé, la vérité interne se charge de comprendre les problèmes d’une époque, d’une situation, d’un corps sociétal. Le réalisateur n’aura pas nécessairement besoin d’être inattaquable sur l’image collective que doit nécessiter la moindre représentation. S’il a une connaissance précise des tenants et des aboutissants de chaque situation, de chaque identité, il convaincra sans hésiter n’importe quel public.

D’une manière plus prosaïque, BUS PALLADIUM est empli de clichés grossiers et douteux. Revenons-en au rôle incarné par Elisa Sednaoui. Selon les principes précédemment énoncés, Christopher Thompson fait de ce personnage une très belle jeune femme au corps élancé, usant d’une batterie d’armes qui vont du regard enjôleur aux gestes lents et sensuels. Bref, il décide de tomber dans l’imagerie et donc dans la vérité externe. Mais si le réalisateur ne s’était pas arrêté à ces clichés cinématographiques, il aurait sûrement constaté que la réalité est pleine de ces personnalités féminines qui ne paient pas de mine, savent s’effacer, ne recèlent pas un charisme sensationnel, sont parfois très timides, mais savent se parer d’une poigne de fer spirituelle lorsque leurs désirs sont en marche. Dès lors, il se serait aperçu qu’il n’avait plus à fabriquer l’ambiguïté recherchée.

Ce que nous pouvons appeler la réalisation de Christopher Thompson c’est cela : une accumulation de tics et d’effets colportés par une horde de mauvais films, suffisamment rediffusés pour s’insinuer dans ses automatismes. Et le plus important n’est pas de pouvoir le faire mais de savoir le dire…

            Coïncidence que le dernier James Cameron soit sorti précisément au moment des fêtes de fin d’année ? Evidemment, il faut toujours un bon gros blockbuster pour passer le réveillon tranquille au coin du feu, un toffee dans la bouche et un verre d’Armagnac dans la main, à discuter fermement des bonnes résolutions auxquelles nous nous tiendrons enfin en cette nouvelle année, de cette œuvre caritative pour laquelle nous allons augmenter nos dons, du tri sélectif particulièrement bien organisé dans notre commune et il faut féliciter les employés municipaux, du prochain Ridley Scott que nous n’irons pas voir et en rire goulûment jusqu’à s’étrangler de travers avec son toffee mais cela fait du bien de rire parfois de si bon ton. Vous ne croyez pas si bien rire. Car AVATAR fait d’une pierre deux coups. « Pas besoin de pierre pour ça ! » s’écrie alors le jeune marié. S’il profite de Noël, c’est aussi parce que James Cameron a décidé de souscrire à la théorie du Père Noël. Vous savez, celle qui consiste à faire croire aux enfants qu’un gros bonhomme relooké par Coca-Cola vit au Pôle Nord et profite de la nuit du 24 décembre pour distribuer des cadeaux à tous les enfants du monde qui ont été bien sages. Même qu’il a des lutins pour l’aider à plier les cadeaux, et un renne qui s’appelle Niko.

- Mais comment il fait pour parcourir le monde entier et donner tous ces cadeaux ?

- Eh bien, il dispose d’un traîneau volant qui lui permet d’éviter les embouteillages et de ne pas polluer la mer en cas de marée noire.

- Ah bon ? Parce qu’il fonctionne au pétrole son traîneau ?

- Euh… Oui, voilà. Mais c’est un pétrole spécial. Un que personne ne peut envoyer des troupes pour contrôler son exploitation en faisant croire qu’en fait ils cherchent des armes de destruction massive. Parce que, tu vois, ce pétrole il se trouve au Pôle Nord et le Pôle Nord il appartient au Père Noël.

- Oui, mais il paraît que le Pôle Nord il est en train de fondre même que les ours polaires ils meurent de pas savoir respirer sous l’eau. Alors comment il va faire le Père Noël quand sa maison et ses lutins ils seront tous fondus ?

- Oh, mais tu sais, ça c’est pour dans très longtemps. D’ici là, le Père Noël il sera devenu en 3D, il se peindra en bleu et il ira habiter sur d’autres planètes comme dans AVATAR.

- Ah oui !... N’empêche que ça doit être dur de faire le tour du monde en une seule nuit. Il fait comment pour pas être fatigué, le Père Noël ?

- Il prend des Chocapic.

- Ah bon ?! Ca suffit ?

- Mais non, je plaisante. Il marche à la coke !

C’est marrant. Les adultes ils aiment bien faire croire toutes sortes de choses à leurs gamins. Ils ont l’impression que leurs rêves existent quelque part.

AVATARJames Cameron va donc pousser la théorie du Père Noël à son paroxysme. Une fois la légende du Père Noël validée, celui-ci débarque. Jamais vous ne verrez son traîneau et ses rennes. Il porte un immense sac en plastique ou en toile au lieu d’une hotte. En guise de gros ventre, si on lui appuie dessus on dirait qu’il dissimule comme un gros coussin sous son habit. Et puis, il se met à parler… C’est quand même très étrange cet accent de Toulouse pour un gars qui vit au Pôle Nord. En plus, s’il vit là-bas comment se fait-il qu’il ne connaît même pas le Captain Iglo ? Il arbore aussi des sourcils à la Raymond Domenech pour faire peur aux enfants et qu’ils pleurent sur la photo, ainsi qu’une fausse barbe achetée dans un magasin de farces et attrapes. Vous voyez bien que c’est une bande de plastique sur laquelle sont cousus quelques fils blancs qui font office de poils, mais les enfants, eux, font semblant de ne pas s’en apercevoir. Malgré tout cela, ils y croient !!! Ils le regardent débarquer en ouvrant de grands yeux ébaubis, tout intimidés et un peu cons tout de même ! Voici exactement le phénomène que la sortie d’AVATAR a cherché à exploiter.

Parce que le marketing d’AVATAR c’est le nouveau film du réalisateur de TITANIC, mais c’est surtout la 3-D qui est censée vous en mettre plein les luminaires. C’est justement comme cela qu’elle a été reçue, avec force ébahissements, enthousiasmes délirants, stupéfactions tenant du miracle, pertes de connaissance devant tant de beauté, anesthésies du cerveau etc. Il fallait au moins cela pour faire diversion face à une idéologie plus que suspecte. Cameron s’avère peu finaud dans ses diverses appréciations et met en œuvre des thèses plus que douteuses que nous ne nous attendions pas à trouver en plein virage. Et j’écris « en plein virage » car tout cela est fait d’une manière très sournoise, sous couvert de bonne conscience populiste. Car l’un des arguments premiers du film est une réflexion (vous remarquerez que, pour Cameron, une réflexion c’est quand on laisse les contre-arguments de côté, ce qui amène à penser qu’il n’en existe pas !) du comportement humain sur l’environnement. James Cameron en meneur de revue qui nous emballe son didacticiel sous le poids culpabilisant du spectre écologique ! Parce que l’écologie est un vice à la mode. Parce qu’en rentrant chez vous, vous pourrez vous féliciter de ne pas contribuer à l’anéantissement de notre belle planète. Parce que nous devons tous nous montrer solidaires. Ce genre de guimauve poivrée.

L’argument de vente étant dressé et le pitch fédérateur clignotant de tous ses néons, Cameron va alors développer toute une série de points de vue tous plus stupéfiants les uns que les autres. Il nous refait le coup du flower power et de ses adeptes qui se tenaient la main en chantant bien à l’avance « We are the world ». Ce faisant, il noie l’individu dans la masse. Il le rejette au profit de la communauté. Chacun ne parle plus. C’est une voix commune qui doit s’élever. Et elle doit s’exprimer au nom d’un Dieu qu’elle a choisi ! Il existe une force supérieure qui a droit de vie ou de mort sur chacun. Le communautarisme est loué. L’original n’a pas sa place car l’aristocratie a repris ses droits. Ne subsistera qu’une élite, comme nous le disait récemment Roland Emmerich dans son 2012. Et cette bouillie est assurée de la garantie la plus bigote qui soit. Il suffit d’en juger par les corps dénudés de Sigourney Weaver et Sam Worthington dont la Nature recouvre les parties que l’on ne saurait voir, dans un esprit de ne choquer personne et d’éviter tout accroc avec le comité de censure américain. Il en va de même parmi les Na’vis où vous pourrez remarquer que les concepteurs ont inséré des quotas d’afro-extraterrestres !!! C’est tordant. Ce qui l’est moins c’est de savoir qu’une personne comme James Cameron, qui pouvait faire tout ce qu’il voulait après le succès de TITANIC, a pu réussir à insérer dans son film d’aussi contestables perspectives. Ceux qui sont le plus à blâmer dans cette entreprise sont évidemment ceux qui sont en tête de gondole. Evidemment que je ne pense pas ici aux innombrables assistants qui ont contribué de leur mieux en allant chercher les donuts, tous contents qu’ils étaient d’avoir trouvé du boulot. Mais quand on s’appelle Sigourney Weaver, CCH Pounder ou encore James Horner, quelle peut donc être la motivation pour accepter de participer à un tel film si ce n’est un intérêt uniquement égoïste ? Dans ce cas-là, je pense que vous n’êtes tous qu’une bande d’idiots. Et c’est parce que vous êtes complètement inconscients de ce que vous faites qu’il faut se méfier de vous parce que vous permettez aux pires idées d’être véhiculées par la grande porte, la plus légitime qui soit. Je dis cela parce qu’AVATAR n’est rien d’autre que du catéchisme. Ce n’est ni plus ni moins qu’une grande messe ou James Cameron expose ses Tables Sacrées et ses Dix Commandements. Cette manière de faire est connue de longue date. Elle est connue de tous. Tous l’appellent le cinéma de propagande. Et moi, cela me hérisse le poil que d’avoir affaire à des charlatans qui essaient d’imposer une vision unique du monde. Mais le plus terrible dans tout cela c’est que ceux qui auraient très bien pu s’abstenir de travailler sur AVATAR l’ont fait en pensant sincèrement qu’ils oeuvraient pour le bien collectif, pour une grande idée universelle, pour la démocratie, pour la paix. Et c’est pour cela que je dis qu’ils sont dangereux. Parce qu’en oeuvrant pour ces valeurs, ils fomentent cependant leur suppression.

