On rigole, on rigole, mais le temps file et dehors la vie n’est tendre pour personne. On se lève tôt pour aller bosser, on courbe l’échine, on essaie de ne pas trop penser à son cancer, on boit pour oublier la misère dans le Nord-Pas-de-Calais, le chômage, les retraites, le réchauffement climatique, Diam’s qui sort un nouvel album… Heureusement qu’il y a la tempête Xynthia pour nous faire patienter jusqu’à la canicule du prochain été. Avec tout cela, « La lumière vient du fond » en irait jusqu’à oublier sa mission d’utilité publique. Que nenni.
Félicitons-nous du temps libre que nous offrit le mois de février 2010 ! Heures propices à l’application pratique de notre devise si souvent assénée (« L’œil du spectateur peut s’éduquer ») et aujourd’hui renommée en : « The Lumière Vient Du Fond Way Of Life ». Il nous fallait donc un petit Candide prêt à jouer le jeu. Les règles en étaient ridiculement simples. L’emmener voir un certain nombre de films et lui expliquer scientifiquement qu’en penser.
Depuis le temps que je lui parlais de ce blog, la personne à laquelle je songeais me semblait toute désignée. Il était temps qu’elle se rende compte de notre philosophie de jeu et de ses préceptes capables de tracer des lignes de vie adaptables à tous. Je passai donc chercher ma mère-grand. Sans faire de détour par le Bois Joli. Je l’attendais en bas de son immeuble lorsque je la vis sortir en vitupérant :
- …nnard avec son clebs à moitié aveugle qui pisse partout ! En plein devant la porte d’entrée, faut vraiment être mononeuronal !!! Enfoiré de niakwé ! Chinois du Japon, va !... Ah, t’es là, toi !
Bises.
- Oui, ça fait une demi-heure que je t’attends. Tu réponds pas quand…
- Il aurait manqué plus que j’attende, aussi !!! Comment tu parles à ta mère-grand ?! Tu féliciteras ta mère pour ton éducation. Elle aurait mieux fait de s’exciser ce jour-là ! Saleté de génération de consanguins ! Bon, allez, on y va. On va pas rester devant cette porte qui pue la pisse de chien véreux. Moi aussi, j’ai pissé devant celle du niakwé. Laisse tomber la neige, on fera les boules demain. Vaut mieux qu’on dégage, on sait jamais s’il convoque le F.B.I. et qu’ils font des analyses d’urine…
- C’est aux Etats-Unis, ça, mamie !
- M’appelle pas comme ça, foutredieu ! Je sais quand même de quoi je parle, j’ai la télé ! Je suis pas encore sénile. Ah, ça, vous aimeriez tous que ça m’arrive mais va falloir attendre encore un peu. Bande de chacaux !
- On ne dit pas « des chacals » ?
- Non, ça c’est quand il y en a plusieurs, inculte ! Allez, donne-moi le bras. Donne-moi le bras, j’te dis. C’est qu’il me laisserait crever sur le pavement, ce résidu de fausse couche ! Il m’achèverait, même ! Si c’est pas malheureux de voir ça !
Ah oui ! C’est vrai… Je m’aperçois que je ne vous ai jamais parlé de ma mère-grand. Ni de l’évêque clélien Hyacinthe Marvendé, d’ailleurs. Je crois que son langage suffit à vous donner une idée du personnage, mais, comment vous dire… Ma mère-grand est une créature mythique mi-poils mi-rides, dont la seule faculté de paroles est une atteinte à l’intégrité morale du genre humain. Pour des raisons évidentes de respect de la vie privée, je ne mentionnerai pas son nom, mais je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de Roselyne Bachelot. Cette parenthèse étant faite, reprenons le fil de notre conversation.
- Alors, anus de poulpe, raconte-moi. Qu’est-ce qu’on va faire ?
- Comme je te l’avais expliqué mère-grand, notre but est de prouver qu’il est possible de faire un cinéphile averti de toute personne ne connaissant rien au vocabulaire cinématographique. Et cela en seulement un mois.
