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18 septembre 2019 3 18 /09 /septembre /2019 22:30

THE ART OF SELF-DEFENSE ne parle ni d’art ni d’autodéfense. C’est plutôt embêtant, me direz-vous, avec un titre pareil. Eh oui ! Mais il n’y a pas non plus de steak dans le film du même nom de Quentin Dupieux. Dont acte. D’ailleurs, sans le vouloir, l’analogie avec Dupieux est loin d’être déplacée. Alors attention, Stearns et Dupieux ne font pas du tout le même cinéma, mais nous pouvons discerner dans le titre du dernier film de Stearns un sens de l’ironie et de l’absurde qui n’est pas sans rappeler l’univers de Dupieux. La comparaison s’arrête là pour révéler l’essence même de THE ART OF SELF-DEFENSE : il s’agira d’une comédie. La première scène se déroute sur une tonalité légère (avec des acteurs français qui parlent aussi faux que chez Tarantino !), et se termine par un gag. OK. Le chemin est tracé, la petite comédie indépendante douce-amère nous ouvre ses bras. Dans ce cas faisons les présentations. Jesse Eisenberg est un comptable lambda dans une société lambda. Et il est totalement transparent. Il ne fait pas de vague, il se fond dans la masse. Le comble du comble pour son métier, c’est donc qu’il n’est qu’un numéro parmi tous les numéros. Il s’habille sans goût, dans des tons ternes et en totale adéquation avec son environnement. Chez lui, tout est bien rangé, bien propret, mais la déco laisse à désirer. Tristoune de chez tristoune. Pas étonnant qu’il s’ennuie profondément dans cette vie qui ne lui apporte que peu de satisfactions. Au bureau, c’est le type que les autres évitent, qu’ils ne veulent pas inclure dans leur groupe. Il n’a pas d’amis. Enfin, presque. Il a un chien. Mais pas non plus le bon gros chien plein de poils avec qui vous allez jouer dehors pendant des heures. Non, il a un teckel. Marron. La couleur qui résume sa vie. Marron clair. Marron terne. Marron sale. Marron morose. Marron teckel. VDM ! Et le pire c’est qu’il le sait ! Alors il aimerait bien s’ouvrir aux autres, il aimerait bien pouvoir plaisanter avec eux, il aimerait bien se sentir important, mais le hic c’est qu’il s’y prend très mal. Il n’a aucune compétence sociale.

 

Alors, la comédie douce-amère, là, c’est sûr nous sommes en plein dedans ! Tout cela se suit allègrement. Les dialogues et les situations font sourire, mais il est déjà clair que tout ne se joue pas encore là. Ce premier acte d’exposition plutôt agréable prend le temps de décrire la vie de Jesse Eisenberg en l’ancrant dans une représentation aussi réaliste que possible. C’est peut-être cela qui nous met la puce à l’oreille. Nous nous disons que ces premières minutes sont bien plaisantes, mais que le film ne pourra pas tenir entièrement sur cette… Et avant même que nous ayons pu finir notre phrase, voilà que l’enjeu dramatique pointe le bout de son nez. Un soir, notre protagoniste se fait tabasser en pleine rue par un gang de motards armés de motobylettes. Comme ça, sans raison apparente. Alors, comme il était aller acheter des croquettes pour chien dans un sac marron, il se demande (après son séjour à l’hôpital, bien sûr) s’il n’en aurait pas un petit peu marre du marron. Et là c’est parti. Jusque-là, le film pouvait s’échapper de n’importe quel côté. Nous sentions qu’il était fluctuant, qu’il jouait avec la liste de ses possibilités, qu’à tout moment le scénario pouvait basculer on ne sait où. Et il faut dire que c’est assez plaisant de ne pas être sur des sentiers battus. Mais pour faire confiance au réalisateur, il faut préalablement avoir la certitude d’être dans de bonnes mains. J’ai pourtant vu tous ses films mais jamais je n’ai pu une seule seconde faire confiance à Alexandre Arcady ! Alors comment se fait-il que certains y arrivent et d’autres non ? Cela me fait penser à la question qu’un journaliste avait posé un jour à Roman Polanski, lui demandant ce qui faisait la différence entre lui et les autres réalisateurs. Ce à quoi il avait répondu : « Le talent ! »