James Cameron se pose donc là. Non, pas là, juste à côté. Voilà. Merci. Avec sa 3D en forme de Père Noël, il arrive à captiver son auditoire qui ouvre de grands yeux ébaubis, tout impressionné et un peu con lui aussi ! Oui, il faut dire ce qui est. S’il considère la 3D comme une révolution c’est sûrement qu’il doit répéter ce qu’il a entendu de-ci de-là. Mémoire sélective qui oublie un peu vite que la 3D date de 1952. Elle fut mise au point par une poignée de personnes influentes qui croyaient qu’elle était le seul moyen d’éviter la mise à mort du cinéma par la télévision. L’origine de la 3D remonte même avant l’invention du cinéma puisque des travaux sur des dessins avaient déjà donné des résultats très étonnants. Mais c’est le principe de l’image polarisée qui a lancé la grande vague de la 3D à partir de 1952, avec des films comme DIAL M FOR MURDER, IT CAME FROM OUTER SPACE, HOUSE OF WAX, THE CHARGE AT FEATHER RIVER, THE MAD MAGICIAN et surtout celui dont nous nous rappelons tous pour avoir été diffusé dans « La dernière séance » : CREATURE FROM THE BLACK LAGOON. Malheureusement, le procédé était trop lourd et commercialement peu rentable (il fallait notamment que l’écran soit métallisé). Il faut attendre une modernisation de cette technique pour qu’une seconde vague 3D fasse son apparition dans les années 80, sans que l’écran ne nécessite d’intervention. C’est ainsi que surgissent : FRIDAY THE 13TH PART III, CAPTAIN EO, JAWS 3-D, AMITYVILLE 3-D, EMMANUELLE IV, PARASITE etc. Aujourd’hui la 3D refait son apparition et entre dans l’ère numérique avec AVATAR, réalisé avec la caméra numérique Fusion 3D. En fait, pour être tout à fait exact, la 3D n’a jamais vraiment disparu. Elle n’a connu que des phases plus fastes que d’autres (sujettes au rythme des innovations techniques), mais des films en 3D ont constamment vu le jour. THE MASK en 1961, THE BUBBLE en 1966, THE STEWARDESSES en 1969, FLESH FOR FRANKENSTEIN en 1973, BLACK LOLITA en 1975, FEI DU JUAN YUN SHAN en 1978, FREDDY’S DEAD : THE FINAL NIGHTMARE en 1991, THIRTEEN EROTIC GHOSTS en 2002, THE POLAR EXPRESS en 2004, MONSTER HOUSE en 2006, BEOWULF en 2007 etc. Ce qu’il faut bien voir, c’est que 2009 n’est pas le renouveau de la 3D par AVATAR puisqu’avant lui pas moins de 13 longs métrages s’étaient chargés de la remettre au goût du jour :

MONSTERS VS ALIENS

CORALINE

BOLT

CLOUDY WITH A CHANCE OF MEATBALLS

A CHRISTMAS CAROL

SCAR

MY BLOODY VALENTINE

ICE AGE : DAWN OF THE DINOSAURS

THE FINAL DESTINATION

ASTRO BOY

G-FORCE

UP

JONAS BROTHERS : THE 3D CONCERT EXPERIENCE

De là à dire que la 3D est un argument de vente imparable... Ce qui est surtout imparable c’est que ces films ont connu des fortunes diverses. Le nombre d’écrans et d’encarts publicitaires alloués révèlent bien mieux l’inéluctable chemin qui leur était tracé.

Ce qui est sûr c’est que nous sommes en plein dans l’œil du cyclone et qu’il va être ardu de se débarrasser des idées bientôt reçues. Car la machine est en marche. Le patron de Dreamworks vient de déclarer : « Dans cinq ans, tous les films hollywoodiens seront en 3D ». Bel effet d’annonce qui rappelle pourtant qu’à chacune des vagues 3D, toute proclamation de cet ordre s’est avérée aussi prophétique qu’une allocution de Paco Rabanne. A l’heure actuelle, la 3D ne relève que du gadget. Ce n’est qu’un élément de décorum d’un film. Une cerise sur le gâteau. Si elle permettait d’améliorer la qualité d’un film, il est fort probable qu’elle serait au point depuis longtemps. Ce qui a beaucoup plus d’avenir, à mon sens, c’est la 3D sans lunettes. Mais si la 3D s’impose il est fort à parier qu’arrivera très vite un moment où elle ne sera plus un élément décisionnaire dans le choix d’un film. Alors, nos chers producteurs pareront leurs films d’autres ornements aujourd’hui délaissés, à commencer par l’odorama. Ca va être sympa la reprise de PINK FLAMINGOS !

En ce qui concerne AVATAR, la 3D n’est pas la grande révolution promise. Après deux années de post-production nous étions plutôt en droit de nous attendre à quelque chose de chiadé niveau technique, et il faut bien admettre que nous sommes loin des côtes bretonnes. Passé le premier niveau toujours un peu magique, nous domestiquons peu à peu la machine et commençons à faire connaissance avec reniflage de séant réciproque. Et c’est là que nous nous apercevons du problème. Lorsque l’image est fixe tout semble fonctionner correctement mais dès qu’un mouvement envahit l’écran, une espèce d’effet de rémanence (dû aux images entrelacées du numérique) empêche toute netteté de l’image, si bien que la 3D s’amenuise et laisse place à un flou pas du tout artistique, une grosse marmelade sans nom qui salope toute la pellicule. Et quand on a payé 8,60 euros plus 3 euros de location de lunettes pour voir qu’on ne voit rien, là, oui, on est en droit de dire qu’AVATAR sent très nettement du cul par la bouche. Et la suite ne va pas démentir notre ressenti puisqu’avec le magnifique joujou que Cameron a entre les mains, il ne va nous offrir qu’une carte postale décorative pas forcément de bon goût. Parce qu’il faut dire qu’il n’a pas lésiné sur les couleurs de synthèse ! C’est vrai que nous sommes loin de l’immonde surtraitement d’un SPEED RACER, mais tout est toujours un peu too much. Comme nous sommes dans de la décoration, cela nous fait penser à ces cadres lumineux avec cascade animée. Nous sommes dans le beauf le plus épais. Du genre Yankee Stadium.

Tout ce que je vous dis là, évidemment personne n’en parle. La presse est emballée et délivre ses étoiles à tout va mais ne fait aucun commentaire sur ce qui est pourtant flagrant.

AVATARTout cela est bien pratique pour notre Cameron, de se retrancher derrière l’argument de la 3D. Il n’offre ni plus ni moins que ce que je mentionnais plus haut : un objet propre à impressionner le spectateur. Parce que la 3D n’est rien d’autre qu’un artifice fashion, au même titre que les effets spéciaux. Avec AVATAR, Cameron livre son lot de tableaux en relief et ramasse les cris de contentement. La base de la 3D étant la sensation, il essaie de placer notre regard là où il n’aurait jamais pu s’aventurer. Parfois il s’autorise quelques objets lancés en direction du spectateur. Mais tout cela n’a qu’un seul et même but, la plupart d'entre vous l’ayant déjà connu en parcs d’attraction. C’est d’ailleurs dans ces lieux que la 3D s’est perfectionnée. S’il est vrai que l’exercice est saisissant dans certains manèges, il ne dure pas plus que quelques minutes, et AVATAR s’éternise sur 2 heures 42 ! Je ne suis pas contre l’utilisation de ce procédé pour ce qu’il est et c’est même parfois plaisant, mais au bout d’un moment, s’il ne se renouvelle pas il tourne à vide. Cette année, dans THE FINAL DESTINATION, la 3D n’a été employée que dans ce même dessein de sensationnalisme. Mais cela a été fait avec beaucoup d’imagination. Le film est d’un intérêt ternaire mais il joue avec les cadres et avec ce qui semble en sortir pour se diriger vers nous. Ainsi, dans une course de voitures, un pneu de détache de l’une d’elles et fonce sur nous ; une balle de golf semble nous tomber dessus ; vu du plafond, un bouchon de champagne est prêt à nous heurter jusqu’à ce que la gravité le fasse revenir au sein de l’écran ; un serpent semble avoir fait de nous sa proie etc. C’est très proche de ce que nous avions pu voir dans FRIDAY THE 13TH PART III, où tous plein d’objets dirigés vers nous désorientaient constamment la problématique de l’action. Tous ces éléments ne participent pas nécessairement à la mise en scène et ne sont là que pour remplir le contrat. C’est pour cela qu’il me semble que ces films sont encore meilleurs en 2D, car s’y installe une bizarrerie de la mise en scène avec des mouvements et des angles qui ne servent à rien et instaurent de suite une étrangeté. La 3D s’est d’ailleurs beaucoup investie au sein de productions fantastiques car elle se fait un devoir de nous surprendre et de nous effrayer. C’est son impact le plus immédiat. Pourtant, il existe une autre utilisation du relief beaucoup plus subtile et intelligente, qui peut participer à la mise en scène. Il m’a été donné de voir récemment DIAL M FOR MURDER d’Alfred Hitchcock dans sa version 3D. Pas Alfred. Quoique. Cela aurait pu s’avérer fort drôle ! J’avais déjà vu le film à la télévision il y a de cela presque vingt ans. Dans sa version plate, donc. N’étant pas un grand fan du réalisateur, ce film ne m’avait pas marqué et je le considère encore aujourd’hui comme l’un de ses plus faibles. Il est terriblement théâtral, vieillot, l’intrigue fonctionne mal, l’exposition s’embourbe et c’est verbeux au possible. Malgré cela, il faut lui reconnaître quelques qualités amenées par le savoir-faire d’Hitchcock, et notamment le visuel, les moments de suspense, les entrées de champ et les périodes silencieuses. Bref, le film se redécouvre volontiers. Avec la 3D, nous nous apercevons qu’Hitchcock a eu une vraie réflexion sur les possibilités qui lui étaient offertes. Dès le début, il exploite à fond la nouveauté du relief. Toute une série d’objets viennent jouer au premier plan. Les bouteilles qui, avant, se voyaient, maintenant se regardent. De cette manière, Hitchcock familiarise petit à petit son spectateur avec le lieu, les personnages, puis son histoire. Malheureusement, j’ai l’impression que cela renforce les longueurs de la scène d’exposition. Passons. Parce qu’au fur et à mesure qu’Hitchcock s’aperçoit des limites de la 3D, il parvient à en découvrir aussi sa véritable richesse. Au lieu de continuer à faire s’extasier le spectateur, il va avoir la grande idée de le faire participer à l’action, il va petit à petit le considérer comme un acteur à part entière de l’histoire. C’est à cela que servent les différents éléments mis en avant. Ils permettent au spectateur de le faire participer peu à peu, de le véhiculer dans chaque pièce pour qu’il se sente un peu comme chez lui, de faire en sorte qu’il ne s’aperçoive pas qu’il devient au fur et à mesure un acteur du film, ou, s’il s’en aperçoit, qu’il ne sache pas très bien quel rôle lui est réservé. Hitchcock a alors mis en place son piège, il ne lui reste plus qu’à agrémenter sa théorie de moments clés qui viendront confirmer que le spectateur est partie prenante. Hitchcock n’a que peu de latitude. Il sait qu’un élément doit sortir de l’écran. Pour éviter tout aspect artificiel, il va utiliser le corps des autres personnages, et mettre le libre arbitre du spectateur à rude épreuve. Voilà qui est bien. Il se sert de notre grande doctrine professée au jour le jour, à savoir que le spectateur est avant tout actif. Comme nous l’avons dit, la 3D qui recherche l’efficacité joue avec son état de soumission. Elle lui fait subir le coup qui s’amorce vers lui. Mais pour exploiter au maximum les ressources du relief, Hitchcock émet l’idée que l’interaction n’est effective qu’à partir du moment où le spectateur a l’intention de s’avancer dans l’écran (lui aussi, j’allais écrire). Pour que cela fonctionne, il se doit de ne pas abuser de ses préceptes et choisir avec attention ces moments qui agiront comme des électrochocs. Ainsi, lorsque Grace Kelly se fait attaquer, la main qu’elle tend vers le spectateur résonne comme un appel au secours, une main qui appelle la nôtre, qui implore notre aide, qui cherche une réaction de notre part. C’est une réaction d’impuissance qui nous parcourt, de culpabilisation, de rancœur aussi envers la perversité de la situation qui nous est proposée, bien loin du caractère terrible car inéluctable, mais complètement détaché, que la 2D nous dictait. Pareil lorsque Ray Milland et Robert Cummings exécutent leur plan avec minutie. Le spectateur est sommé de prendre position. Idem lorsque la clé nous est tendue en fin de film. Il y a un jugement moral, il y a une possibilité d’action, il y a un choix et il y a toutes les conséquences qui en découlent. C’est ce qu’offre DIAL M FOR MURDER en 3D, c’est-à-dire une lecture complètement différente de la version standard.