- Qu’est-ce que tu parles à la première personne du pluriel ? Vous êtes nombreux dans ta secte ? Et puis je m’y connais sûrement plus que toi en cinéma, outre à pisse. J’ai la télé quand même !
- On va juste regarder des films, mère-grand. Et après on en discutera.
- Qu’est-ce que tu veux discuter des films ? Tu discutes pendant des heures des chansons que tu aimes ?
- Et pourquoi pas ?
- Tu dois bien t’emmerder dans la vie ! Tu t’es marié depuis la dernière fois qu’on s’est vus ?
- J’ai déjà du mal à m’engager pour un an chez Numéricâble…
- Ah ! C’est bien ça : t’as pas de vie privée, hein ? Tu baises pas ?… Vas-y, réponds à ta mère-grand. Tu fais mousser ton vermicelle de contrebande ?
- C’est personnel ça, mère-grand !
- Ah, c’est ça !… C’est important de faire l’amour, à ton âge !
- Mais j’ai une vie sexuelle, enfin !
- Avec un animal ou un .avi, ça ne compte pas ! Regarde-toi, déjà que t’es vilain comme une couvée de singes, si tu continues tu finiras avec une bosse et des verrues partout ! Ecoute ta mère-grand, espèce de quadrizomique !
- Bon, on parle de cinéma, oui ?
- Vas-y, vas-y, gras du bide, fais comme tu le sens. Tu viendras pas te plaindre quand tu seras sourd et que tu auras une haleine de supporter ! Je me demande pourquoi je te donne des conseils, autant pisser dans du Viandox !… Alors, c’est quoi le film que tu m’emmènes voir ?
- C’est un film français…
- Ah non ! Pas un truc fait par un merdaillon en culottes courtes, où les gens chuchotent et courent derrière des voitures ! La semaine dernière, je me suis tapé NON MA FILLE TU N’IRAS PAS DANSER avec Chiara Mastroianni, tu sais, celle qui ne jouait pas dans LA BOUM, eh bien je ne dirai plus jamais de mal de YAMAKASI ! Ca prend deux ans pour apprendre à parler mais ce qui est sûr c’est que Christophe Honoré a besoin de toute une vie pour apprendre à la fermer ! Ca repompe tout sur le cinéma des années 60 et ça prétexte ensuite un hommage à la Nouvelle Vague, toutes ces conneries qui ne veulent rien dire. Tout ça c’est du Bénabar cinématographique !
- Non mais là, ça risque d’être un peu différent. C’est le premier film réalisé par Pascal Elbé.
- Pascal Elbé ?… C’est pas cette gueule de raie qui ne jouait pas dans AUSTRALIA ?
- Voilà, c’est lui.
- Ah oui, je l’avais bien aimé pas là-dedans, ce dipterosodomite.
- Et ce qui est intéressant c’est qu’il aborde un genre complètement différent de celui dans lequel on a l’habitude de le voir en tant que comédien. Peut-être aurons-nous une bonne surprise…
Première leçon : ne jamais croire ou faire croire au possible chef-d’œuvre. Plus vous grossissez la carotte au bout du bâton, plus elle vous fera mal si elle rentre par le mauvais orifice. Mal m’en pris, vu la réaction de ma mère-grand à la sortie de la salle :
- L’enfoiré de fonctionnaire de la Poste de Guy Môquet ! Dégénéré chromosomique ! Un film français, je le savais ! Ca commence bien ! S’ils sont tous comme ça tes films, faut que je me prépare à avoir les litchees qui collent au plastique avant la fin du mois ! J’ai compris dès le début ! Avec sa façon de filmer au vibromasseur la scène d’action ! C’est à la mode, ça ! On trimballe sa caméra dans tous les sens pour créer du mouvement et pour s’empêcher de faire de la mise en scène. C’est à pleurer des lames de rasoir par le bout des seins ! On n’y voit pas ce qu’il se passe, on a une vague impression d’agression, tout ça pour nous chier une pendule en caravelle. Et en plus, ces têtes de quiches ils enlèvent des images pour créer un côté saccadé comme dans le débarquement d’IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN. C’était déjà laid à l’époque, cette diarrhée mentale, alors maintenant…
- Je te trouve dure…
- Comme disait la jeune mariée.