 

Pour l’heure, notre cher Eisenberg est en fâcheuse posture. Le constat sur sa vie est implacable. Il a déjà commencé à réfléchir, donc il finira par comprendre. Il ne peut plus continuer à se laisser faire de la sorte. Il doit agir. Il doit se mettre à se défendre. Alors, quand nous vous disions que le film ne parle pas d’autodéfense, ce n’est pas tout à fait exact. Il est question d’armes, de karaté, de joutes verbales. Mais tout cela n’est que de l’apparat. Le film revêt ce costume pour nous parler de tout autre chose, mais il va falloir attendre la fin de notre démonstration pour savoir de quoi il s’agit, ou alors aller directement à la ligne 167.

 

Donc, voilà que le film prend un sacré tournant. Là où d’autres se seraient contentés d’exploiter le filon de vigilante movie ou du film de revanche, Riley Stearns va capitaliser sur le drame intérieur du personnage tout en continuant à disséminer ses pop-ups comiques, pour créer un univers à la fois absurde et terrifiant. C’est en jouant avec les marches narratives que franchit le personnage principal que le réalisateur va faire muter son style humoristique. Au début, la comédie procédait par petites touches, comme si de rien n’était. Nous étions gentiment amusés, nous nous mettions à sourire, puis le sourire devenait plus marqué, se transformait en rire franc ou de stupéfaction, jusqu’à finir par être bruyamment expressif comme l’a prouvé la centaine de spectateurs présents pour cette projection. Et tout cela sans effets majeurs. Rien n’est pas appuyé comme dans une banale comédie française. La sincérité avant tout. C’est surtout cet effort constant à appliquer la peinture d’une réalité qui permet d’accepter les postulats les plus incroyables. Jusqu’à la fin où l’humour devient quasiment de la farce. Voilà un crescendo narratif fort bien mené. Pour y arriver, Riley Stearns use d’un filmage sobre et d’un montage sec. Il évite les plans généraux pour se consacrer au maximum sur ce qui fait avancer l’histoire. L’échelle des plans reste tout à fait correcte malgré tout, avec un découpage très intéressant car au service, lui aussi, de la comédie. Eh bien, mine de rien, c’est de la maîtrise, ça, les copains. Et ça fait plaisir à voir, même si ce n’est pas non plus le nirvana. Forcément, le film ne roule pas sur l’or mais ça ne se voit pas trop. Et nous dirions même qu’il a su le transformer en avantage. Parce qu’au lieu de faire s’écrouler son film sous une décharge de technique aussi brillante soit-elle, Stearns choisit le minimum d’effets pour un maximum d’effet. Il n’est pas rare, tout à coup, de voir surgir un axe un peu branque, un peu décalé par rapport au reste, mais toujours totalement justifié. Nous dirions même que c’est probablement l’axe qui convenait le mieux à ce moment-là. Et le film se poursuit sans prendre les lanternes pour des vessies, sans nous survendre quoi que ce soit, ce qui aboutit à un film humble mais pas dépourvu d’ambitions.

 

Voilà qui va à contre-courant de tous les films de superhéros. Car, oui, ne vous y trompez pas, THE ART OF SELF-DEFENSE est un film de superhéros. Dison plutôt une variation du mythe. Ou comment Jesse Eisenberg en prenant part à un cours de karaté verra sa confiance en lui se développer, et en usera comme d’un superpouvoir. Evidemment, qui dit superhéros dit costume qui va avec. Pour lui, ce sera une ceinture jaune synonyme de montée en grade. Pas n’importe quel jaune. Un jaune bien pétaradant, un jaune soleil, un jaune fête de printemps, un jaune j’me la pète grave. L’évolution est nette et précise. Sa vie devient jaune (pour preuve la scène où il fait ses courses !) Là encore cela donne lieu à des situations vraiment très drôles. Par exemple, la scène avec son boss est complètement inattendue. Le film avance continuellement de la sorte, à coup d’arches narratives toujours surprenantes. Ce sont autant de virages qui permettent au film d’avoir constamment un coup d’avance sur le spectateur. Et comme Riley Stearns, nous le disions plus haut, n’abuse pas d’esbroufe technique, il use d’un levier de mise en scène devenu ringard pour les grosses productions modernes : la direction d’acteurs. Et pourtant, c’est le plus substantiel des leviers de mise en scène. Comparé aux effets visuels, il est plus risqué car moins scientifique, mais son impact est bien plus important : il crée du sentiment là où les autres ne créent que de l’émotion. L’un raconte une histoire, les autres la montrent. Et bim ! C’était mon art à moi de la défense du cinéma.