Il existe donc bien d’autres possibilités pour la 3D que le seul décorum dont semblent user la plupart des réalisateurs. Ses véritables enjeux sont là : forcer le spectateur à prendre part à l’action au lieu de la lui faire subir. Mais à aucun instant James Cameron ne met cela en pratique dans AVATAR. Il faut dire qu’il n’utilise vraiment pas grand-chose du kit de survie du petit réalisateur en milieu hostile. Ne serait-ce qu’un peu de montage. Ce n’est pas bien compliqué et vous pouvez toujours masquer un bon nombre d’erreurs ou de manquements dès lors qu’il fait suite à une idée de mise en scène. Sorti le même jour, WHERE THE WILD THINGS de Spike Jonze évite les excès de spectaculaire (ce qui est assez déroutant pour un scénario de la sorte), mais il combine un tel sens du montage (bravo James Haygood et Eric Zumbrunnen) que James Cameron aurait tout intérêt à le visionner consciencieusement. Regardez ne serait que l’une des toutes premières séquences du générique, lorsque Max Records joue avec son chien. Saisissez comme le titre vient se greffer sur l’image en pleine action (la place qu’il occupe sur l’image et la forme de l’écriture). Voilà ce que l’on appelle de la fulgurance. Ce qu’il manque et tant d’autres choses à AVATAR. Le hiatus fait mal.

 

            Bonus de fin d’année. Les 10 meilleures affiches de films sortis en 2009 dans la colonne de gauche, les 10 pires dans la colonne de droite.

 

KYNODONTAS     SABLE-SUR-SARTHE, SARTHE

TETRO     POUR UN FILS

NOS DESIRS FONT DESORDRE      UN ALLER SIMPLE POUR MAORE

THE PLEASURE OF BEING ROBBED     AQUELE QUERIDO MES DE AGOSTO

PERL ODER PICA     TOUS LES HOMMES SONT DES ROMANS

THE SQUARE     DANCE FLICK

FLASH OF GENIUS     SAFARI

REVOLUTIONARY ROAD     MOTHERHOOD

THE WRESTLER     I AM BECAUSE WE ARE

A L'ORIGINE      LE SEMINAIRE

18 décembre 2009 5 18 /12 /décembre /2009 01:33

            La plus grande arnaque jamais mise en œuvre ce n’est pas le bug de l’an 2000 qui devait tout faire sauter, ni les O.G.M. qui devaient résoudre la faim dans le monde, ni la guerre en Irak déclenchée pour trouver des armes de destruction massive, ni le réchauffement climatique, ni le suicide de Pierre Bérégovoy, et encore moins Bernard Diomède parmi les champions du monde 1998. Non, la plus grande arnaque jamais mise en œuvre c’est la machine à écrire. A part cet objet et Louis Garrel, Dieu a plutôt bien fait les choses. Parce qu’il faut bien dire ce qui est : s’il y a bien quelque chose qui ne sert à rien, c’est la machine à écrire. Ah bon ? Moi, j’aurais dit Louis Garrel… C’est la plus mesquine de toutes les machines. D’ailleurs, elle ne mérite pas cette appellation. La machine à laver, elle, bosse sans minauder. Que ce soit pour le linge ou la vaisselle, il suffit d’appuyer sur un bouton et elle fait le boulot. Idem pour la machine à pain. La machine à bulles fait ses bulles tranquillement dans son coin dès lors que le bouton marche est actionné. Mais la machine à écrire ? Vous avez beau la poser en plein milieu de votre table, le roman ne s’écrira jamais tout seul. Belle escroquerie ! C’est définitif, mon désamour avec la machine à écrire est désormais consommé. Quand on pense qu’elle a entraîné la machine à coudre dans son sillage ! Voilà même qu’au fil des ans la technique s’est emparée de la chose et qu’elle a donné naissance au clavier. Enfin… C’est toujours rassurant de savoir que l’ordinateur a l’intelligence de celui qui s’en sert.

            Cinéma en salle. Séance de 20 heures. Je me rappelle pourquoi je ne vais plus voir les films à cette heure-là. Marre de la beaufitude de ces rustres qui amènent leurs couverts et mangent leur salade pendant les bandes-annonces. Le cinéma et ses spectateurs évoluent-ils au même rythme ? Je crains que l’aide qu’il leur dispense ne soit pas celle qu’il vise.

Le film : LE VILAIN d’Albert Dupontel, mais l’affiche dit d’un air facultatif : « LE VILAIN - Un film de Albert Dupontel ».

Eh bien, mes amis, le moins que l’on puisse dire c’est que « La lumière vient du fond » reste le plus fort, le site ultime de référence, celui qui résonnera encore dans toute la galaxie lorsque la guerre nucléaire aura fait rage. Je sais, c’est un peu démotivant pour ceux qui ont et auront toujours une mimolette de retard, ceux-là même qui veulent imposer un contrôle pour voir si je ne me dope pas. Cette vile bassesse ne me fera jamais nier. La drogue n’est pas interdite dans le processus de création artistique, et c’est bien ce qui prouve une fois de plus que les plus cons dans tout cela, ce sont encore ces pédés de sportifs !

L’objet de notre dernier article concernant le cinéma de Albert Dupontel (qui se clique ici) vous le représentait sous l’angle le plus juste qui soit et que LE VILAIN corrobore avec faste. Dupontel fait des films de superhéros. Et c’est en s’inspirant du film UNBREAKABLE de M. Night Shyamalan que lui est venue l’idée de LE VILAIN. Il s’entoure donc de une équipe de choc, choisit Samuel L. Jackson pour incarner la maman invincible, le grime en conséquence et le blanchit un peu pour faire plus couleur locale. Et les maquilleurs ont mis la main au panier parce que pour le reconnaître, le Samuel, faut vraiment être de mauvaise foi ! Mais disons que, de une manière générale, pour tous les comédiens, ils ont bien bossé, tant et si bien que des rumeurs ont commencé à naître sur la Toile, révélant que ce serait en fait Eddie Murphy qui jouerait tous les rôles. Rien ne permet pourtant d’être catégorique…

Le principe est très vite annoncé. Samuel L. Jackson le dit lui-même, la mort ne veut pas de lui. Et les faits viendront justifier cette affirmation, rompant tout soupçon quant à la sénilité qui guette son auteur (l’accident du camion dont il réchappe miraculeusement, la chute dans l’escalier suivie de son horloge qui lui tombe dessus en sonnant l’heure de sa mort mais en fait non…) C’est donc un superhéros, il n’y a point de doute, et comme tous les superhéros il a des superpouvoirs. En l’occurrence, il a mis au monde un enfant (c’est Albert Murphy). Qui plus est, il lui a transmis des superfacultés. Difficile de savoir exactement lesquelles mais ce qui est très clair c’est qu’il est doué pour éviter les balles qui fusent en sa direction (c’est ce que nous dit la scène où il est poursuivi jusque dans la banlieue pavillonnaire ou gît la mère Jackson). Toutefois, il va quand même se prendre une balle dans l’épaule droite, habileté scénaristique destinée à nous informer qu’en dépit des puissances qu’il possède, celle de être immortel ne lui a pas été transmise.

Le décor est planté. Dupontel s’échine toujours à composer un monde non réaliste. Nous voilà transbahutés entre différents effets humoristiques allant du jeu de mots au cartoon enjoué. Le rythme est soutenu. Pour faire en sorte que son film ne piétine jamais (ce qui serait le cas si le rythme restait tel du début à la fin), Dupontel se ménage des phases d’accalmie qui vont jouer le rôle de rampes de lancement pour les moments plus soutenus. Du coup, le film est plus qu’agréable dans son fonctionnement primaire. Un peu de montage vient relever l’ensemble. Bref, nous sommes bien loin de la Norme Française et c’est tant mieux. L’histoire n’a plus qu’à nous livrer ses codes secrets. Deux superhéros. L’un qui peut mourir. L’autre qui cherche à le devenir. Le synopsis est prêt à nous guider sur les voies de l’ascendance sociale, chère à notre Albert.

LE VILAINAlors, nous avons pu entendre beaucoup de choses très contradictoires à propos de ce film et notamment qu’il annonçait un Albert Murphy plus méchant que la moyenne. Finalement, le film n’est pas si méchant que ça et révèle même une morale du méchant au cœur en sucre d’orge. Evidemment, comme à chaque fois que la critique s’en prend à un film qu’elle n’a pas compris, elle préfère parler du film qu’elle aurait aimé voir et non de celui qu’elle a vu. Et c’est dommage car si elle avait été attentive au lieu de feuilleter son dossier de presse, elle aurait remarqué que la méchanceté n’est jamais une composante des personnages principaux chez Dupontel. Si nous sommes dans l’affrontement de superhéros à la manière de UNBREAKABLE, ce n’est pas parce que Samuel L. Jackson campe une vieille personne éminemment bonne (à la manière du couple Catherine Jacob/Eric Prat dans TATIE DANIELLE) qu’à l’opposé Albert Murphy doit être obligatoirement méchant. Et le titre du film dit bien qu’il est vilain. Même s’il est vrai qu’une certaine cruauté anime Albert Murphy, ce qui l’intéresse avant tout c’est le jeu. Il traverse la vie comme dans un jeu vidéo (petit retour à la scène de braquage qui introduit son personnage). Cinématographiquement, le parti pris est forcément intéressant. Et le jeu c’est donc l’ascendant qu’il peut prendre sur quiconque, à commencer par ses camarades de classe, comme le montrent les trésors de guerre qu’il retrouve dans la trappe de sa chambre. L’essence d’un superhéros est de être le plus fort. Et Albert Murphy veut montrer sa supériorité mais aussi entendre dire par ses adversaires qu’ils sont plus faibles. Parce qu’aujourd’hui il ne sert à rien d’être le plus fort si les autres ne sont pas les plus faibles.