- Oui, enfin, je voulais dire qu’il y a quand même un soin technique qui le différencie un peu des autres productions françaises actuelles, non ?
- C’est du branlage de mammouth, je te dis ! T’as compris pourquoi le titre du film c’est TETE DE TURC ? Parce qu’ils n’avaient rien d’évident, cervelle d’huître ! Le film emprunte autant de chemins que ta mère s’est tapé de clients. Ils se sont dits que ça serait pas trop mal comme titre, comme il y a une communauté turque, comme l’expression est courante, comme ça se retient bien, comme ça colle bien au derrière d’une loutre en chaleur…Mais ça t’évoque vraiment le film, ce titre ? Parce que ce n’est pas du tout son sujet, bordel à queue ! Ca donne à penser qu’il cache une réflexion plus profonde, comme 21 GRAMMES et tous ces films « mon cul et tarte aux fraises », comme s’il y avait un argument philosophique à déceler. Mais ils sont juste complexés de ne pas parvenir à ce qu’ils voudraient être. En fait, ils ne s’appuient sur rien. C’est du dégueulis de ragondin strip-teaseur. Leur seul fait d’armes est d’avoir réussi à faire croire à cet arsouille de spectateur qu’il venait de comprendre quelque chose d’intelligent qui n’existe pas dans le film. Ce sont des moulins à vent ! Et je reste polie. Et le titre « Tête de turc » est à l’image de ce film décamerdique. Regarde comment sont définis visuellement ces enflures de personnages. Elbé leur a attribué une couleur à chacun. Par exemple, leurs appartements ont chacun une ambiance respective. C’est une putain de bonne idée, en soi. Mais comment tout cela s’inscrit dans une logique de mise en scène ? C’est le vide, le néant, de la pisse de foetus. Le réalisateur ne peut répondre à cette question parce qu’il n’a pas eu de réflexion sur l’interaction de la photographie avec sa propre mise en scène. Ce n’est qu’un accessoire de plus, pour lui. Une note décorative. Comme Jean-Claude Van Damme (qui ne jouait pas dans BOUDU SAUVE DES EAUX) aurait voulu rajouter de la musique classique sur LE GRAND TOURNOI, le premier film qu’il a réalisé, « pour que ça fasse plus intello ». C’est du même ordre et ça me les beurre gentiment. Tout ça leur donne l’impression de faire de la mise en scène, mais ils ne font que de l’idéologie, du catéchisme. Un vrai crachat de cartomancienne bubonique ! J’en veux pour preuve qu’il n’y a rien de plus inutile que ça dans TETE DE TURC. En fait, ça aurait dû s’appeler TETE DE CON. A contrario, tu as vu L’EFFET PAPILLON avec Ashton Kutcher, celui qui ne jouait dans LA BALANCE ? Eh bien dans ce film, regarde comment est employée la couleur rouge. Toutes ses apparitions annoncent une mort imminente. Ce n’est pas essentiel au film, peut-être que beaucoup ne le verront jamais, mais cette idée à une énorme qualité, c’est qu’elle est intégrée à l’histoire et à la mise en scène, foutredieu ! Ce n’est pas seulement un décorum.
- Mais il y a plein d’idées pourtant, dans ce film.
- Bien sûr qu’il y en a, sac à viande !
- Alors qu’est-ce qu’il lui a manqué ?
