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10 décembre 2023 7 10 /12 /décembre /2023 20:00

            ALFRED HITCHCOCK     La vraisemblance ne m'intéresse pas. C'est ce qu'il y a de plus facile à faire. Dans The Birds, il y a cette longue scène dans le bistrot où les gens parlent des oiseaux. Parmi ces gens, il y a une femme avec un béret sur la tête, qui est justement une spécialiste des oiseaux, une ornithologue. Naturellement, j'aurais pu tourner trois scènes pour la faire arriver vraisemblablement, mais ces scènes n'auraient aucun intérêt.

            FRANCOIS TRUFFAUT     Et elles constitueraient pour le public une perte de temps.

            ALFRED HITCHCOCK     Non seulement une perte de temps, mais ce serait comme des trous dans le film, des trous ou des taches. Soyons logiques : si vous voulez tout analyser et tout construire en termes de plausibilité et de vraisemblance, aucun scénario de fiction ne résisterait à cette analyse et vous n'aurez plus qu'une chose à faire : des documentaires.

            FRANCOIS TRUFFAUT     C'est très vrai. La limite du vraisemblable, c'est le documentaire. D'ailleurs, les seuls films qui rallient l'unanimité de la critique mondiale sont en général des documentaires comme l'Ile nue, lorsque l'artiste offre son travail mais rien qui vienne de son imagination.

            ALFRED HITCHCOCK     Demander à un homme qui raconte des histoires de tenir compte de la vraisemblance me paraît aussi ridicule que de demander à un peintre figuratif de représenter les choses avec exactitude. Quel est le comble de la peinture figurative ? C'est la photographie en couleurs, n'est-ce pas ? Vous êtes bien d'accord ?

Il y a une grande différence entre la création d'un film et celle d'un documentaire. Dans un documentaire, c'est Dieu le metteur en scène, lui qui a créé le matériel de base. Dans le film de fiction, c'est le metteur en scène qui est un dieu, il doit créer la vie. Pour faire un film, il faut juxtaposer des masses d'impressions, des masses d'expressions, des masses de points de vue et, pourvu que rien ne soit monotone, nous devrions disposer d'une liberté totale. Un critique qui me parle de vraisemblance est un type sans imagination.

            FRANCOIS TRUFFAUT     Remarquez que, par définition, les critiques n'ont pas d'imagination et c'est normal. Un critique trop imaginatif ne pourrait plus être objectif. C'est justement cette absence d'imagination qui les amène à préférer les œuvres très dépouillées, très nues, celles qui leur donnent le sentiment qu'ils pourraient presque en être les auteurs. Par exemple, un critique peut se croire capable d'écrire le scénario du Voleur de bicyclette, mais pas celui de North by Northwest et forcément, il en arrive à penser que le Voleur de bicyclette a tous les mérites et que North by Northwest n'en a aucun.

            ALFRED HITCHCOCK     Justement, vous citez North by Northwest, la critique dans le « New Yorker » disait que c'était un film « inconsciemment drôle ». Pourtant, quand je tournais North by Northwest, c'était une énorme blague, lorsque Cary Grant se trouve sur les monts Rushmore, je voulais qu'il se réfugie dans la narine de Lincoln et que là, il se mette à éternuer violemment ; cela aurait été amusant, hein ?

Mais je m'aperçois qu'on a dit beaucoup de mal des critiques, non ? A propos, qu'est-ce que vous faisiez quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois ?

            FRANCOIS TRUFFAUT     Eh bien ! j'étais critique de cinéma ! Et alors ?

            ALFRED HITCHCOCK     Il me semblait bien ! Non, voyez-vous, quand un metteur en scène est déçu par la critique, lorsqu'il se rend compte que les critiques ne sont pas soigneux en examinant ses films, eh bien ! le seul refuge qu'il puisse envisager, c'est l'acclamation par le box-office.

Maintenant, si un metteur en scène tourne ses films entièrement pour le box-office, il se laisse entraîner dans la routine et c'est très mauvais. Il me semble que les critiques sont souvent responsables de cet état de choses et qu'ils peuvent conduire un homme à n'envisager que le box-office parce qu'à ce moment-là il peut dire : « Je me fous des critiques parce que mes films font de l'argent ».

Il y a ici, à Hollywood, un slogan très fameux : « Je vais dire à ce critique que j'ai lu son article et que je suis allé à la banque en pleurant tout le long du chemin ». Dans certains hebdomadaires, on recherche volontairement des critiques qui peuvent dénigrer en amusant les lecteurs. Il y a une expression en Amérique quand une chose est mauvaise : « C'est seulement bon pour les oiseaux. » Alors je savais très bien ce qui m'attendait pour la sortie de The Birds !

            FRANCOIS TRUFFAUT     Napoléon disait : « La meilleure défense, c'est l'attaque ». Alors vous auriez pu désarmer vos critiques par un slogan, lors du lancement du film ?...

            ALFRED HITCHCOCK     Non, non, cela n'en vaut pas la peine. Je me rappelle toujours, pendant la dernière guerre, j'étais à Londres et un film était sorti qui s'appelait Vieilles Connaissances de John van Druten, avec Bette Davis et Claude Rains. Les critiques de deux journaux du dimanche, à Londres, ont terminé leurs articles par la même phrase, et qu'est-ce que vous croyez que c'était ? « Les vieilles connaissances devraient être oubliées. » Ils n'avaient pas pu résister à la tentation du jeu de mots, même si le film était très bon...

            FRANCOIS TRUFFAUT     J'ai remarqué ça en France pour tous les films dont le titre se termine par « la nuit » : les Portes de la nuit, Marguerite de la nuit, etc., deviennent « les Portes de l'ennui », « Marguerite de l'ennui »... On fait toujours le jeu de mots sur l'ennui, même si le film est captivant... J'aime beaucoup votre slogan « Certains films sont des tranches de vie, les miens sont des tranches de gâteau ».

            ALFRED HITCHCOCK     Je ne filme jamais une tranche de vie car, cela, les gens peuvent très bien le trouver chez eux ou dans la rue, ou même devant la porte du cinéma. Ils n'ont pas besoin de payer pour voir une tranche de vie. Par ailleurs, j'écarte également les produits de pure fantaisie, car il est important que le public puisse se reconnaître dans les personnages. Tourner des films, pour moi, cela veut dire d'abord, et avant tout, raconter une histoire. Cette histoire peut être invraisemblable mais elle ne doit jamais être banale. Il est préférable qu'elle soit dramatique et humaine. Le drame, c'est une vie dont on a éliminé les moments ennuyeux. Ensuite, la technique entre en jeu et, là, je suis ennemi de la virtuosité. Il faut ajouter la technique à l'action. Il ne s'agit pas de placer la caméra dans un angle qui provoquera l'enthousiasme du chef opérateur. La seule question que je me pose est de savoir si l'installation de la caméra à tel ou tel endroit donnera à la scène sa force maximale. La beauté des images, ma beauté des mouvements, le rythme, les effets, tout doit être soumis et sacrifié à l'action.

 

François Truffaut (avec la collaboration d'Helen Scott), HITCHCOCK/TRUFFAUT, Ramsay, 1983.

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