LE VILAIN est un film très très drôle. Porte de sortie réjouissante de ce cinéma français qui abhorre la prise de risques et vit de ses subventions. Les difficultés avec lesquelles Dupontel monte ses films synthétisent parfaitement l’impasse dans laquelle le cinéma français se trouve acculé. S’il est vrai que BERNIE reste son chef-d’œuvre en terme d’humour, LE VILAIN doit énormément à l’écriture de Dupontel ainsi qu’à l’interprétation d’une grande partie des comédiens. Et Nicolas Marié en tête, livrant une composition de médecin complètement loufoque. S’il est exact que son personnage de vieux médecin alcoolique aux cheveux ébouriffés, à la carrière prometteuse brisée du jour au lendemain, devenu à moitié fou depuis, n’est pas un parangon de originalité, ce n’est cependant pas un motif de reproche car Albert Dupontel aime jouer avec ces clichés. C’est lorsque le comédien étoffe son personnage qu’il prend une couleur plus intéressante. Il amène tellement de souplesse dans son interprétation qu’il semble ciseler petit à petit toutes ses caractéristiques autant physiques que psychologiques. Si l’on ne s’arrête pas à son apparence première mais que l’on essaie d’approfondir les détails de son interprétation l’on peut découvrir quelques trésors de interprétation comme en témoigne son regard habité, passant du brouillard le plus épais à l’exaltation la plus pure. Tout semble amené l’air de rien. De la première pression à froid ! Ses scènes sont un délice. Albert Murphy, lui, est un comédien hors pair, parmi les plus grands que nous ayons en France, il est cependant assez bizarre de noter qu’il sert mieux ses acteurs. Nous avons constamment la sensation qu’il en garde sous la semelle (c’est valable dès l’écriture). Curieuse attente de une frénésie qui ne viendra jamais. Albert Murphy est extrêmement doué, il pourrait sans nul doute s’autoriser plus de place. BERNIE prouve que ce ne serait pas trop.

Ce qui nous laisse plus sur notre faim est la mise en scène. Etonnant de constater que le réalisateur ne progresse pas tant que cela et déguise toujours ses films des mêmes lacunes. Nous avons parfois droit à des plans avec une lumière joliment sculptée, puis des plans étrangement moins beaux. Parfois il cherche à surcomposer le cadre, les axes se succèdent sans cohérence, des plans viennent « mordre » le champ/contrechamp des retrouvailles etc. Tout cela provoque une réalisation de guingois, très priceless. C’est la marque de fabrique Dupontel. Pas que nous aimerions la voir changer, mais évoluer (comme nous le disions). Car tout cela semble mené par une réalisation qui sait très bien où elle veut aller, mais usant d’un dispositif qui la sublime peu. C’est très habile. Mais plus décoratif, voire pédant, que complémentaire. Du cinéma qui manque de constance et d’homogénéité. Mais du cinéma quand même, à défaut de se la jouer kaiser façon west coast.

            Dans la présélection des courts métrages en route pour les prochains César, l’occasion nous a été donnée de renforcer notre profonde conviction que l’originalité n’est jamais à l’honneur, que l’on n’encourage pas les jeunes réalisateurs à faire des films avec des morceaux de cinéma, et que le court métrage est sûrement un bien meilleur refuge que le long pour ceux qui n’ont rien à dire. Lorsque je m’occupais de la programmation d’un site Internet qui vend des films en V.O.D., je me suis confronté à cette cohorte de jeunes réalisateurs de tous bords, forgés au feu de la persévérance. Ce qui fait peur c’est qu’ils sont partout. C’est un étudiant de la F.E.M.I.S., c’est un parfait autodidacte, c’est celui qui a gagné un prix dans un sombre concours, c’est la personne que vous croisez dans la rue, c’est votre tante, c’est un employé de La Poste qui témoigne de sa fainéantise en faisant des plans fixes, c’est un chien, c’est un personnage des Sim’s etc. Bref, aujourd’hui on tourne un court métrage comme on se fait faire un tatouage. Et inutile de vous dire que le résultat n’est pas franchement cordial. Le nombre de fois où je suis passé en mode berserk ! Car le pourcentage de films à sauver est encore plus infime qu’en ce qui concerne les longs métrages.

Non seulement ceux qui sortent des écoles n’ont pas été formés à développer leur univers mais à répondre à des concepts d’exigence idéologique. S’il n’est pas nécessaire d’avoir tourné de bons films pour enseigner le cinéma, il n’empêche que nous souffrons maintenant d’un déficit de perpétuation de l’espèce. Et donc, en plus de cela, cette ancienne génération de réalisateurs qui ont assommé le cinéma français à coups de massue à chacun de leurs opus, à donné naissance à une nouvelle race obscure qui croit qu’il suffit d’acheter un téléphone portable pour s’autoproclamer réalisateur (encouragés qu’ils sont par cet immonde Festival Pocket Films).

Heureusement l’Académie des César voit tous les courts métrages et sélectionne la crème de la crème ! Et là, je pense wakizashi…

LES WILLIAMS1. C’EST GRATUIT POUR LES FILLES de Claire Burger et Marie Amachoukeli

Cela renifle les comédiens amateurs et l’improvisation. La direction d’acteurs est plutôt précise à grands coups de Pialat dans la tronche, des phrases qui s’entrecoupent, de l’approche documentaire qui évite de se poser des questions existentielles sur la mise en scène (ce qui se vérifie par le nombre de plans rapprochés)… Tiens, tiens ! Les réalisatrices sortent de la F.E.M.I.S. !!! Oh, je vous vois venir… Chut ! Ne me faites pas dire ce que j’ai pensé !

Vous repasserez évidemment pour la photo, le son, l’amour du geste et le pourboire. Les deux fautives s’axent sur leurs comédiens et leur scénario. Pendant ce temps, le cinéma se fait la malle. On a des choses à revendiquer sur la jeunesse d’aujourd’hui, on vous en ressert une louche de réalisme social…

A la fin de la projection, je m’engonce dans mon fauteuil espérant qu’ils ont sûrement ouvert par le plus terrible. C’était en fait l’un des moins pires.

2. VOYAGE AUTOUR DE MA CHAMBRE de Olivier Smolders

Dépaysement total pour ce film qui nous fait voyager sans changer d’endroit. Le film démarre plutôt bien. Il semble surgir de brumes abstraites. Images fixes. Voix off. Mais la mutation ne vient pas. Il reste confiné à sa première idée. Sa seule. Son unique. C’est un problème récurrent parmi ces films : les réalisateurs se contentent d’avoir trouvé une idée qu’ils exploitent jusqu’au bout pour nous vendre leur film-tapisserie. Plus le film avance et plus sa fin s’éloigne. C’est verbeux, littéraire, pompeux et ennuyeux.

Pendant 26 minutes, je regrette d’avoir dit du mal de SHOOT ‘EM UP !

3. LILA du Broadcast Club

Belle surprise. Des images d’anonymes en vacances au Pyla, rien qu’avec des chutes de films. Sur une musique pêchue et organique (très bon choix !). Un format 1.33 magnifique, arrondi sur les angles. Les réalisateurs en font une utilisation diablement valorisante en utilisant goulûment la profondeur de champ. C’est amusant, entraînant et très émouvant. Le montage calqué sur la musique crée une belle alchimie. 12 minutes seulement. La longueur ne fait rien à l’affaire. Comme disait la jeune mariée.

A la fin, quelques indications viennent s’apposer sur l’image, précisant le lieu et les dates au cours desquelles le tournage s’est déroulé. Au-delà du rapport diapositives/clips/documentaire, le film se termine en forme de publicité. C’est dommage. S’il y a bien une chose qui n’apporte rien ce sont ces précisions ! Dire que le reste du film était parfait !

4. LA RAISON DE L’AUTRE de Foued Mansour

Ah ! Revoilà le cinéma social et sa guimauve. Les sans-papiers sont nos amis, il faut les aimer aussi ! Crée un parti, Foued, moi je suis venu pour voir du cinéma.

5. LA HARDE de Kathy Sebbah

Alors là, il faut bien dire que le projectionniste du Balzac a déconné. 1 heure et quart de projection et gros coup de mou pour Giovanni. Ca peut se comprendre. Je ne sais pas ce qu’il a fait, s’il a interverti les bobines ou pris un vieux film diffusé au Festival du C’est Pas Comme Ca Qu’On Doit Faire, mais il faut bien avouer que LA HARDE a considérablement amenuisé l’intégrité de notre système immunitaire.

Des jeunes en voiture. Avec un fusil. Bon, pourquoi pas. On sait que le coup va partir avant la fin. Reste à savoir sur qui. Ils roulent sur une route. Bon. Jusque-là niveau suspense on s’est un peu foutu de notre gueule. Mais voyons la suite. Ils traversent une forêt. Sur la route, dos à eux, un homme marche. Il porte des câbles ou des tuyaux, je ne sais plus. En tout cas, ce ne sont pas des verres filés de Murano. Il n’a pas l’air avenant. Patibulaire. Rien de sympathique. Méfiance. Il porterait un t-shirt Hard-Rock Café que ce ne serait pas étonnant. Evidemment, les jeunes font ce que vous auriez fait, lecteurs amicaux, ils lui proposent de le déposer quelque part. Ah, le film avance ! Nous venons d’apprendre beaucoup de choses et notamment que ces bolosses n’ont jamais vu de films d’horreur. Je commence à espérer secrètement qu’ils le regrettent. Ils prennent donc l’homme avec eux dans la voiture, font un bout de brousse ensemble. Puis, ils s’arrêtent. Ils vont en profiter pour marcher un peu dans la forêt. Ils prennent le fusil avec eux. Mais pas le bonhomme. Ils marchent dans la forêt. Là, c’est le moment qu’a choisi le réalisateur pour laisser une pause au spectateur. Il peut s’endormir s’il le souhaite. Si j’avais su ! Les jeunes, quant à eux, continuent à marcher dans la forêt. Apparemment, ils aiment marcher dans la forêt. Puis, c’est la pause pour les comédiens. Ils se baignent dans un lac. Malheureusement, l'un d'eux nage comme un petit Grégory et manque de se noyer. C’est alors que surgit notre auto-stoppeur que nous commencions à oublier. Il sauve le jeune gars. Il gagne alors le droit de marcher dans la forêt avec eux. Apparemment, lui aussi aime ça, marcher dans la forêt. Ensuite, ils tombent nez à nez avec un troupeau de Bambi. C’est le moment de tuer. L’un des jeunes prend le fusil et tire sur un Bambi. Il le tire mal. Bambi n’est pas mort. Bambi souffre. Le bonhomme louche se rue alors sur le fusil, s’en saisit et tue Bambi, mettant ainsi fin à cette angoissante question restée en suspend depuis 2003 à cause du film de Gilles Marchand : QUI A TUE BAMBI ?

6. SEANCE FAMILIALE de Cheng Chui Kuo

Film avec des asiatiques, donc comique. Petit twist à la fin, un peu senti venir, mais le film bénéficie d’un scénario sympathique et d’une mise en scène affûtée. Nous aimerions que le film soit un peu plus gourmand, mais le réalisateur évite les effets de style qui auraient pu jouer contre lui. C’est déjà ça.

Un joli moment. Un peu trop sage. Une sorte d’essai transformé qui laisse présager un avenir prometteur. A suivre.

7. LE FEU, LE SANG, LES ETOILES de Caroline Deruas

Chouette, une publicité pour Perrier ! J’aime bien les publicités pour Perrier ! Ah non ! En fait, c’est un film anti-Sarkozy. Un film de propagande. Un vrai. C’est de bon goût dans les milieux artistiques, paraît-il, de taper sur Sarkozy. Pour lui donner un cachet intellectuel Rive Gauche c’est tourné en noir et blanc avec intertitres brefs, généraux et universels.

Ah, au fait, le film a été tourné dans la foulée de l’élection de notre président pour bien retranscrire le dégoût que la réalisatrice-citoyenne a éprouvé, des fois qu’elle oublie, la semaine d’après. A part ça, Sarkozy est un salaud…

J’ai bien fait de me lever tôt, moi.