- Si tu veux, cette pine d’opossum de Pascal Elbé est tombée dans le piège de l’expérimentation du mécanisme cinématographique. On sent qu’il est très heureux de pouvoir passer à la réalisation et qu’il a envie de toucher à tout ce que lui offre ce médium. Il ferait mieux de toucher à des couilles de lépreux ! Parce qu’il a plein d’idées sur tout, mais il oublie de se recentrer sur une question primordiale : « Qu’est-ce que je veux raconter ? » Il développe alors toute une série d’enjeux et de sous-enjeux qui l’éloignent de son véritable sujet : la prise de conscience de Samir Makhlouf de son geste, et sa lente introspection. Mais il s’en contrefout comme de ses premières cartes de France ! Or, pour justifier son papillonnage, Pascal Elbé va définir son film comme un film choral, truc pisse-froid et fourre-tout qui permet de mettre toutes ses idées en vrac sous une appellation qui est tout sauf un genre. Mais comme tout cela n’est que du patronage d’employé de La Poste de Guy Môquet, il rate même le film choral, et dévie vers ce que l’on appelle un film-tapisserie, genre où l’on peut ajouter personnages et intrigues jusqu’à plus soif. En témoigne le personnage de Simon Abkarian (qui ne jouait pas dans LES ARISTOCHATS), totalement étranger à toute la quête cul-terreuse du film, qui n’est là que parce que Pascal Elbé ne pouvait pas envisager de faire le film sans lui, c’est lui-même qui l’avoue. Ananin ami !!!
- Tu parles le turc, maintenant ?
- Eh oui, qu’est-ce que tu crois ! Y’a pas que des cheveux !
- En tout cas, c’est une bonne analyse, ça, mère-grand. Moi, j’avais pas vu ça comme ça.
- Si réfléchir est de la masturbation intellectuelle, je comprends pourquoi t’as pas eu beaucoup d’orgasmes !
Après cette première expérience, nous avons décidé de remettre le couvert pour une seconde séance à quelques jours d’intervalles. J’étais assez étonné de la manière dont ma mère-grand avait réussi à lire entre les lignes et avec quel aplomb elle s’érigeait face à la vacuité de nos réalisateurs actuels. Avant, on ne pouvait pas se tromper, les réalisateurs avaient une culture littéraire ou une culture de la peinture, voire une culture musicale. Aujourd’hui, il faut désormais faire avec une nouvelle catégorie, celle qui a la culture du cinéma. Tarantino en est le digne représentant. Cela, c’est quand nous parlons de cinéma. Sinon, vous pouvez regrouper dans le même cartable tous ceux qui n’ont aucune culture, ceux qui ont la culture du caméscope et ceux qui ont la culture du milieu (c’est-à-dire qu’ils gravitent dans le cinéma depuis un bon moment, à des postes aussi divers que comédiens, critiques, directeurs de la photographie etc. et qui se décident, un jour, à occuper le fauteuil du réalisateur). Et c’est vrai que nous avons souvent l’impression qu’avec nombre de faux-semblants et d’artifices, le spectateur lambda peut se laisser berner par l’exercice de la facilité scintillante. Ce fut le cas récemment avec AVATAR ou même ENSEMBLE, C’EST TROP de Léa Fazer (qui n’est pas un plaidoyer contre la double pénétration, comme dirait ma mère-grand), ce dernier film validant l’éternel précepte qu’on peut être très sympathique et cependant complètement con !
Avec TETE DE TURC, ma mère-grand venait de me chuchoter avec une délicatesse insoupçonnable chez elle, qu’on ne peut satisfaire un public qui n’a pas de talent. Mais cela, nous le savions déjà.