 

Premièrement, Jesse Eisenberg est bien. Pas nouveau mais vraiment bien. Et je le dis d’autant plus aisément que j’ai souvent du mal avec son air obtus. Je veux dire par là non pas que cela me gêne qu’il joue toujours la même chose (on ne tire pas si aisément un trait sur tout Bogart, tout de même !), mais que j’enrage souvent de le voir cadenasser son jeu d’acteur sous prétexte que le personnage qu’il incarne se replie sur lui, est extraverti, renfrogné, mystérieux, trouble etc. La chose qui me dérange le plus chez un acteur ou une actrice c’est son manque de générosité, surtout chez quelqu’un de talent. La palme revenant actuellement à l’exécrable Timothée Chalamet, si vous voyez ce que je veux dire, clin d’œil, coude-coude. A mon sens, c’est un sentiment de supériorité qui nuit au personnage. Et Jesse Eisenberg a souvent cette tendance. Cela ne l’empêche pas d’être formidable quand il joue ce type de bonhomme, comme dans l’excellent NIGHT MOVES de Kelly Reichardt. Ou encore dans THE SOCIAL NETWORK, mais il est vrai que Fincher a le don d’engager pas forcément les meilleurs acteurs et de faire en sorte que leurs défauts passent pour des qualités (le meilleur exemple étant la façon dont il se sert de la veulerie de Ben Affleck dans GONE GIRL, à bien regarder le film on ne sait pas très bien si l’acteur se rend compte de sa propre humiliation). Toujours est-il que dans THE ART OF SELF-DEFENSE, Eisenberg est parfait. Il se sert de son manque de générosité pour jouer avec une économie de moyens qui campe idéalement le mec qui vit chichement, mal dans sa peau, et qui traverse sa vie comme un véritable fantôme. Son intensité froide nous permet de lire sa misère intérieure, et son ardeur mal placée son inadaptation au monde qui l’entoure.

 

A ses côtés, nous retrouvons la délicate Imogen Poots. C’est rigolo, nous venons de les voir récemment tous les deux ensemble dans le même film (VIVARIUM, pas de date de sortie annoncée en France). Elle est drôlement chouette, cette comédienne ! Elle a commencé par des films pas terribles du tout (CENTURION, V FOR VENDETTA…) pour s’orienter petit à petit vers des films plus exigeants et plus singuliers (MOBILE HOMES, I KILL GIANTS, KNIGHT OF CUPS…) Elle fait le choix de personnages solides intérieurement mais qui n’arrivent pas forcément à s’imposer, et il faut avouer que c’est souvent payant. Là encore, sa complémentarité avec le personnage de Jesse Eisenberg lui permet de montrer toute sa richesse émotionnelle sans grande démonstration. Souvent le réalisateur fait le bon choix de la filmer en gros plan pour capter la finesse des expressions de son visage. Pas con.