8. MEI LING de François Leroy et Stéphanie Lansaque

Très bon film d’animation. Il est question d’un amour impossible entre une asiatique et une pieuvre. Des scènes très courtes. Un graphisme enjôleur, les matières sont charnelles, les couleurs sont envisagées sous forme de textures, une belle part attribuée au son et à la musique. Bref, ça bosse dur pour nous offrir ce petit film à l’atmosphère étrange et terriblement érotique.

Un grand bravo à ces réalisateurs qui ne peuvent être qu’humbles et polis.

9. LES WILLIAMS d’Alban Mench

Jacques Bonnaffé et Denis Lavant règlent leurs comptes autour d’un chien qui exacerbe la véritable nature de leur amitié. L’écriture amène quasiment à chaque phrase un nouvel élément d’appréciation quant aux personnalités de chacun, de ce qu’ils ont vécu et de la situation en devenir. Tout s’emboîte parfaitement. Et vers une comédie poussée jusqu’à l’absurde. De jolies trouvailles. Des moments extrêmement drôles. Alban Mench nous régale de quelques pépites de mise en scène (facile, c’est quand il filme ce qui n’est pas écrit !)

Les deux comédiens arrachent leur personnage du scénario pour l’emporter vers des dimensions opposées d’autant plus qu’un casting inversé était en apparence plus évident. Alban Mench opte aussi pour une photographie très (trop ?) contrastée. Je ne suis pas sûr que ce soit un bon choix. L’image accroche un peu et nous en ressortons légèrement barbouillés. Quoi qu’il en soit voilà enfin un cinéaste qui a de l’humour, qui ose s’aventurer sur les chemins de l’irrationnel. Talent d’écriture indéniable.

10. MONTPARNASSE de Mikhaël Hers

J’avais oublié le fameux théorème qui dit que dans une sélection de courts métrages, le plus long est toujours le plus chiant. Sans ça, ce ne serait pas drôle.

57 minutes quand même ! En plus ce n’est pas 1 mais 3 courts au même menu. Qui se ressemblent tous, bien évidemment. Avec en fil rouge quelques plans du quartier Montparnasse vu que c’est le titre du film, histoire de se donner une raison de cohabitation. Montparnasse mal filmé. Aucune idée derrière ces plans. Quel est le but du réalisateur ? C’est flou. Les personnages tiennent des dialogues d’une banalité affligeante. Ils évoquent des personnes ou des événements qui nous sont étrangers, ils ne nous laissent pas le temps de faire connaissance, enchaînent très vite, ne s’éternisent pas, parlent de tout et de rien, jouent aux grands délicats… J’aurais mieux fait de me faire ensevelir sous un tas de fourmis rouges.

Vous l’aurez compris, le montage est purement fonctionnel, et moi je dis que lorsqu’il n’y a pas de montage, il n’y a pas de film. C’est l’étape qui le différencie des autres arts. Sauf que ce n’est pas ce que l’on apprend à la F.E.M.I.S.

Sans trop vouloir jouer les Candide, il faut reconnaître que l’intérêt du film n’est pas dans ses dialogues, mais dans les non-dits, ce qui affleure et n’ose pas être exprimé. Tout cela, ce sont de belles intentions, mais à ne rien vouloir exprimer Mikhaël Hers rate son film. Ce dernier s’isole dans la timidité, ne se trouve pas, ne s’incarne jamais (les comédiens sont constamment dans le même ton) et fait pleuvoir des parpaings. Vous comprenez, au cinéma l’ennui n’est d’aucun intérêt si vous filmez quelqu’un qui s’ennuie. Mikhaël Hers ne semble pas s’en préoccuper et construit son film comme un exercice de style rébarbatif et assommant. Il a beau s’échiner à diriger ses comédiens dans la subtilité, celle-ci ne fait jamais le jeu d’un quelconque intérêt scénaristique. Ce qui l’intéresse c’est uniquement la recherche du réalisme le plus juste. Elément extérieur à toute transposition.

11. MASQUES de Jérôme Boulbès

C’est le meilleur film. Et aussi le plus court. Conclusion ?

Déjà, en 2006, avec ECLOSION Jérôme Boulbès avait fait montre d’un grand sens de la maîtrise et de la concision. Aujourd’hui il récidive avec un film brillant, absolument somptueux. Travaillant toujours sur l’abstrait, il nous livre une mise à mort flamboyante, véhémente, joliment teintée d’ironie, et qui en dit long sur la soif du spectateur. La mise en scène exploite méticuleusement mouvements, musique et montage. Du cinéma de gourmet. 

 

12. ¿ DONDE ESTA KIM BASINGER ? d’Edouard Deluc

Rien qu’avec un titre pareil nous avons envie d’aimer ce film.

Petit détour chez l’espèce la plus proche de l’homme : les argentins. L’histoire se déroule à Buenos Aires. Deux frères y débarquent. Le premier c’est Philippe Rebbot, grand escogriffe à mi-chemin entre Jacques Tati et Pierre Richard. Son physique est un atout imparable à sa composition de touriste fraîchement débarqué. L’autre c’est Yvon Martin (qui faisait la publicité des Knacki Ball) et qui est résolument dépressif à la suite d’une rupture sentimentale. La ville s’offre à eux et c’est parti pour profiter au maximum des promesses de la capitale. Un des principaux moteurs comiques du film est que nos deux compères ne savent parler la langue locale que très moyennement. Ils usent donc d’un françaispagnol hilarant, utilisé avec parcimonie mais toujours dans des moments charnières. Pas une seule facilité humoristique, une belle exploitation de ce tandem improbable et des situations loufoques. Une grande impression de simplicité se dégage de l’ensemble. Ainsi voyage le cinéma qui est serein.

            Je lis Geluck et son Chat qui dit : « Dieu a créé l’homme et ensuite, pour le remercier, l’homme a créé Dieu. » Il ne lui aura fallu que quelques mots pour résumer ce que je viens d’étaler tout au long de cet article, à savoir : les chemins de soi ne sont pas des routes illuminées.

6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 21:55

            On ne s’en sortira pas ! Si tout continue de la sorte, c’est sûr, c’est la catastrophe planétaire assurée. Pas faute pourtant d’avoir été prévenus le mois dernier par ce grand pamphlétaire américain et prédicateur de renom qui ne cesse de nous alerter depuis des années sur la tenue plus que proche des Etats Généraux de l’Extinction de La Race Humaine et c’Est Bien Fait Pour Sa Gueule et Que De Toute Façon Il n’Y Avait Pas d’Autre Issue. D’autant plus que tout cela ne date pas d’hier, puisque ce sont ces grands fabricants de miel que sont les Mayas qui ont eu la riche idée de le révéler au monde entier. Jolie preuve qu’il n’est pas nécessaire d’avoir inventé la machine à flamber les bananes pour prendre conscience qu’on ne s’en sortira pas si les critiques officiels continuent à ne pas faire leur travail et à créer du talent là où il n’y en a pas.

Roland Emmerich promet l’apocalypse pour 2012 si l’amalgame se poursuit et qu’il ne mène pas de manière scientifique sur le chemin de la clairvoyance la plus honnête. Ne nous attardons pas trop sur la facture de cette énième divagation d’un pseudo artiste qui ne fait que projeter sur nous sa propre angoisse de la mort. Mais pas n’importe quelle mort. La mort la plus radicale, celle qui est définitive, celle qui foudroie tout sur son passage, celle qui ne laissera aucun témoignage de sa victoire totale. Bref, en grattant avec une pièce de monnaie vous verrez apparaître le délire monomaniaque d’un réalisateur dont la crainte au-delà de sa mort est de n’avoir existé sans avoir servi à quoi que ce soit. Bon, on a la clairvoyance, c’est déjà un bon début, non ?

Techniquement parlant, 2012 c’est le cinéma de l’excès.

Surenchère perpétuelle. Démoniaque. Perverse. Capitaliste. Si une femme vous demande d’y aller plus fort, plus profond, encore plus profond, toujours plus profond, arrêtez-vous là car, l’instant d’après, il est fort à parier que vous vous retrouviez à l’intérieur. Petite mésaventure dont témoigne aujourd’hui Roland Emmerich. 2012 va plus fort, plus loin, plus longtemps, met un pied dedans, puis deux, puis s’y retrouve plongé jusqu’à plus soif. Le grand mal de ces films qui ne s’autorisent aucune limite. Or, ce sont les limites qui fixent votre liberté et par-là même votre globalité. La contrainte est le salut de l’artiste. Sans quoi chacun bâtit les murs de sa propre prison (philosophie développée récemment dans le plus qu’intéressant A L’AVENTURE, dernier film en date du méprisé Jean-Claude Brisseau). Pour exploser toutes limites, la règle d’or de ces films d’action est d’avoir un recours immodéré aux effets spéciaux. Et voici que pas moins de 16 sociétés spécialisées affublent 2012 d’un linceul volumineux, surchargé jusqu’à la nausée.

Résultat : le film est maquillé comme un compte suisse. Tout pour l’effet. Roland Emmerich séjourne dans le cul du cinéma. Et ce dernier est constipé.

En dépit de l’abjecte philosophie que développe ce film national-socialiste, à savoir le sauvetage d’une élite de la population en vue de la refonte d’une nouvelle société, 4 millions de spectateurs français (plus de 150 millions de dollars amassés rien qu’aux Etats-Unis) sont déjà allés soutenir ce défilé de mode. Comme quoi nous ne voyons bien que ce qui nous arrange, et la réalité d’un film n’est jamais celle que l’on décide. C’est ainsi que les critiques conçoivent la malhonnêteté du rôle qu’ils ont à tenir, et que ces glissements progressifs annoncent leur mue prochaine en séismes de grande amplitude.

Ce qui est le plus frappant avec 2012 c’est son caractère erroné, dispensé bien avant sa sortie. En effet, pour peu que l’on s’intéresse à ce fameux calendrier Maya, on s’aperçoit très vite qu’il n’est rien qui permet de conclure à la fin du monde en 2012. Ce n’est juste qu’une simple interprétation (suite à des erreurs de traduction et de calculs), comme il a pu y en avoir concernant les écrits de Nostradamus, de Paco Rabanne ou des frères Bogdanov. En somme, le calendrier Maya n’a rien de mystique et la culture de cette civilisation ne s’appuie que sur une rationalité implacable. Les Mayas n’ont jamais prédit la fin du monde en 2012 ! Il était donc intéressant de voir un film qui prétend mettre en forme une prophétie inventée et impossible à défendre (pourquoi pas ? Diam’s vend bien des disques !). Qu’à cela ne tienne si le cinéma n’est affaire que de fiction ! L’affaire devient plus dérangeante lorsque le film est vendu comme le produit de sa démonstration et que son réalisateur parade comme l’adepte d’une secte d’illuminés. Confirmation de facto de ce que nous avancions plus haut : 2012 n’est qu’un film de propagande, estampillé nanar de luxe, un peu idiot et surtout très peu convaincant (ce qui est un comble).

Il paraît que les grands cinéastes, ceux dont le génie les rend incontestables, sont tous des visionnaires. Attiré par les dorures de ce titre, Roland Emmerich nous prouve qu’il peut faire partie de ce cercle très fermé. Nous pourrons dire qu’il nous l’avait annoncé : 2012 est véritablement un film catastrophe.