Comme je venais de me faire prendre au petit jeu du malin et demi, je décidai de revoir tout mon programme. Il allait donc de soi qu’il fallait que je me fasse encore plus malin pour ce deuxième film. Aller là où elle ne m’attendait pas. Allez, hop ! Quelques glutamates et hydrates de carbone dès le réveil, et j’abordai la suite avec la plus grande témérité. Je réitérai quasiment la même proposition avec un film français dont le titre recélait l’effet humoristique le plus ringard au monde, à savoir le calembour. Avec Vanessa Paradis (qui ne jouait pas dans QU’IL EST JOLI GARCON L’ASSASSIN DE PAPA) et Romain Duris (qui ne jouait pas dans LE PEUPLE SINGE, quoique…), L’ARNACOEUR pouvait nous permettre de monter au filet…
C’est son pitch qui me mit sur la voie. L’histoire d’un homme capable de séduire n’importe quelle femme par des stratagèmes savamment mis au point et orchestrés avec deux complices (François Damiens, qui ne jouait pas dans MAX MON AMOUR, et Julie Ferrier, qui ne jouait pas dans AUX ENFANTS DE LA CHANCE, puisque de toute façon ce n’est pas un film mais une chanson). Si bien qu’ils ont fondé une agence pour rentabiliser leur concept. Et voici notre Romain Duris chargé de séduire notre Vanessa Paradis parce qu’en fait elle va se marier avec un sale type et déjà là, nous n’avons pas trop envie d’aller jusqu’au bout vu la fumée que ça dégage. Je vous raconte la fin puisque Romain va bien évidemment tomber amoureux de la belle, mais un soupçon de moralité va venir l’empêcher de mener sa mission à bien, et voilà que Vanessa aussi craque pour lui et finalement Romain va réussir à s’emballer son cadeau prémarital, meilleurs vœux, beaucoup d’enfants, boules de neige et jour de l’an. Alors, comme ça, je vous comprends, ça fait très peur. Suite à un pari, le séducteur tombe vraiment amoureux de la jeune femme et tout ce à quoi vous pouvez vous attendre arrive. L’ARNACOEUR ne déroge pas à la règle, c’est téléphoné de bout en bout comme me le fit remarquer ma mère-grand :
- Tu te rends compte jusqu’où ils vont, ces manches à couilles ? Ils nous resservent des scénarii qu’ont déjà servi à se torcher pour toute une génération de producteurs qui torchent encore leurs gamins avec les mêmes pages ! C’est une question de lignée. Ce sont des singes, ces gens-là. Ni plus ni moins. Et comme dit le proverbe : « L’homme descend du singe, et le singe descend de l’arbre ». Vu la gueule du scénario, tu peux être sûr qu’il a dû louper quelques branches. Il m’a pas fallu plus d’un dixième de pico-seconde pour savoir à quelle fête on était conviés.
- Oui, c’est vrai que le début est assez raté. On se croirait dans un mauvais boulevard. Tout tombe à plat…
- Comme disait le vieux marié !
- Oui… Ca démarre comme une comédie vieillotte à l’humour éculé…
- Ah, fais attention à ce que tu dis, vipère lubrique ! Pas de grossièreté en ma présence ! Déchet des reins de ton père ! Jurer en public et à côté d’une dame âgée, en plus ! Y’a plus de respect, je vous jure ! Y’a plus que des erreurs de la nature et des nécropédophiles ! Qu’est-ce que tu crois m’apprendre ? C’est pas ce film qui va relever le niveau de la comédie française ! Ca a sûrement été écrit par ce yéti baveux de rédacteur des « Confessions » de Cosmopolitain.