 

Mais celui qui éclate à l’écran c’est véritablement Alessandro Nivola, qui compose un Sensei aussi charismatique qu’équivoque. Alors, forcément, c’est un rôle écrit pour « ramasser », mais il faut quand même être juste et insister sur sa prestation millimétrée. Parce que Nivola ne force jamais l’expressivité de son personnage. Il compte, à juste titre, sur le calme et l’égalité de caractère de son personnage pour imposer un Sensei persuasif et manipulateur. Cela a le grand mérite de ne pas vendre tout de suite le personnage et, en tant que spectateur, pendant un bon moment nous ne savons pas sur quel pied danser. Il faut dire qu’Alessandro Nivola peut tout aussi bien être ridicule (la scène du body language) que fascinant (la remise des ceintures). Transition toute trouvée pour aborder ce qui constitue une des facettes primordiales du film. Du début à la fin, THE ART OF SELF-DEFENSE joue avec la thématique du double. Et c’est d’autant plus intéressant que Stearns ne l’emploie jamais en termes de dualité mais plutôt d’alliance, de coalition. C’est évidemment la figure du Sensei à la fois envoûtant et effrayant. Mais c’est aussi valable pour Imogen Poots qui enterre sa féminité face à la misogynie d’Alessandro Nivola. Chaque caractéristique se fond l’une dans l’autre, développant l’idée que l’être humain est riche de plusieurs facettes et que chacune ne fait que s’adapter à la situation. Fort de ce principe, Alessandro Nivola profite de ce mélange pour développer ses thèses. Et cela se retrouve notamment dans son discours, avec les sentences qu’il assène ou les formules qu’il répète comme des mantras (« Donner des coups de pied avec vos poings et des coups de poing avec vos pieds »). Ce propos sur le double visage concerne tout aussi bien Jesse Eisenberg, c’est même le principal concerné. A ce titre, il est intéressant de noter le choix de ce comédien que nous avons vu œuvrer dans le même sens au sein du film de Richard Ayoade : THE DOUBLE. Comme un écho de deux films qui se répondent dans le vide des six années qui les séparent.

 

En jouant sur cette figure du double, Stearns permet à son film de s’engouffrer dans une tonalité plus sombre que ne le laissait présager l’insouciance du début. Plus nous avançons au sein de cette école de karaté plus nous découvrons que ce qui s’y trame est louche. Parallèlement, le nouvel homme qui émerge du personnage de Jesse Eisenberg apporte une instabilité qui nous le rend à la fois touchant aussi bien que pathétique. Pour Stearns, le double aurait ici la fonction de flouter les lignes, de démontrer que rien n’est véritablement défini. Pour cela, il s’aide des apparences trompeuses et surtout des préjugés sexospécifiques qu’il se plaît à lister. Et là, il s’aide d’un élément déterminant que peu ont remarqué : il joue avec l’époque. En fait, sans trop que nous nous en apercevions, Riley Stearns a malicieusement déplacé dans le temps son récit. Rien ne l’indique explicitement mais quelques éléments disparates nous signalent que THE ART OF SELF-DEFENSE ne se déroule pas de nos jours. Caméra et cassettes VHS, magnétoscope, énormes écrans d’ordinateurs, répondeurs téléphoniques, absence de téléphones portables etc. Autant d’indices qui semblent nous orienter vers les années 90. Alors, pourquoi ? Il est essentiel de pouvoir répondre à cette question pour comprendre exactement ce que dissimulent les voiles de cette histoire d’art de l’autodéfense, car c’est précisément là que se terre le fond du propos de Stearn, autrement dit le double caché du film.

 