            En signe de protestation (et aussi un peu parce que plusieurs points de suture m’y obligent) « La lumière vient du fond » est fière de vous annoncer que l’intégralité de cet article est rédigée avec une seule main. Fallait pas me chercher ! Je suis capable de tout, moi !

            A croire que la critique fomente cette fin du monde eschatologique. Si nous nous référons à la sortie de VILLA AMALIA, elle s’est une nouvelle fois distinguée par sa promptitude à servir des offrandes aux Dieux qu’elle érige et que nous sommes obligés de supporter du fait de leur sacralisation ad vitam eternam. Elle fait et défait les réputations en fonction des jours ouvrables, de la tête du client, du coefficient de notoriété, de l’indice de remerciement dont le cinéaste aura fait preuve envers elle, de l’amplitude du champ magnétique terrestre, dunuméro de série des véhicules conduits par Jacky Ickx et de l’indice de masse graisseuse de Valérie Damidot. C’est pour cela que nous en sommes encore à supporter du Jean-Jacques Annaud et autres Jacques Rivette. Mais avez-vous remarqué comme elle passe sous silence Abel Ferrara, lui qui fut jadis porté au pinacle ? Et cela pour ne prendre qu’un seul exemple. Il en va comme cela de la critique française. Pour en faire partie il est préférable de chercher à dire quelque chose d’original plutôt que d’avoir un point de vue intéressant à développer. Les personnalités ne comptent plus. Vous pouvez en faire l’expérience en regardant chaque semaine « Ca balance à Paris » sur Paris Première.

Benoît Jacquot, lui, s’accommode de tout cela pour continuer à nous abreuver de son cinéma exsangue, lénitif et cloîtré. Je crois que nous n’avons jamais parlé de lui et pour cause, il faut avoir sacrément des heures à perdre pour entreprendre sa filmographie. A mon actif : LA DESENCHANTEE, LA FILLE SEULE, LE SEPTIEME CIEL, LA FAUSSE SUIVANTE, L’ECOLE DE LA CHAIR, PAS DE SCANDALE, SADE et ADOLPHE. Enfin une liste qui ne fera aucun jaloux !

La voici donc cette fameuse Norme Française !

Celle qui fait du cinéma français la quintessence de l’emmerdomorphisme passionnel, juste retour des choses d’une grammaire suffisante, fainéante et plus que jamais falote. Benoît Jacquot écrit son nano cinéma à l’encre de sa complaisance. Il cristallise tous les maux d’un cinéma à qui l’on reproche de ne pas s’être encore affranchi de la Nouvelle Vague. Le problème avec cet héritage c’est qu’il devient difficile de savoir ce qui peut s’en rapprocher de ce qui ne le caractérise en rien, tant le cinéma français a prétexté s’inspirer de ses auteurs sans en comprendre forcément ses principaux composants. Et Benoît Jacquot n’a rien à voir avec tout ceci. Benoît Jacquot c’est le retour en arrière d’une forme contre laquelle la Nouvelle Vague luttait, mais qu’elle n’a pas réussi à éradiquer. Pourtant, il fait partie de ce groupe susnommé car l’amalgame dont nous parlions aboutit aujourd’hui à considérer détenteurs de l’ordre de la Nouvelle Vague et Promoteurs de la Qualité Française comme partisans d’une seule et même idéologie. Ce qui se vérifie annuellement lors des films de fin d’étude de la F.E.M.I.S, concentration excessive d’œuvres académiques, où tout se confond tant soit peu que rien ne déborde de ce savoir-faire conservatiste et grégaire, qui tombe sous le coup du label « chiantissime ». L’une des principales raisons à cela est que, dans cette école, il est bien plus facile d’apprendre à réaliser des films selon des critères prédéfinis, puisqu’on n’y enseigne aucunement la mise en scène (chose obscure qu’il vaut mieux laisser au théâtre. Ce qui est bizarre c’est que ce dernier ne bénéficie pas non plus d’une école de mise en scène. Cette F.E.M.I.S. pourrait alors très bien s’apparenter à nos Conservatoires Nationaux, viviers extraordinaires de dépositaires du jeu à la française. Tu le sens le besoin de contrebalancer l’hégémonie de l’Actors Studio ?)

Nota Bene : d’apparence similaire « chiantissime », le film A L’AVENTURE de Jean-Claude Brisseau fait de la mise en scène, est bourré d’erreurs (même techniques) et de maladresses, mais s’oppose en tout et pour tout au cinéma de Benoît Jacquot, et relève mieux le défi de la Nouvelle Vague.

Parlons du film pour y voir plus clair.

Au casting, Isabelle Huppert et Jean-Hugues Anglade brillent de mille feux, pouvaient-on lire un peu partout. Huppert en pianiste desséchée et Anglade en garçon de bonne famille avec raie sur le côté, effectivement, quel casting osé ! Le pire est à venir : Xavier Beauvois, autre chouchou de la critique (on bosse en famille, ça évite de faire passer des castings ; John Cassavetes, lui, avait au moins l’intelligence de choisir sa famille !), est à la mesure de ses films, c’est-à-dire creux, anodin et éreintant. Charactérisation binaire, approche artificielle de la relation à l’autre, ton monocorde, dissipation anorgasmique des situations de crise, bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas du poulet élevé en plein air, tout ça !

Si VILLA AMALIA et ses comédiens manquent de générosité c’est parce que Benoît Jacquot est un cinéaste du refus. Il se défend de vouloir explorer les différentes amorces de son scénario, il s’oppose à l’incarnation des personnages, il s’interdit toute psychologie, il exclut toute profondeur (donc tout relief), il décline toute sortie du réel etc. Là où chaque contrainte pourrait alimenter un processus créatif, Jacquot nie toutes les possibilités que lui offre le cinématographe, n’emprunte aucune voie de secours pour pallier à ses divers manques et ne se permet de travailler qu’à l’échelle de l’infiniment petit. Cinéma réducteur.

Intrinsèquement, VILLA AMALIA n’est qu’un repaire abrutissant de clichés, d’effets moralisateurs déguisés en brèves de comptoirs et de redondances superficielles. C’est du cinéma bourgeois digne du cinéma de pépère, avec femme trompée, ancien ami qui aimerait se la jouer nouvel amant, lesbianisme de bon aloi de façon à encanailler le chaland (nouvelle justification que nous sommes dans du cinéma bourgeois plus qu’affirmé)…

Il faut savoir que le film est une adaptation du roman homonyme de Pascal Quignard (dit Qucho, comprenne qui pourra), ce qui permet de comprendre bien des choses. Parce que Benoît Jacquot ne fait qu’exposer la trame du romancier. Or, VILLA AMALIA aurait besoin de sensitif, c’est-à-dire de plans travaillés dont le langage transposerait toute la poésie du livre. Pour cela, Jacquot croit qu’il suffit de filmer les mots de Quignard. S’il est écrit qu’Isabelle Huppert marche dans l’herbe, il filme de l’herbe, s’il est écrit qu’elle regarde le sol, il filme le sol etc. Du coup, scénaristiquement, le film s’étire laborieusement et la première heure est sans élan puisqu’elle ne décrit qu’un seul et même acte ! Celui d’une femme qui a décidé de tout plaquer et de disparaître aux yeux de la société. Et c’est parti pour les aventures d’Isabelle Huppert en prise au fichage de ses moindres faits et gestes ! Isabelle clôt son compte bancaire, Isabelle ferme sa ligne téléphonique, Isabelle efface ses traces, Isabelle fait de la randonnée, Isabelle abandonne ses habits, Isabelle nourrit son tamagochi, Isabelle se fait un masque de beauté aux algues thermophiles, Isabelle fait un atelier Mako moulage, Isabelle remonte l’Allier en pédalo, Isabelle fait une crise d’hypoglycérine… Ames sensibles s’abstenir, donc.

Même si l’élément déclencheur (l’adultère) est clairement explicite, Benoît Jacquot ne cherche pas expliquer l’acte d’Isabelle Huppert. C’est positif. Ici, le film semble évoquer une piste intéressante sur la disparition du personnage comme acte symbolique. C’est très curieux au sein d’un film (ou d’une pièce de théâtre, aussi). Ce qui ne peut nullement justifier que les comédiens effacent toute notion de jeu. C’est inacceptable ! Qu’ils se disputent, qu’ils fassent l’amour, qu’ils se disent les pires horreurs, que leurs yeux évoquent leur ressenti, tout à la même valeur et concoure à harmoniser l’ensemble.

Naïveté ou cuistrerie ?

Sinon, le montage s’octroie la permission de couper certaines scènes toujours un peu plus tôt que prévu. C’est toujours bienvenu mais ne rattrape pas le manque de liant, de gourmandises.

Pour toutes ces raisons et de la même manière qu’Olivier Py s’ennuie pendant les répétitions avec ses comédiens ou qu’Eric Rohmer s’endort sur ses tournages, je crois sincèrement que Benoît Jacquot n’est pas heureux derrière une caméra.

Assimilons ce qui pourrait lui arriver de mieux à cette histoire vraie.

Un homme était particulièrement inconditionnel d’un célèbre pianiste. Il poussait son admiration jusqu’à se déplacer à tous ses récitals, même à l’international, et ce dans le domaine du possible.

Un jour qu’il venait d’assister à l’un de ses concerts, cet homme se décida pour la première fois à pousser la porte de la loge du maestro. Ce dernier voulut bien le recevoir. Face à son idole, l’homme ne put tarir d’éloges suite à sa performance du soir, impeccable comme à son habitude. Il lui avoua son admiration effrénée, confessa qu’il le suivait depuis des années, qu’il avait tous ses enregistrements, qu’il avait assisté à quasiment tous ses concerts, bref, qu’il était son fan numéro 1. Le pianiste ne savait plus trop où se mettre tant les superlatifs se succédaient et que les compliments ne cessaient de l’ensevelir. Il prit ce discours très humblement, remercia son invité, et l’assura que tout cela lui allait droit au cœur. Notre groupie qui se trouvait enfin devant cette personne qu’il vénérait depuis des années, ne se décidait pas à partir, voulant profiter jusqu’au bout de cette rencontre unique. Après un long entretien, il finit par quitter la loge, laissant son hôte ivre de toutes ces paroles si gratifiantes. En passant la porte, il hésita un bref instant, se retourna vers l’homme aux doigts magiques et lui dit :

- Je vous remercie vraiment de cet instant privilégié que vous avez bien voulu m’accorder. En tant que spectateur, on a parfois l’impression que notre rapport avec l’artiste est à sens unique et que celui-ci a plus d’intimité avec sa musique qu’avec nous, ce qui est sûrement vrai. C’est pourquoi j’aimerais vous demander une faveur…

- Eh bien, je vous écoute.

- Voilà. Je sais que le mois prochain vous vous rendrez à Berlin pour un concert exceptionnel qui célèbrera vos 30 années de carrière. J’y serai moi-même, mais dans la salle, comme vous vous en doutez. J’aimerais qu’à moment donné vous fassiez une fausse note, juste une, de celles indécelables et dont je serai le seul à savoir qu’elle m’est adressée. Faites-la n’importe où, quand cela vous arrange, mais faites-le pour moi, s’il vous plaît. Ce sera mon bonheur personnel, en souvenir de cette brève amitié.

Le pianiste se retrouva bien embarrassé par cette demande, mais devant l’insistance de l’homme il accepta et lui donna rendez-vous dans un mois. Et la porte de la loge se referma après une poignée de mains rapidement échangée comme pour entériner ce pacte.