- Tu vois, mère-grand, je ne suis pas si sûr de tout cela. C’est vrai qu’avec une telle histoire et un réalisateur de télévision, L’ARNACOEUR ne part pas avec tous les atouts en poche. Mais je crois au contraire que la comédie à la française est en train de renaître et d’apprendre un nouveau langage. Elle apprend à se réinventer, se modernise, même si c’est en s’inspirant de l’exemple américain, découvre de nouvelles formes d’humour… Pour moi, elle n’a jamais été aussi vivace depuis longtemps. Il n’est qu’à voir l’année dernière OSS 117 : RIO NE REPOND PLUS et LES BEAUX GOSSES qui figuraient de belle manière dans les meilleurs films de l’année. L’ARNACOEUR n’est pas aussi réussi, je te l’accorde, mais il mérite mieux qu’un jugement à l’apparence. Sur fond d’intrigue délavée, Pascal Chaumeil parvient pourtant à retenir notre attention et à nous faire oublier un postulat lourdaud. D’abord parce qu’il y a le sens du rythme. Et ça c’est essentiel dans une comédie. Si l’on ne sait aujourd’hui plus écrire de comédies en France c’est parce que tous les effets sont déliés, rallongés, noyés. Et Pascal Chaumeil use beaucoup du montage pour donner tout l’impact aux gags, qu’ils soient visuels ou écrits. Ce montage est parfois utilisé jusqu’à la malhonnêteté lorsque Romain Duris vole un vélo à un jeune. Evidemment, fait de cette manière, c’est très facile ! (Je vous laisse découvrir cela, chers lecteurs, c’est très drôle mais pas joli-joli !) C’est en grande partie parce que tout est cinglant que le film arrive à imposer son style humoristique. Et deuxièmement, L’ARNACOEUR doit énormément à ses interprètes. Pour ce qui est de Vanessa Paradis (qui ne jouait pas dans SUR LA ROUTE DE MADISON), ce n’est pas elle la plaque tournante du rire, mais lorsqu’elle se doit d’être présente, elle est là, comme à son habitude, sans montrer de nature comique profonde, mais précise et savoureuse. Les deux comiques de l’histoire, ce sont Julie Ferrier et François Damiens (qui ne jouaient ni dans GREASE ni dans GREASE 2). C’est eux qui nous apprennent comment l’humour est asséné et de quelle manière il atteint son but. Ce qu’a très bien vu Pascal Chaumeil, c’est l’inutilité de jouer les gags. Il dirige donc ses acteurs en leur demandant de gommer au maximum les effets faciaux et les tics d’intonation, qui sont comme des clins d’œil au spectateur pour lui indiquer que c’est ici qu’il faut rire. Chose qui marche très bien chez François Damiens et un peu moins chez Julie Ferrier, one-woman-show oblige. C’est cette distance qui permet la rupture nécessaire entre une manière de filmer réaliste et des situations qui le sont beaucoup moins. C’est notamment ce petit pétillement qui rend la chorégraphie de Romain Duris si drôle et si saugrenue. A mon sens, ce n’est pas le film que l’on suit mais les différents sketches qui le font avancer. Une recette qui marchait déjà dans les films de Pierre Richard (qui ne jouait pas dans AUTANT EN EMPORTE LE VENT) ou de Louis de Funès (qui ne jouait pas dans ASCENSEUR POUR L’ECHAFAUD). Me voilà bien avancé, moi qui venais justement de dire que la comédie française était en pleine modernité !
- Encore les apparences, boule de pus ! Car le classicisme c’est la modernité. Dixit Godard dans je ne sais plus quel spermatozoïde avarié qu'il avait éjaculé.
- Tout à fait, et c’est pour cela que je pense que L’ARNACOEUR est un film destiné à rencontrer un succès populaire.
- Oui… Enfin, le talent ne se mesure pas à l’applaudimètre !
C’est en détournant le problème de cette manière, et aussi par l’absence d’obscénités que je compris que j’avais atteint mon cœur de cible. Le débat pouvait s’engager. Il fut alors à la hauteur de mes espérances, n’attendant pas mère-grand sur certaines théories, me déstabilisant sur d’autres, mais déterrant toujours les thèses enfouies sans jamais refuser la surenchère, garante de l’esprit sous-jacent de chaque film.
Notre plus grande opposition séjourna chez Scorsese, dont le retour avec SHUTTER ISLAND marqua une joute verbale particulièrement euphorique. Extrait :
- Il est temps qu’il s’arrête, ce carburateur à Beaujolais !
- Mais LES INFILTRES c’est un de ses grands films, pourtant !
- M.P.E.R !!! T’es démuni ou quoi ? Ne me dis pas que tu fais partie de tous ces bigleux qui croient qu’on peut encore apporter quelque chose au cinéma ! Là, il n’y a vraiment pas de quoi faire une banderole en tout cas. Si la nullité était une tranche de pain, ce serait un paquet de Harry’s familial. C’est quoi ce plan sur ces tafioles de prisonniers qui se font fusiller ? C’est un travelling latéral, les nazis tirent en même temps mais les prisonniers ne s’effondrent que quand ils sont dans le cadre ? Même un schtroumpf à varices aurait fait mieux !
