On a souvent reproché à Clouzot sa violence vis-à-vis des acteurs. Durant le tournage de Quai des Orfèvres, nous avons été plusieurs à être giflés par lui. De vraies gifles qui font vaciller. Cette violence n’est pas de la méchanceté, de l’agressivité mal employée ou de l’énervement. Clouzot sent instinctivement le moment où il lui devient impératif de s’en prendre physiquement à l’acteur pour qu’il laisse enfin sortir de lui ce qu’il retient et que le film réclame pour être ce qu’il doit être.
Comme un sculpteur, il taille dans le vif pour que l’œuvre sorte.
Blier, qui sera giflé lui aussi, le comprendra très bien. Ce qui s’apparente à de la brutalité n’occulte en rien la tendresse, la grande humanité de ce cinéaste hors du commun. C’est ce qui ressort du film au-delà de la première perception noire. Un film empreint aussi, selon certains, d’un certain érotisme, mais un érotisme sain grâce à l’amour qui le sous-tend en filigrane.
Jacqueline Willemetz, SUZY-DELAIR - MEMOIRES, L'Harmattan, 21 février 2022.