               Pour bien comprendre ce qui se joue, il faut aller voir à l’intérieur de l’école de karaté. Il y a là beaucoup de testostérone, c’est clairement dit. Une trace sang sur le tatami ; un indice sur votre écran. Une salle où il ne faut pas pénétrer ; très bien, nous savons d’entrée que quelqu’un brisera l’interdit. Une seule fille qui est aussi la plus douée des élèves, mais elle n’aura jamais la ceinture noire, car son problème en tant que femme c’est que cela l’empêche de devenir un homme (!), là aussi c’est clairement dit. Il y a des cours du soir où les hommes finissent par se masser de façon étrangement érotique. Et puis il y a Alessandro Nivola qui diffuse sa conception de la masculinité sous des dehors de compréhension et de sagesse. Un mélange d’érudition philosophique et de mysticisme ancestral. Ses idées sont des idées de puissance, de domination et d’anéantissement. Un homme, un vrai, admire un pays dur comme la Russie. Un homme, un vrai, a un berger allemand, pas un teckel. Un homme, un vrai, écoute du death metal. Et tout est du même acabit. Alors, forcément, replacé dans le contexte des années 90 quand Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger et Steven Segal illustrait cinématographiquement cette image de l’homme viril et combatif, cela donne une perception assez nette des stéréotypes que la société véhiculait et véhicule toujours. Tous ces éléments scénaristiques sont présents sans être totalement exprimés. La mise en scène se plaît à évincer ce qu’elle édicte, et cela crée une érotisation du lieu qui devient petit à petit une homoérotisation. L’avènement de l’Homme autosuffisant rend le lieu, l’enseignement, le groupe, Alessandro Nivol, puissamment attirants. La manipulation peut alors jouer à plein. Jesse Eisenberg se fait happer et contaminer par cette image du mâle dominant. Il devient ce qu’il redoute. THE ART OF SELF-DEFENSE dresse ainsi une image drôle mais terrible du machisme décomplexé.

 

Partant de cette satire, la difficulté pour Stearns est d’explorer ce versant sans concéder quoi que ce soit à son histoire première. Et force est de constater qu’il ne parvient pas vraiment à approfondir son propos. Il rend bien compte d’un certain état d’esprit mesquin, et sa peinture sociale est très juste, mais il ‘arrête toujours avant d’aller plus en profondeur dans les rapports humains. Ce qui l’intéresse avant tout, comme dans son premier film, c’est l’emprise qu’une ou quelques personnes peuvent avoir sur un groupe. Il tente ainsi de disséquer ce qui fait qu’une personne peut obéir à une autre, allant jusqu’à commettre les actes les plus vils. Le besoin de reconnaissance, de se faire accepter par les autres, est surtout le moteur principal. Jesse Eisenberg n’aspirait qu’à cela depuis le début. Dans le groupe de karaté, c’est la ceinture jaune qui sera la preuve de cette acceptation. Dès lors, nous pourrions croire que se noyer dans la masse c’est ressembler aux autres, accepter de noyer son individualité. Etre comme les autres, en somme. D’ailleurs, c’est ce que pourrait nous faire croire le dénouement du film (nous ne nous dévoilerons rien, bien évidemment, mais nous signalerons juste que si vous vous comportez en spectateur actif, vous devinerez aisément la fin). En fait, c’est tout le contraire. Le film dit que c’est par leur singularité que les êtres se sauvent et, ce faisant, Jesse Eisenberg procède à un rééquilibrage des forces présentes en tenant un discours parfaitement féministe. Il est alors possible de voir cette histoire de double comme une métaphore de la coexistence des hommes et des femmes à l’heure d’une égalité difficile à obtenir. En d’autres termes, THE ART OF SELF-DEFENSE est un film foncièrement mathématique qui passe son temps à démontrer que 1 + 1 = 1.

 

               A n’en pas douter, THE ART OF SELF-DEFENSE est l’une des premières réponses à la prise de conscience des rapports hommes-femmes après l’affaire Weinstein. En se focalisant sur la manière dont les idées préconçues et les clichés véhiculés par la société conditionnent notre développement social, Riley Stearns nous livre une comédie noire, acide et pourtant très lucide sur notre sentiment d’insécurité qui en découle. Par l’entremise d’un groupe de karaté qui ressemble plus à une secte, il associe la fanatisation des individus à la manière dont tous ces préjugés sont acceptés et banalisés dans notre société. Le réalisateur joue sans discontinuer sur ces deux niveaux de lecture pour terminer en nous surprenant une dernière fois par un discours féministe. Mais pas dans le sens des mouvements radicaux initiés par les féministes (qui ne sont d’ailleurs plus des féministes aujourd’hui, mais des extrémistes, vu la guerre des sexes qu’elles ont déclenchée). Non, féministe s’entend là dans son sens originel, celui qui fait du féminisme un humanisme, un message de double, dans lequel l’homme et la femme ne font qu’un. Voilà donc bien une progéniture non reconnue de l’ère post-Weinstein.

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