Les jours défilèrent et le grand jour arriva.

L’homme était évidemment dans un état d’excitation totale. Il s’installa dans le fauteuil qui lui était réservé et consulta consciencieusement le programme qui lui avait été remis. Il commença à émettre des pronostics quant à l’endroit où le pianiste allait bien pouvoir lui adresser ce clin d’œil musical. Plusieurs moments avaient ses faveurs. Mais avant qu’il n’émette un pronostic définitif, le maestro arriva sur scène accompagné des applaudissements de rigueur. L’homme s’engonça dans son fauteuil, le sourire aux lèvres et l’ouïe plus affûtée que jamais. Le concert débuta. L’homme fut particulièrement attentif pendant tout le premier mouvement espérant y déceler le bref instant qui lui était dédié. Mais il ne vint pas. Il fut alors encore plus attentif lorsque le pianiste inaugura le second mouvement, la tension montant toujours d’un cran. Mais les notes étaient parfaites. L’homme pensait fermement que ce serait dans le troisième mouvement que le « phénomène » se produirait. Mais toujours rien. Et plus le concert se poursuivait moins l’homme pensait avoir la chance d’entendre cette fameuse fausse note. Effectivement, le récital se termina sans qu’aucune adresse personnelle de la part du pianiste ne lui parvint. L’homme sortit de la salle en fureur. Il était extrêmement déçu et très en colère. Il commençait à pester contre cette personne qu’il admirait tant. Il faisait les cent pas dans le hall, agacé comme jamais il ne l’avait été. Il essaya de trouver mille excuses, échafauda toutes les raisons possibles qui avaient pu conduire le pianiste à se moquer de lui de la sorte. Toujours très remonté, il se dirigea vers la loge sacrée. En essayant de se calmer, il entra et son regard fixa tout de suite celui du maestro. Ils se saluèrent. Le maestro fut évidemment félicité, puis la discussion dériva très vite sur ce qui accaparait l’homme depuis le début.

- Maestro, lui lança-t-il, vous vous rappelez, il y a un mois je vous avais demandé une faveur…

- Oui, je me souviens, mon ami…

- Eh bien, je ne comprends pas. J’ai attendu pendant tout le concert. J’ai guetté la plus petite de vos fautes, et pourtant pas la moindre fausse note. Mais enfin, qu’a-t-il bien pu se passer ?

Visiblement embêté, le regard baissé, le maestro inspira profondément, releva la tête en direction de l’homme et lui répondit :

- Le trac !

17 octobre 2009 6 17 /10 /octobre /2009 02:51

            Le 02 septembre 2009, Christian Poveda a été retrouvé avec une balle dans la tête. Tonacatepeque, Salvador. Ce cinéaste venait de réaliser LA VIDA LOCA, documentaire sur les maras (gangs d’Amérique centrale et latine dont la principale activité est le trafic de drogue) et particulièrement la Mara 18. Gangs extrêmement violents. Extorsions, exécutions d’innocents, esclavagisme sexuel, tortures d’enfants etc. Groupes armés aux tatouages proéminents et agressifs, qui ne reculent devant rien. La mort ambiante.

LA VIDA LOCA est sorti en France le 30 septembre 2009. Auparavant, il fut diffusé sur Canal + Espagne. Piratage. DVD vendus pour pas cher. Certains membres des maras accusaient Christian Poveda de se faire de l’argent sur leurs dos tatoués. Menaces. N’ayant plus de bâton sous la main, ils jouèrent à la baballe avec Christian. Ce dernier ne la ramènera plus.

Cette fois-ci, c’est certain : le piratage tue.

Ces gangs sont notamment issus de ceux de Los Angeles, que le gouvernement américain n’a jamais réussi à disloquer. Ramifications au Guatemala, au Mexique, au Honduras, au Nicaragua etc.

            Honduras. Edgar Flores fait partie de l’un de ces gangs. Le coeur gros, il tue le chef qui venait d’ôter la vie à sa petite amie. Tricard. Fuite. Il rencontre Paulina Gaitan avec qui il se lie. Elle cherche à gagner les Etats-Unis clandestinement. Chose assez rare, le film devient, sur une grosse partie, une sorte de railway movie. Edgar est seul. Nulle part où aller. Pas d’argent. Misère. Le gang à ses trousses. Un voyage comme une sorte de pèlerinage funèbre, triste et désenchanté, sur le bilan de ce qu’Edgar a fait de sa vie. Il sait qu’il ne pourra pas échapper à la mort. Le gang est trop présent. Partout. La mort est sa marque de fabrique. Son quotidien. C’est par elle qu’il fait régner la peur autour de lui. Edgar sait son futur inéluctable.

Même en sachant où le scénario nous emmène, SIN NOMBRE se suit plutôt agréablement. L’idée de Cary Fukunaga n’est pas de suivre le gang mais de relever sa radicalité et ses injustices à travers le parcours de l’un des siens. Thématique de l’exil. Edgar cherche à fuir l’illégalité dans laquelle il s’était réfugié. Paulina, elle, cherche à y rentrer. Sûrement parce que le rêve d’une existence meilleure est un espoir à la fois collectif et individuel. Chemins croisés. L’échelle sociale est pénible à gravir. Même ceux qui promettent un avenir meilleur ne sont que des propagateurs de misère. Le constat du réalisateur est noir et désespéré. Juste lucide.

Sortie le 21 octobre 2009.

            La mort est un tourbillon qui ne vous lâche plus une fois que son mouvement s’empare de vous. La mort comme un ballet de lumière. Programme alléchant d’AFTERWARDS signé Gilles Bourdos.

Le film démarre de manière sublime. L’introduction se dandine comme si de rien n’était, se focalisant sans arrière pensée sur deux enfants. Première déviation inattendue. Suivie d’un choc énorme. Scène violente extrêmement bien réussie. Tout cela est décidément très bien amené et laisse en suspend la cause même du film. AFTERWARDS s’ouvre sur un mystère immense. Pourquoi cette brutalité ? De quoi est-elle à l’origine ? Quelle est sa nécessité d’exister des premières secondes ? Pourquoi les pilotes kamikazes portent-ils un casque ? Et puis, une ellipse temporelle… Les choses se calment. Nous reprenons le cours de notre programme de manière plus classique. Gilles Bourdos s’attache à suivre Romain Duris. Par petites touches nous en apprenons un peu plus sur ce personnage. L’histoire se développe. La mort. Encore et toujours. Romain Duris enfermé dans son passé. John Malkovich capable de discerner ceux qui vont mourir. Et toujours cette première scène qui revient de manière lancinante sans trouver de justification. Nous pouvions croire que le film s’orientait vers un travail de deuil. Pas du tout. Qu’il amorçait toute la conséquence de son développement. Pas du tout. Enfin, pas tout à fait. Parce que cette scène n’est pas primordiale à l’action. Elle n’est même pas forcément nécessaire. Et son emplacement est presque arbitraire, même si c’était le meilleur choix possible.

AFTERWARDS ne livre pas ses secrets. Il faut s’attendre à un film puzzle où tous les éléments seront vraisemblablement donnés vers la fin et permettront de donner une logique de vie à tout ce qui a été dispersé au préalable. Et là nous rentrons dans la géométrie invariable du scénariste malin. Cela va généralement à l’encontre du respect des personnages et des situations. Les coups de théâtre interviennent comme des relanceurs de rythme là où l’histoire s’essouffle. Annihilation des espoirs placés dès le début du film. Parce que ça bossait plutôt pas mal. Lee Ping Bing compose une lumière très sophistiquée. Très luxueux. Comme s’il cherchait à matérialiser la chaleur humaine. Beau. Composition picturale en feux d’artifices. C’est surtout le scénario qui peine à coups de redites et d’embourbements. En fait, il est difficile de savoir ce que le film cherche à dire. Parce que toutes les pistes semblent s’évanouir les unes à la suite des autres. Tout cela est la conséquence de ce dont nous avons parlé plus tôt : Michel Spinosa et Gilles Bourdos sont deux scénaristes qui veulent jouer au plus malin et ne lâchent leurs informations qu’au compte-gouttes. Procédé pas forcément inintéressant, encore faut-il que chaque information fonctionne comme une articulation qui permet de diriger le métrage vers une nouvelle piste, de le faire évoluer par ces points d’appuis qui ne doivent pas paraître interchangeables mais absolument vitaux (ce que l’on appelle les éléments insubmersibles). Au lieu de cela, AFTERWARDS attend constamment chaque nouvelle indication en étirant les situations et en laissant les personnages dans des status quo qui les font constamment répéter ce qu’ils pensent ou ce qu’ils font. C’est toute l’ambivalence d’un film qui freine des quatre fers alors que Gilles Bourdos semble maîtriser l’ambiance, le mystère qu’il génère, les attentes qu’il requiert du spectateur. Mais il en fait une fin en soi au lieu de jouer avec tout au long du film.

Gilles Bourdos saupoudre son film de mysticisme et de métaphysique. Nombreuses représentations symboliques un peu pataudes. La nature prend ici une place prépondérante. John Malkovich révèle qu’il a rencontré Jésus. Cheveu sur la soupe et couille dans le potage. Le propos se dilue dans ce décorum superficiel. Incapacité à développer une quelconque théorie. Dans THE THIN RED LINE Terrence Malick alliait l’Homme dans la Nature afin de nourrir une réflexion métaphysique où la place de chacun était l’enjeu de leur existence. AFTERWARDS brasse des quantités négligeables de recoupements théoriques qui brillent comme des paillettes exposées sous un certain angle. Ce qui brille n’a pas forcément d’éclat.

            Parlez-en à Maïwenn Le Besco, qui vous dira qu’elle en a aussi fait l’expérience avec son second long métrage. A l’origine d’un premier film qui vaut le détour, elle ressort sa caméra numérique et réalise LE BAL DES ACTRICES. A nouveau très apprécié par les critiques officiels, ce qui annonce déjà qu’elle prépare le bâton pour se faire battre lors de son prochain opus. Pas question d’attendre. Nous voyons déjà les limites de son savoir-faire.

PARDONNEZ-MOI touchait par l’adéquation du procédé mis en place et de la forme proche du journal intime. C’est parce qu’elle compte reprendre cet accent de vérité que Maïwenn ne cherche pas à se réinventer. Son premier film fonctionnait quand il perdait le spectateur entre la part autobiographique et la part fictionnelle. Ce qui repose énormément sur le jeu des acteurs. LE BAL DES ACTRICES n’est plus intéressant dès que l’équilibre n’est plus respecté. Karin Viard est exceptionnellement fausse. Par ses syllabes qui s’allongent, elle compose un personnage qui manque de sincérité. Karin et Maïwenn sont deux camarades qui joueraient à être des stars. Blague de potaches. Trop composée. Trop assénée.

La comédie est plus simple. Toute sa complexité naît de sa rythmique.