- Mais c’est tout à fait normal, mère-grand ! Ce n’est pas un flashback qui rend compte d’une réalité. Ca fait partie de l’imaginaire de Leonardo DiCaprio (qui ne jouait pas dans TRON). Evidemment que ça ne peut pas se passer de la sorte dans la réalité ! Mais pourquoi est-ce que tu acceptes la scène où il prend sa femme entre ses bras, la seconde d’après elle n’est plus que cendres et la seconde encore après de l’eau, et que tu n’acceptes pas celle-là ? C’est exactement le même procédé ! Et puis, le film ne se limite pas qu’à cela. Regarde les points de montage employés pour des ellipses. C’est gourmand. Il y a l’amour du geste.
- D’accord, je veux bien t’accorder que le trou du cul du monde est moins poilu que je pensais, mais ça sent trop le scénario de petit malin pour être honnête !
- Quel scénario de petit malin ? C’est tout le contraire ! Les films comme SIXIEME SENS ne reposent que sur leur twist final. Mais SHUTTER ISLAND c’est le contre-pied de tout cela. Si tu regardes bien, dès le début, Scorsese nous donne des indices. Il nous dit que quelque chose se cache derrière toute l’histoire qu’il ne nous a pas encore racontée. Et il continue à distribuer ces éléments tout au long du film. Si bien qu’on peut trouver le dénouement très vite, comme cela ne peut être qu’à la fin. Mais là où il est brillant c’est que, même si l’on a trouvé, il construit son film de manière à ce qu’une deuxième nécessité vienne se greffer, celle de comprendre comment tous ces composants font le lien pour ne plus former qu’une seule histoire cohérente. Parce que le dénouement est moins important que le processus qui y mène. Seulement, un grand avantage passe pour un inconvénient majeur pour ceux qui n’ont pas d’imagination…
- Ouais, c’est ça ! Et si les abeilles étaient des moustiques elles ramèneraient du sang à la ruche et la reine ferait du boudin. Eh bien, moi, j’ai horreur de ces nains de jardin qui me vendent des cachous pour du caviar. C’est comme tous ces crétins goitreux qui nous vendent Emmanuelle Devos pour une star de luxe, la nouvelle Ava Gardner, alors que c’est juste un boudin. S’ils ouvraient les yeux, ils verraient que cette fille est comme une image 4:3 qu’on aurait passée en 16:9. Si les femmes doivent souffrir pour être belle, elle n’a pas beaucoup souffert jusque-là ! Ce qui est sûr c’est que son meilleur moyen de contraception, c’est sa personnalité.
A cette nouvelle manière de détourner le propos, j’ai bien senti qu’elle était divisée comme la Côte d’Ivoire. Je me suis donc permis de rentrer dans son jeu.
- Mais qu’est-ce que t’as contre Emmanuelle Devos aujourd’hui ?
- Je l’ai vue hier soir dans un film avec l’autre face de cul qui chante comme une soupière, là… Tu sais, celle qui ne jouait pas dans LAWRENCE D’ARABIE.
- Salma Hayek ?
- Mais non ! T’es vraiment con ou on t’a marché dessus ?
- Jeanne Balibar !
- Voilà ! Jeanne Balibar ! Elle ne jouait pas non plus dans WOLFEN. Ni dans LAUREL ET HARDY AU FAR-WEST.
- Ouah ! Tu connais vachement bien sa filmographie !!!
- Je sais. Enfin, tout ça ne vaut pas l'infâme brêle à tête de goret anémique, l'espèce de caricature de fesses de mouettes à Q.I. de saucisse, la sorte de chose, de couille de moule, de polype de poulpe lépreux au regard bovin et flasque, et dont l'allure de miasme de pourceau d’Epicure m'évoque invariablement l'hypothèse que sa mère ait fauté avec un rat mort…
- Louis Garrel ?
- Exactement ! Celui qui ne jouait pas dans LA FRONTIERE DE L’AUBE. Enfin, si. Il y était, mais il ne jouait pas.
Le bon sens et la lucidité l’enivraient de jour en jour.
- Ca te dit quelque chose Lee Daniels ? Cette infâme raclure de bidet qu’a signé PRECIOUS, tu sais le film avec la grosse truie violette sur l’affiche ! C’est tout ce que je déteste ! La vie c’est dur ! Au secours, mon père me viole ! Ca te colle une image à vomir des glaires et ça s’éternise sur les gens qui chialent sur leur condition de caprinophiles. Qu’ils aillent tous crever, ces chiens galeux ! Si je pouvais, je ferais s’abattre sur eux une malédiction qui perdurerait jusqu’à la dix-huitième génération, et je retracerais leur vie dans des films burlesques, rien que pour me foutre de leur gueule. Et le pire c’est que le public va s’apitoyer sur leur sort ! C’est vraiment que des serpillières à foutre ! Comme ces coprophages qui ont interdit le svastika sur l’affiche d’INGLOURIOUS BASTERDS. Paraît que la législation, tout ça, mon cul et tarte aux fraises. C’est juste que la loi n’est pas la même pour tous et puis voilà ! T’as vu l’affiche de LA RAFLE, en plein Paris ? Une belle croix gammée qui fait la moitié de l’image alors que celle d’INGLOURIOUS BASTERDS était minuscule ! Quand on sait ce qu’il s’est passé en 1924… On ne mange pas les mêmes rillettes, c’est certain. Et après ils interdisent une femme à poil dans un caddie, ces pompes à merde, pour une question de morale ! Me faire ça, à mon âge ! J’aurai tout eu ! Et toi regarde où tu marches, peine à jouir !
Il faut dire qu’à ce moment-là, nous déambulations dans un magasin de décoration et, par inadvertance, je venais de faire tomber une sorte de bibelot en verre, qui s’est complètement désintégré sous l’effet de la gravité.
- Voilà, c’est malin, espèce de crevard démagnétisé ! Ca t’apprendra à rêver à mes couilles en ski au Zénith ! T’as bien fait de le casser ! C’était d’une laideur ! Ca à dû être fait par une saloperie de mexicain de 9 ans qui pue de la gueule et qui travaille dans un workshop de Manille. Je me demande qui peut bien acheter ça ! Certainement pas moi. J’ai des principes ! J’achète jamais ce qui a été fabriqué par des enfants du Tiers-Monde. Tout le monde sait que ça se casse tout de suite. La preuve !... Bon, c’est pas tout mais maintenant il va falloir casquer. Moi, c’est comme ça que j’ai été élevée : quand je casse quelque chose, je le paie.
- Et tu pourrais me payer une nouvelle paire de couilles, mère-grand ? est ce que j’aurais pu lui dire, mais j’ai rétorqué :
- Mère-grand ! T’en as pas marre de ragnagnasser après tout ce que je t’ai appris depuis un mois ?
- Tout ce que tu m’as appris ??? Faudrait voir à pas inverser les rôles, cloporte vérolé ! C’est toi qui devrais apprendre le respect, gros Judas miteux ! Tu serais bon à quoi, hein, dis-moi, toi qu’as toujours une paille au cul qui t’étrangle ?! Toujours à se donner le beau rôle, ce demi-sel qui sent le Canard W.C. Ce que tu serais pas, sans moi ! Allez, va, va remplir ton blog moisi avec mes idées d’avant-garde. Saloperie de vampire ! Tu m’auras bien sucée jusqu’à la moelle !!! T’es comme la hache de Hawaï, tu sers à rien !
- La hache ?
- Oui, il dit ça dans BRICE DE NICE. Alors, qui c’est qui fait la leçon ?
- Heu… Je crois plutôt que c’est le « h » de Hawaï, mère-grand.
- Ouais… Bon… Allez, on rentre… J’ai 2 grammes d’alcool dans le sang tellement tu me saoules !