LE BAL DES ACTRICES n’est pas un documentaire. Le système est déjà pervers en lui-même. Maïwenn Le Besco filme des actrices qui parlent d’elles. Mais le sujet du film n’est autre que Maïwenn Le Besco qui réalise ce documentaire. Processus de narration sur deux niveaux. Forcément attractif. Ce qui n’est pas vrai c’est que Marina Foïs, Muriel Robin, Jeanne Balibar et consorts jouent leur propre rôle. Elles jouent des actrices qui ont le même nom qu’elles dans la vie. Ce qui est scénaristiquement écrit n’a rien à voir avec la vraie vie de ces comédiennes. Point de vue déstabilisant très intelligent. Le mêler aux traces de la réalité permet de confondre le caractère trompeur de la fiction. Maïwenn rajoute de la vraie vie et réajuste l’équilibre. Traduction : Marina Foïs joue Marina Foïs se rendant chez le chirurgien esthétique. Ce n’est pas la vraie vie de Marina Foïs. C’est Marina Foïs qui joue une Marina Foïs. Mais lorsque nous retrouvons Maïwenn en train de filmer Marina dans la rue et qu’elles se font incidemment alpaguer par une dame âgée, la réaction est celle de la vraie Marina Foïs puisque cet épisode ne figure pas dans le scénario. Voilà. J’arrête. C’est déjà très compliqué. Aspect névrotique très réussi sur le papier mais complètement raté dans la pratique.

Le film se meurt dès que les différences de niveaux se font sentir. Nous avions découvert le même problème dans BORAT : CULTURAL LEARNINGS OF AMERICA FOR MAKE BENEFIT GLORIOUS NATION OF KAZAKHSTAN. Nous n’adhérons que quand nous ne pouvons pas distinguer le vrai du faux.

LE BAL DES ACTRICES ne suit pas la bonne voie. Puisqu’il devait être question d’actrices pourquoi ne pas parler d’elles ? Maïwenn préfère les figer dans une reproduction stéréotypée du métier de l’actrice et de leur image publique. Estelle Lefébure qui en a marre d’exister en tant que top model en reconversion. L’actrice obligée de retoucher son physique. Celle qui a tout pour être heureuse mais qui n’en peut plus de sa vie. Pas forcément faux. Pas forcément correct. Juste les clichés habituels que ce métier traîne derrière lui, et qui sont les premiers à venir à l’esprit d’un scénariste. Bon, il faut quand même lui être gré de nous avoir évité l’actrice que l’on compare à une prostipute. Les actrices, sujet formidable. Sujet contourné. Maïwenn passe à côté sans lui prêter la moindre attention. En 2002, Rosanna Arquette avait réalisé un documentaire régalicieux intitulé SEARCHING FOR DEBRA WINGER, où elle laissait une place énorme aux actrices. Si le film ne se focalisait pas complètement sur leur métier, il cherchait à savoir qu’elle place la femme laisse à l’actrice et vice versa.

Dans son film, Maïwenn ne laisse la place qu’à des numéros d’actrices. Preuve en est faite de ces inserts musicaux, sortes de pastilles saugrenues, complètement cheezy, sans originalité, parfois rafraîchissantes, mais toujours gratuites. Argument probablement décisif pour faire accepter le projet par un producteur. La guibolle est triste et l’enluminure fainéante. Nouvelle preuve du manque de travail accordé à ce film. Les chorégraphies ne sont jamais intégrées à l’action. Comparaison : ACROSS THE UNIVERSE marque tout le fossé qui sépare la vraie nécessité d’inclure musique et danse dans une histoire. Et non pas celle de donner un sens à un titre de film.

Il n’y a donc que des idées dans LE BAL DES ACTRICES. Idées mal imbriquées. Une conception plus aboutie aurait permis de lier niveaux narratifs, interactions des actrices, résurgence des numéros musicaux etc. Finalement, il ne s’agit que d’un patchwork bien brouillon. Un gros mélange d’infimes quantités. Maïwenn cherche son second souffle derrière sa caméra. Sa mise en scène est laborieuse, mal agencée dans ses cadres, mal définie dans la logique de ses personnages, peu inspirée dans sa direction d’acteurs… On monte à l’utilitaire. On évite de se poser des questions sur la lumière (c’est dit textuellement !). Bref, on s’épargne du travail, ce qui ne pardonne jamais. Le concept, unique intérêt. Or, un concept n’est qu’une formule. Il n’est pas la matrice du cinéma. Energie mal contrôlée. Tout se perd. La cohérence n’est plus. Rien n’est vraiment clair pour Maïwenn. Qui est Maïwenn ? Cette jeune personne adulée par « Les inrockuptibles », celle qui a une réputation underground, comme elle se plaît à dire ? Là encore, elle se projette dans l’image qu’elle voudrait être. Nouvel élan schizophrénique. Le vrai se discerne encore du faux. La Maïwenn n’est pas cela. Etre une personnalité underground c’est autre chose que de faire un film sur Julie Depardieu, Charlotte Rampling, Mélanie Doutey ou Estelle Lefébure. C’est même l’opposé. C’est du reportage pour « Gala » ou « Closer ». Pourquoi ne pas filmer Claude Perron ? Pourquoi ne pas filmer Sabine Timoteo ? Ah, si ! Il y a une actrice magnifique à sauver. Un talent rare. Une femme qui prend des risques. Elle s’appelle Karole Rocher. Elle est ici absolument remarquable. Elle est brute, sulfureuse, plein d’entrain et dominée par la fougue. C’est la seule à véritablement se sortir du piège du numéro monté spécialement pour chaque actrice. Elle se met en valeur par sa personnalité, n’a pas peur du ridicule, assume son comportement intransigeant. Eclosion d’une très grande actrice. J’aime aussi beaucoup Romane Bohringer. Quelqu’un qui devrait avoir de bien plus beaux rôles. Et c’est à peu près tout. Joey Starr a une place à part. Beaucoup de critiques l’ont loué dans ce rôle. Ne nous y trompons pas. Il ne joue que son propre rôle. Il me semble que c’est assez facile. Sa chance est d’être une personnalité atypique. Et le cinéma aime cela. C’est ce qu’il dégage, et au sein du film c’est effectivement fort agréable. Ce n’est aucunement du travail d’acteur.

Ne créons pas du talent là où il n’y en a pas.

            Y en aura-t-il dans PARANORMAL ACTIVITY ? Réalisé par Oren Peli. Sortie chez nous début 2010. En attendant, il jouit d’une réputation assez flatteuse, propagée grâce à Internet. Marketing très au point. Réalisé pour une poignée de soja, la Paramount s’est emparée de l’affaire et se la joue plutôt fine. Le museau baissé. Au lieu de débarquer le phénomène sur un nombre incalculable d’écrans, elle préfère la jouer film modeste-indépendant, en attendant que les exploitants réclament plus de copies. Cela permet de laisser penser qu’il s’agit d’un petit film (ce qu’il est au départ) dont personne n’a relevé la sortie, et dont il convient de parler à son voisin pour avoir le privilège d’être considéré comme un dénicheur de perles rares.

Réminiscences du BLAIR WITCH PROJECT et surtout de REC. Si le premier se regarde encore bien aujourd’hui, le film espagnol ne faisait pas franchement peur dès sa première vision. Or, dans sa manière de présenter les choses, le trailer promotionnel de PARANORMAL ACTIVITY ne vous rappelle-t-il rien ? C’est bien ce qui me fait peur :
 


            Je n’aime pas les films de Radu Mihaileanu. Son dernier (VA, VIS ET DEVIENS) colportait trop de choses entre les doigts de pied pour être honnête. Peut-être, me disais-je, qu’en abordant la comédie, Radu laissera tomber ses artifices de séduction et se contentera de respecter son sujet. Peine d’amour jamais trouvé. Le film sortira le 04 novembre prochain et porte le même nom qu’une maladie prononcée la bouche pleine : LE CONCERT.

Je cherche… Je cherche… La confrontation entre les deux cultures (russe et française) fonctionne plutôt bien. Sans profondeur mais avec un sens comique très marqué. Le point d’orgue étant Valeriy Barinov parlant français. Traduction sublime, hilarante, folle, fantaisiste, palpitante. C’est à peu près tout ce que l’humour de ce film a d’intéressant. Le reste est plaqué, uniquement présent pour coller au cahier des charges. Je m’explique. Dans LE CONCERT, 96,38 % de la comédie sont rigoureusement écrits dans le but de donner un ton au film. Jamais elle ne s’insère dans l’histoire. Cas exemplaire : François Berléand embrasse Lionel Abelanski à la fin. Moment très drôle car inattendu. Sûrement une trouvaille lors du tournage. Gag inepte uniquement destiné à faire rire à ce moment précis. Inutile au film. La scène pourrait ne pas figurer, le film n’en serait pas différent. Tout cela n’empêche pas François Berléand d’en passer par le grand guignol et d’en faire des kilomètres à la pelle. Lionel Abelanski est beaucoup plus sobre et colle parfaitement à l’esprit du film. Je crois que les acteurs sont justes lorsqu’ils font confiance aux situations et qu’ils ne jouent pas l’extravagance. Nous sommes ici plus dans un comique de situation que dans un comique visuel. La folie des trois acteurs russes (Aleksei Guskov, Dmitri Nazarov et Valeriy Barinov) se révèle grâce à l’étincelle de leur regard et à la fièvre qui semble s’emparer d’eux. Excentriques et excessifs. Excellents.

Signalons un plan particulièrement beau sur Mélanie Laurent, lorsque Dmitri Nazarov s’adresse à elle par l’entrebâillement d’une porte, un bouquet de fleurs à la main. Jolie lumière. Plan qui dénote. Est-ce que tout cela a vraiment été fait exprès ?

Nous cherchons l’amour du geste.

Ce qui est sûr c’est que Mélanie Laurent nous ressert une interprétation froide, hautaine et dédaigneuse. J’ai comme l’impression de voir le même personnage de film en film. Sans passé, sans désir, sans identité. Ce qui est un comble chez Mihaileanu qui travaille justement sur l’identité ! Mélanie Laurent synthétise la plaie contemporaine de l’actorat français. Elle joue tout sur le souffle. Comme si le fait de moins projeter allait mieux rendre compte de son intériorité. Cela pourrait s’apparenter, pour les metteurs en scène, à faire un maximum de gros plans pour mieux saisir l’émotion des comédiens. Monstrueux clivage : entre comédiens français généralement et dans LE BAL DES ACTRICES en particulier, cela peut passer (c’est son jour de bonté ?), mais en se confrontant à un casting cosmopolite dans INGLOURIOUS BASTERDS et LE CONCERT, Mélanie Laurent confirme qu’elle ne cherche qu’à devenir la nouvelle Virginie Ledoyen.

LE CONCERT est sympathique mais un brin lénifiant narrativement. Pour reprendre certaines de ses qualités scénaristiques, il manque d’inventivité et de foisonnement au niveau de sa structure cinématographique.

De la poudre aux yeux. D’infimes particules jetées en l’air, qui retombent dans une danse syncopée des plus mirifiques. C’est monté tambour battant. Rythme enjoué. Presque les portes qui claquent. On y trouve un peu de tout. En quantités négligeables. Semées, les particules. Laissées pour compte. Radu Mihaileanu cherche la belle histoire. Le point de départ cocasse issu d’un fait divers véridique. Son engagement cinématographique penche pour les bons sentiments, l’histoire qui finit bien, ce qui est attendu, ce qui ne trompe pas. Le langage commun de la plupart des films. Pas grand chose. De fines molécules qui se déposent les unes sur les autres. Retour à la poussière.